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Christian d’or
À 17 ans seulement, Christian Pulisic s’apprête à disputer sa première compétition internationale majeure. En plus de faire tomber tous les records de précocité, le petit protégé de Thomas Tuchel pourrait devenir le premier Américain à jouer les premiers rôles en Europe.
Il a l’âge auquel on passe généralement son printemps à s’arracher les cheveux sur des manuels de français et de sciences. Ou celui auquel on passe généralement son printemps à fumer des cônes sur les bancs d’un parc public après les cours. C’est selon. Lui ne fait normalement ni l’un ni l’autre. Pas de calculettes, pas d’équerre, pas même un stylo dans le sac, mais des crampons, des maillots et des chaussettes. Quand la plupart des adolescents attendent près de la fenêtre que le facteur passe pour intercepter un mauvais bulletin, lui parcourt les coupures de presse faisant son éloge. Les félicitations, il les a obtenues haut la main tout au long de l’année. Ce n’est pas juste un jeune joueur qui obtiendra son bac avec mention. C’est un petit génie sur qui une nation entière a posé des espoirs presque démesurés. Avec lui doit naître la nouvelle ère du soccer. Lui qui a su prendre le meilleur des States, de l’Angleterre et de l’Allemagne doit maintenant réussir un savant mélange pour réussir au plus haut niveau. Et les professeurs du monde entier auront les yeux rivés sur ses entrées en jeu pendant la Copa América Centenario.
Voyage sur les terres des Pilgrim Fathers
Quand les sujets de la couronne d’Angleterre ont débarqué du Mayflower, ils n’avaient apparemment pas apporté le football dans leurs cales. Il a donc fallu que le jeune Christian retourne sur les terres de naissance du football pour en découvrir les joies et les secrets. Il n’a que 7 ans quand ses parents, Mark et Kelley – qui vient d’obtenir une bourse pour aller enseigner à l’étranger – l’emmènent au Royaume-Uni. À quelques kilomètres au nord d’Oxford, Christian est inscrit dans le club de Brackley Town. Un déclic. « Le coach, Robin Walker, a été d’une grande influence pour Christian, et nous sommes encore amis aujourd’hui. Christian est vraiment tombé amoureux du jeu et a commencé à être obsédé par le football. Il jouait tous les jours, à l’école, après l’école, partout, avec les gamins du coin » , raconte au Guardian Mark, le père de Christian, ancien joueur professionnel de football en salle. Le petit gamin de Pennsylvanie veut tout connaître du ballon rond. D’Old Trafford à White Hart Lane en passant par les petits stades des clubs de divisions inférieures, Pulisic assiste à des dizaines de rencontres, sous l’œil attentif de ses parents. De retour sur sa terre natale, Christian veut continuer le football.
Au sein des PA Classics, puis des Harrisburg City Islanders, Christian d’or continue d’affûter ses armes. Dans le premier des deux clubs, Pulisic laisse pantois l’entraîneur du coin, Doug Harris. « La première fois que je l’ai vu jouer, j’ai pensé qu’il était un peu petit. Puis j’ai compris qu’il jouait avec des garçons deux ans plus vieux que lui. Ils faisaient tous deux têtes de plus que lui, mais ça lui a appris à bosser sa technique pour se faufiler » , explique-t-il, toujours au quotidien anglais. Bien plus que ses capacités techniques, c’est surtout la force mentale du jeune joueur qui surprend alors son éducateur : « Je me souviens d’une séance de tirs au but. Il y avait beaucoup d’enjeu. Quand il s’est avancé, j’ai compris dans son regard qu’il allait marquer. Cette détermination, c’était quelque chose de fort. » Dès lors, ni Mark ni Kelley ne peuvent plus s’interposer avec l’ambition de leur fiston. Christian veut réussir et sait ce que ça implique. Tous les étés, Mark l’emmène en Europe s’entraîner dans les summer camps des plus grands clubs espagnols et anglais. Très vite, il intègre l’équipe nationale U15 puis U17. Et tape dans les yeux d’un géant allemand. Christian n’a que 16 ans quand il s’engage pour le Borussia Dortmund, loin, très loin de chez lui. « On a senti dans nos entrailles que c’était le moment, alors on a foncé » , confie Mark, aujourd’hui entraîneur des U10 au Borussia. Et c’est peu dire que les Pulisic ont fait le bon choix le 4 janvier 2015.
Désorganisateur précoce
Plus que jamais, c’est la précocité de Christian Pulisic qui interpelle. D’abord incorporé dans l’équipe U17 des Schwarz-Gelben, il est six mois plus tard appelé avec les U19, avant de finalement rejoindre l’équipe première, un an tout pile après son arrivée dans la Ruhr. Avec son parcours hallucinant, Christian n’entend simplement pas s’arrêter là. Dès ses premières apparitions avec l’équipe première, il s’attire les faveurs du coach Tuchel. « Ses deux premiers matchs en tant que titulaire, face à Leverkusen et à Schalke, n’étaient pas les plus simples. Cela prouve que nous lui faisons pleinement confiance malgré son jeune âge » , expliquait ce dernier en conférence de presse en avril dernier. Le 17 avril, lors de la réception d’Hambourg (3-0), le jeune Américain inscrit son premier but en Bundesliga, devenant ainsi le plus jeune étranger à marquer dans ce championnat et le quatrième plus jeune joueur toutes nationalités confondues. Assez pour lui ? Non, toujours pas. En marquant un second but quelques jours plus tard face à Stuttgart, Christian est devenu le plus jeune joueur à marquer deux buts en Bundesliga. Assez pour lui ? Non, toujours pas.
Avec de telles performances, Christian Pulisic a tapé dans l’œil de son sélectionneur, Jürgen Klinsmann. Appelé pour disputer la Copa América Centenario après une belle apparition face au Guatemala en mars dernier, Christian est devenu le plus jeune buteur de l’histoire de la Team USA lors de la victoire face à la Bolivie (4-0), le 28 mai dernier. S’il ne sera pas titulaire lors de la Copa América, Christian aura une carte à jouer sur chacune de ses entrées en jeu. Être un supersub à 17 ans seulement est une situation un peu classe. Et qui n’inquiète pas Mark, toujours là pour le soutenir et le remettre dans le droit chemin en cas d’égarement, comme il le confiait récemment au Guardian : « Pour être honnête, en tant que parent, nous espérions que ça n’aille pas aussi vite. Nous avons peur qu’il passe à côté de son adolescence, mais nous ne pouvons plus rien dire maintenant. Simplement essayer de le guider et de l’aider du mieux possible à gérer tout ce qui se passe actuellement. »
Par Gabriel Cnudde et Ruben Curiel