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Chris Coleman, sauce Larissa
Chris Coleman revient de loin. Tricard des bancs après un passage à la Real Sociedad et à Coventry, il a fallu que le Gallois aille se refaire la cerise en Grèce pour revenir sur le devant de la scène, avec cette surprenante sélection du pays de Galles.
C’est pratique, quand on ne se connaît pas, d’avoir un point en commun, pour briser la glace. Fernando Santos, sélectionneur du Portugal, et Chris Coleman, celui du pays de Galles, en ont au moins un : la Grèce. Si le Portugais en a fait son second pays, au point d’en être le sélectionneur pendant le dernier Mondial, le Gallois y a fait un passage éclair, à l’AEL Larissa. « Ce que je n’avais pas réalisé, en signant là-bas, c’était que j’allais travailler pour rien. Parce qu’on a jamais été payé » , sourit aujourd’hui Coleman, arrivé en mai 2011 en D2 grecque, pour démissionner en janvier 2012. Un nouvel impair, a priori, dans une carrière de coach cabossée. Entraîneur précoce après une carrière de joueur écourtée par un accident de voiture, Coleman débute bien, à Fulham (2003-2007) avant de s’embourber à la Real Sociedad. Resté un semestre au Pays basque, il laissera seulement le souvenir d’un retard d’1h30 à une conférence de presse d’avant-match. Le motif invoqué est plutôt inhabituel : sa machine à laver a inondé son appartement. Sauf que Marca a vu la veille un Chris non loin d’une boîte de nuit, à une heure évidemment tardive. Le dimanche suivant, après un nul contre le Celta Vigo, le natif de Swansea disculpe son électroménager : « J’étais dehors très tard à un endroit où je n’aurais pas dû être. L’autre jour, je vous ai donné une excuse, pour enlever la pression sur le club. » Une pression qu’il n’aura plus à subir puisqu’il sera débarqué en janvier 2008.
De Sir Alex Ferguson à Ibrahim Tall
Tentant ensuite un rebond à Coventry, en D2 anglaise, il tient plus longtemps – deux ans -, mais sans résultat probant. « Je me suis planté à Coventry, je pourrais même vous donner quelques histoires larmoyantes, mais pour être honnête, j’aurais dû faire mieux, avoue-t-il aujourd’hui. En tant que coach, si vous vous plantez, une fois, deux fois, c’est compliqué d’obtenir une troisième opportunité. C’est généralement la règle. » Chris Coleman attend cette fameuse troisième chance pendant un an et s’essaie finalement à l’aventure Larissa, sur les conseils de celui qui en prodiguait à tout ce que le royaume britannique compte d’entraîneurs. « Alex Ferguson m’a dit de prendre ce qui venait, peu importe quoi, confie Coleman. Alors je l’ai fait, j’ai accepté d’aller coacher en D2 grecque, à Larissa. » Et le Gallois ne le regrettera pas, malgré la brièveté de l’aventure et le salaire qui n’est jamais arrivé : « Aller là-bas est une des meilleures décisions que j’ai prises. Si c’était à refaire, je le referais. » .
Coleman arrive presque seul en Thessalie – avec Luis Boa Morte, connu à Fulham, mais sans adjoint – et compose avec le staff grec déjà en place. Ibrahim Tall, ancien joueur de Sochaux ou Nantes, aujourd’hui au FC Le Mont en Suisse, se souvient bien de l’arrivée du Gallois. « Tu sentais qu’il avait déjà connu le haut niveau, à l’inverse de son staff. Mais il ne s’est jamais plaint. Il avait envie de changer les choses. » Plus que faire bouger ce club, Chris Coleman, loin de chez lui et de ses habitudes, est en pleine introspection : « Je devais repenser mon approche du job, tant sur le terrain qu’en dehors. Tu apprends beaucoup sur toi, dans cet environnement, hors de ta zone de confort. Cela te pose d’autres questions et tu te dois d’avoir des réponses. Il y a une telle passion en Grèce. Si tu perds deux ou trois fois, tu te fais virer dans la nuit… » Au sein du groupe de Larissa, l’entraîneur gallois se donne, essaie de « mettre une super ambiance à l’entraînement, pour bosser mais dans la bonne humeur, prendre le truc à cœur » dixit Tall. « J’ai travaillé avec des gens bien à Larissa, résume le coach. Les joueurs étaient, dans leur mentalité, très différents les uns des autres. C’était vraiment une de mes meilleures expériences. Cela ne m’a pas forcément fait travailler plus dur, mais ça m’a montré les choses différemment. »
De Larissa à l’Euro
Et les choses différentes en Grèce, ce sont évidemment les considérations administratives. Pourtant, au début de saison, « le président était à fond, voulait monter une grosse équipe » , raconte Ibrahim Tall. Après leur avoir même promis un nouveau stade, ls joueurs et le staff ne sont finalement rapidement plus payés. « Ils nous ont promenés, une histoire classique des clubs grecs » , souffle Tall, fataliste. Chris Coleman prend alors les choses en main, provoque plusieurs réunions avec les dirigeants, « pour défendre les joueurs » , selon l’ancien Sochalien. Qui poursuit : « De tous les entraîneurs que j’ai eus à Larissa, c’est le seul qui se souciait de notre sort et de nos intérêts. J’aurais dû partir, mais je suis finalement resté parce que j’avais eu un superfeelingavec Coleman. Ces histoires de salaires nous ont rapprochés. Il me parlait beaucoup des joueurs français qu’il avait connus à Fulham, de comment Tigana avait été classe avec lui, après son accident de voiture. » Mais lassé par ces atermoiements contractuels, Coleman finit par démissionner en janvier 2012. Sans regrets et malgré tout reconnaissant : « Cette seconde expérience à l’étranger m’a fait énormément de bien, m’a rendu un grand service. Parce que ça m’a rendu meilleur. »
Prenant la suite, le 19 janvier 2012, d’un Gary Speed ayant laissé tragiquement la sélection galloise deux mois plus tôt, Chris Coleman a dans un premier temps du mal à prouver en quoi la Grèce l’a rendu meilleur. Coleman enchaîne 5 défaites sur ses 5 premiers matchs à la tête des Dragons, avec un mauvais climax le 11 septembre 2012, et une rouste 6-1 enregistrée à Belgrade. Le pays de Galles abandonne ses rêves de Mondial brésilien pour se concentrer sur l’Euro français. Mission réussie pour celui qui semble devenu le guide spirituel de cette équipe galloise, parfois rustre, parfois enthousiasmante et toujours surprenante. Et de laisser à ses joueurs, via le micro de la BBC, après la victoire en quarts contre la Belgique, un dernier mantra : « N’ayez pas peur de rêver, ni d’échouer. Moi, je n’ai pas peur d’échouer. Notre principal risque en demi-finales ? Ne pas croire que nous pouvons le faire. »
Par Ronan Boscher, avec Nicolas Jucha et Joachim Barbier
Tous propos recueillis, sauf mentions, par Joachim Barbier