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Christian Fuchs, Serpentard
Excentrique s’il en est, le capitaine de la sélection autrichienne est un grand fan de reptiles, au point d’avoir accueilli deux beaux serpents à domicile. Une passion née d’un coup de foudre en pleine foire animalière.
On connaissait Youri, surnommé le Snake pour ses coups francs reptiliens. Christian Fuchs, lui, est allé plus loin. Alors qu’il n’est encore qu’un jeune joueur de Mattersburg (surprenant club d’Austrian Bundesliga, basé dans un village de 6000 âmes, mais dont le stade de 17 000 places est presque toujours plein), sa femme Raluca et lui se disent qu’ils accueilleraient bien un peu de compagnie à la maison. Le cahier des charges est assez précis. En effet, le couple tient à ce que leur futur animal de compagnie soit facile d’entretien, et ne nécessite pas la présence constante de ses propriétaires. Entre les rencontres à l’extérieur de Monsieur et les business trip de Madame (alors chez Goldman Sachs), impossible de le sortir à intervalles réguliers. Ce qui exclut d’emblée pour eux les classiques chats, chiens et hamsters. Christian et Raluca se rendent donc à une foire animalière de la région, l’esprit ouvert. Après plusieurs minutes de déambulation, regards amusés et curiosité, le couple finit par s’arrêter dans la zone dédiée aux reptiles. Le tournant.
L’amour au premier regard
Là, un exposant en profite pour la jouer mignon – enfin mignon, c’est un point de vue -, et dépose un bébé serpent dans la main du joueur. La suite, c’est encore l’intéressé lui-même qui la raconte le mieux, dans les colonnes du Merkur, un journal munichois : « Qu’est-ce que je peux dire ? Ça a été l’amour au premier regard. Ce n’est pas comme si j’avais toujours eu un faible pour les serpents. C’est juste arrivé. Mais c’est comme ça que je l’ai ressenti. J’ai beaucoup aimé leur contact. Les gens pensent que les serpents sont visqueux, mais ce n’est pas du tout le cas : leur peau est sèche. Je me rappelle que je n’arrivais pas à trouver le mot adéquat pour décrire cette sensation. C’est vraiment quelque chose que les gens doivent découvrir par eux-mêmes. Je pense qu’il n’y a rien contre le fait d’en avoir comme animal de compagnie. Et les miens ne sont pas venimeux de toute manière. » Convaincus, les Fuchs décident d’adopter un spécimen. Leur choix se porte sur un serpent-roi, dénommé Dietlinde. Un prénom de fille donc, sauf qu’il s’avère qu’ils se sont trompés sur la bête et qu’ils ont affaire à un mâle. Dietlinde devient donc Didi. Pour le suivant, ils ne refont pas la même erreur, et adopte un patronyme plus gender-neutral, en l’occurrence Goldi, rapport au reflet doré sur son dos. Mis en confiance par Didi, le couple est passé au stade supérieur : Goldi est un solide python royal d’environ 130 cm.
Une séparation
Juste avant l’Euro 2008, Christian s’engage avec le VfL Bochum. Un changement de pays qui nécessite d’abandonner Didi et Goldi derrière eux. Trop sensibles au stress, les reptiles n’auraient pas supporté le déménagement dans la Ruhr. Ils sont donc confiés aux beaux-parents de Christian, eux aussi férus du genre. En Allemagne, malgré la distance, le nouveau venu ne met pas pour autant sa passion de côté. Ainsi, lorsque le club visite le vivarium du zoo de la ville, Christian est l’homme le plus heureux du monde. Il passe des heures à contempler les créatures se mouvoir derrière la vitre, bombarde le professeur qui en est responsable de questions techniques, clairement au fait de son sujet. Et ne bronche pas lorsqu’on lui dépose un boa constrictor de deux mètres et six kilos autour du cou. Un simple exercice de relaxation pour Christian, qui apprécie le contact indescriptible de la bête à sang froid, une qualité utile sur le terrain. Par la suite, Fuchs fera souvent la démonstration de son amour pour les serpents, comme lorsqu’il est invité sur le plateau de ZDFsport et qu’on lui colle des spécimens dans les mains et autour du cou, tout en continuant à lui poser des questions comme si de rien n’était.
Depuis son départ à Leicester, Christian a définitivement cédé Didi et Goldi à ses beaux-parents. « On peut dire que je suis devenu sérieux » , explique-t-il alors. Sauf qu’évidemment, Christian n’arrive pas à se tenir : « J’aime déconner, c’est comme ça. J’aime partager des choses avec mes coéquipiers, car, pour moi, la vie ne vaut pas d’être sérieuse en permanence. » Et s’il ne possède plus de serpents à la maison, il a au moins un titre de champion à poser sur la cheminée. Il n’y rajoutera certainement pas d’Euro, mais rien ne l’empêche de faire un petit tour au zoo de Vincennes.
Par Charles Alf Lafon