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Christophe Galtier comme à s’baraque
L'ancien coach stéphanois s'apprête à retrouver la Ligue 1 avec Lille, avec lequel il a évolué en tant que joueur pendant trois saisons à la fin des années 1980. Et vu les impressions que Galtier a laissées au LOSC, il pourrait rapidement y prendre ses aises. À condition qu'il reconnaisse la maison qu'il avait quittée.
Retour en arrière ou retour aux sources ? Avec Bielsa aux commandes, le LOSC pensait pouvoir être propulsé en l’espace de quelques mois dans une autre dimension. Fini les schémas tactiques et les patronymes fleurant bon la Ligue 1 à papa. Place à l’audace, à la folie et aux pépites sud-américaines. Une demi-saison plus tard, voir Christophe Galtier dans le même survêt’ qu’El Loco pourrait être considéré comme un implacable aveu d’échec pour les ambitions des Dogues. Pas pour les hommes de Gérard Lopez. « Christophe a une vaste expérience en Ligue 1, il a été nommé meilleur coach de Ligue 1 en 2016, il a de l’autorité, c’est un leader qui sait gérer la dynamique d’un vestiaire » , listait Marc Ingla lors de la présentation de son nouveau chef de meute. Pour le directeur général lillois, Galtier est « quelqu’un qui peut faire le lien entre le passé du club, son présent et son avenir » . Hors de question de brader le projet LOSC Unlimited. Qu’importe si le choix de confier la barre à un ancien de la maison, avec plus de références dans l’Hexagone qu’il n’a de poids à l’international, correspondrait plus au style de l’ex-proprio Michel Seydoux. Et tant pis s’il a l’accent chantant.
Bernard Lama : « Un Marseillais chez les Ch’tis »
Marseillais pur jus, Christophe Galtier se souvient très bien de son passage à Lille entre 1987 et 1990, quand il était un jeune espoir du foot français. « Quand je suis arrivé un 26 juin de mon Sud et de la plage, il pleuvait. Évidemment qu’on avait les larmes aux yeux de laisser la famille et le beau temps. Mais je suis aussi reparti trois ans plus tard avec les larmes » , narrait-il lors de son retour fin décembre, pas peu fier de citer Dany Boon. « Un vrai Marseillais chez les Ch’tis » , en rajoute une couche Bernard Lama, qui gardait les bois nordistes à l’époque. À 20 piges, le défenseur quittait pour la première fois son OM formateur, sentant qu’il aurait plus de mal à exister dans ce club que redessinait Bernard Tapie. Le LOSC d’alors avait tout de l’honnête club de D1 : jamais devant, rarement dans le rouge. La saison précédant son arrivée, les Dogues avaient pourtant dangereusement flirté avec la relégation. Charly Samoy et Georges Heylens, respectivement directeur sportif et entraîneur du LOSC, s’étaient alors attelés à renouveler son effectif en débusquant plusieurs jeunes, comme Jocelyn Angloma et donc Christophe Galtier. Sauf que le minot n’a pas mis longtemps pour se faire adopter dans le Nord.
« Il était de ceux qui parlaient le plus dans un groupe assez jeune, avec pas mal de garçons qui découvraient la D1. Aussi jeune et aussi responsable, il a bluffé tout le monde, note le gardien guyanais. En fait, c’est comme s’il avait toujours été là. » Un leadership et une maturité qui ont également marqué ses coéquipiers, dont Angloma, qui le fréquentait déjà en équipe de France Espoirs : « Quand il sentait que quelque chose n’allait pas, il le disait, même s’il y avait des joueurs plus expérimentés. Il pouvait dire des choses blessantes, mais avec la forme, donc ça passait toujours bien. » Le capitaine de l’époque, Jean-Luc Buisine, se souvient qu’ « il dénotait dans le vestiaire. Les gens du Nord sont plutôt taiseux, alors que lui était très jovial, toujours de bonne humeur, un peu chambreur, un garçon intelligent et très attachant. »
Sur le terrain, Galtier se pose rapidement comme un solide titulaire. « Il était très bon dans le duel, que ça soit de la tête, avec une super détente et un bon timing, ou sur les tacles à une époque où on pouvait encore tacler, synthétise Buisine, actuel responsable du recrutement au Stade rennais. Il n’avait pas les qualités de vitesse, de débordement et de centre qu’on attend des latéraux modernes. Mais en un contre un, c’était très difficile de passer. »
Buisine : « Mon épouse lui coupait les cheveux »
Angloma devant lui sur le terrain, Buisine à ses côtés, Galtier était entouré de la même manière quand il rentrait chez lui dans le Vieux Lille, puisque l’un habitait l’appartement du dessus, quand l’autre habitait en face. Avec la vie de voisinage qui allait avec. « Sa femme de l’époque était prof d’anglais et donnait des cours aux femmes des autres joueurs. C’était plutôt sympa, se remémore Buisine. En échange, mon épouse était coiffeuse et lui coupait les cheveux. » En plein centre-ville, « Galette » , comme on le surnomme, n’est pas du genre à rester enfermé lors de son temps libre. « C’est un bon vivant. Il sortait assez souvent dans Lille, faire des restaurants, se promener, discuter avec les gens, profiter, raconte Jocelyn Angloma. On pouvait sortir tranquillement dans la ville et vivre avec le peuple, ce qui n’est plus possible actuellement. Ça a dû lui plaire, lui le Marseillais qui aimait ce genre d’ambiance. »
Bien qu’épanoui, Galtier cherche à changer d’air au bout de trois saisons sans grand danger ni coup d’éclat. Une routine qu’il cassera en signant en 1990 à Toulouse. Mais rien d’étonnant à le voir revenir dans la région, au chevet d’un club où « il a laissé de bons souvenirs » , assure Bernard Lama, convaincu qu’ « il peut faire aujourd’hui le lien avec le passé, même si le LOSC d’il y a trente ans n’a plus rien à voir avec celui d’aujourd’hui » . L’un comme l’autre ont bien grandi entre-temps et chacun a besoin de se relancer. « Je suis admiratif du travail qu’il a fait à Saint-Étienne. Il a su tirer la quintessence de l’effectif qu’il avait, souligne Buisine. Au LOSC, à notre époque, on avait deux petits terrains en herbe avec un stabilisé et un stade dans la forêt, Grimonprez-Jooris, qui était sympa cela dit. Aujourd’hui, il a dû se rendre compte que le club a pris une autre dimension et ça va lui plaire. » Un emballage tout neuf, même si l’ADN reste le même. Buisine : « Il correspond aux valeurs du club : il aime les gens honnêtes et loyaux, quand il s’investit ce n’est jamais à moitié, il a un cœur énorme. Un peu comme les gens du Nord qui sont réputés pour ça. » Il faudra l’avertir qu’il aura aussi affaire à un président qui vient lui du sud du Luxembourg et qui ne compte pas verser de larmes de sitôt.
Par Mathieu Rollinger
Propos d'Angloma, Buisine et Lama recueillis par MR.