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Chili-Pérou : Le Clásico du Pacifique en dix dates
La deuxième demi-finale de la Copa América opposera cette nuit le Chili au Pérou. Deux outsiders au début de la compétition, mais aussi deux voisins qui entretiennent une rivalité féroce - et pas seulement pour se disputer la paternité du pisco. Des matchs couperet des 70s au pacte de Lima, en passant par la dent volante de Gary Medel : voici dix dates qui ont fait l’histoire du Clásico del Pacífico.
1 – La guerre (du) Pacifique
Pérou-Chili (1-0), 26 janvier 1935, Copa América « Le Chili a été BATTU dans un match qu’il n’aurait jamais dû PERDRE. » C’est le titre du journal chilien El Mercurio. Nous sommes cinquante ans après la guerre du Pacifique (1879-1884) qui opposa d’un côté le Chili et de l’autre la Bolivie et son allié le Pérou (1). Pourtant, ce 27 janvier 1935, la Une du quotidien chilien est avant tout un constat sportif : à Lima, devant 12 000 personnes, le Chili a largement dominé la rencontre… sans concrétiser ses occasions. Au contraire, en début de seconde période, la vedette péruvienne Teodoro Fernandez est victime d’un choc, la défense adverse s’arrête de jouer, mais pas Montellanos qui marque en vicelard le but de la victoire péruvienne 1-0.
2 – Sur la route du Mondial 74
Chili-Pérou (2-1), 5 août 1973, éliminatoires de la Coupe du monde En 1973, Péruviens et Chiliens s’affrontent pour la première fois dans des matchs qualificatifs pour la Coupe du monde. Dans leur groupe, le Venezuela a déclaré forfait. Ils ne sont plus que deux, et le vainqueur de leur duel aura le droit de disputer un barrage intercontinental en vue d’aller en Allemagne l’année suivante. À Lima, le Pérou l’emporte 2-0. À Santiago, le Chili s’impose 2-0. Place à un barrage sur un terrain neutre. À Montevideo, en Uruguay, le Chili s’impose 2-1 grâce un super coup franc de Rogelio Farías. Qui annonce l’absurde Chili-URSS qui dura 28 secondes… (2)
3 – Le sacre du Pérou à la Copa América
Pérou-Chili (3-1), 20 août 1975, Copa AméricaD’un côté, la légende péruvienne : Teófilo Cubillas ; de l’autre, un grand absent chilien : Carlos Caszely. Pour avoir dit non à Pinochet, Caszely a été puni de cinq ans d’interdiction de sélection par le président de la Fédération chilienne de l’époque, le général Humberto Gordon. Sans lui, le Chili s’incline 3-1 à Lima, avec une mention spéciale pour le jongle dos au but enchaîné d’un ciseau qui fait mouche signé Juan Carlos Oblitas. La Blanquirroja se qualifie en demi-finales et s’apprête à aller chercher la deuxième Copa América de son histoire en battant en finale la Colombie au terme d’un match d’appui. Un trophée qui récompense l’âge d’or du football péruvien.
4 – Sur la route du Mondial 78
Pérou-Chili (2-0), 26 mars 1977, éliminatoires de la Coupe du mondeÀ son tour, le Pérou est entré en dictature, et nationalisme oblige, les relations diplomatiques entre les deux voisins sont glaciales. Ainsi, l’hymne chilien n’est pas joué dans le stade de Lima. L’enjeu du match est capital : le Chili est en tête du groupe et il n’y a qu’un billet qualificatif pour la seconde phase. Le Pérou a besoin d’une victoire et elle va se dessiner au retour des vestiaires grâce à une tête d’Hugo Sotil et un deuxième pion de Juan Carlos Oblitas, à l’affût d’une frappe repoussée par le gardien. L’histoire retiendra surtout dans la participation du Pérou au Mondial 78 cette défaite suspicieuse qui qualifie l’Argentine. Ce qui est moins connu, c’est que selon une enquête du journaliste chilien Luis Urrutia, le gouvernement de Pinochet aurait profité de la liesse dans le pays voisin le soir de Pérou-Chili pour espionner une base aérienne péruvienne.
5 – D’un Z qui veut dire Zamorano
Pérou-Chili (1-3), 19 juin 1987, amicalDans la dernière ligne droite de la préparation à la Copa América 87, le sélectionneur du Chili Orlando Aravena lance un jeune attaquant face au Pérou à la 70e. Il a 20 ans, s’appelle Iván Zamorano, joue dans le petit club de Cobresal et va bientôt se faire un nom en Europe. Le contexte est spécial, car c’est l’époque où Lima vit sous la menace des attentats à la voiture piégée du Sentier Lumineux, une guérilla d’inspiration maoïste en conflit avec l’armée au Pérou dans les années 1980 et 1990. Zamorano : « Bon, je suis entré et j’ai marqué. Et malgré tout ce qu’on entendait aux infos, il ne s’est rien passé à la fin. » On a juste entendu une fois un « Bam Bam » fouetter les ficelles.
6 – Jeu, set et match Pérou
Pérou-Chili (6-0), 19 avril 1995, amicalUn souvenir douloureux pour les uns et jouissif pour les autres. Ce jour printanier de 1995, à Lima, le Pérou fait monter les décibels dans la cabine des commentateurs. 2-0 au bout de six minutes, puis 4-0 à la mi-temps et enfin 6-0 au score final. Les attaquants Flavio Maestri et Ronald Baroni se partageant le gâteau avec un triplé chacun. Et comme rien ne résistait à la Blanquirroja, en toute fin de match, le gardien Alex Varas a même repoussé un penalty du Chilien Esteban Valencia sur le poteau. Le Pérou claque donc un set blanc à son voisin. Prends ça Marcelo Ríos !
7 – Sur la route du Mondial 98
Chili-Pérou (4-0), 12 octobre 1997, éliminatoires de la Coupe du mondeComme en 1973 et en 1977, le Pérou et le Chili sont à la lutte pour la qualification à la Coupe du monde. Trois points séparent les deux sélections à deux journées de la fin et un match nul garantirait quasiment le billet d’avion vers la France aux Péruviens. Apparemment, le 6-0 reçu à Lima deux ans et demi plus tôt n’a pas été bien digéré par les Chiliens. Des supporters péruviens qui ont fait le déplacement à Santiago se font agresser en marge du match, le car des joueurs est caillassé, et au stade, l’hymne péruvien est conspué. « C’était une guerre » , résume Freddy Ternero, l’entraîneur adjoint du Pérou à l’époque. Dans ce climat hostile, le Pérou tombe sous les banderilles de Marcelo Salas, score final 4-0. Et c’est le Chili qui décolle pour la France.
8 – Dans tes dents, Gary
Chili-Pérou (3-0), 10 octobre 2014, amicalCe n’est vraiment pas le genre de Gary Medel de faire du cinéma sur le terrain. Un exemple ? Lors du Mondial au Brésil, le pitbull serrait le marquage de Neymar malgré une déchirure musculaire. Quelques mois plus tard, le voilà au sol, la bouche en sang. L’action se déroule à la 38e minute d’un match sans enjeu face au Pérou. Saoulé d’être suivi à la trace par le milieu de terrain chilien, le Péruvien Rinaldo Cruzado lui envoie un premier coup de coude. Medel ne le lâche pas, Cruzado lui en remet un deuxième, et celui-ci fait des dégâts : Medel laisse une dent sur la pelouse. L’arbitre sort le carton rouge à l’encontre de Cruzado, tandis que Medel doit céder sa place à la mi-temps. Notez que le qualificatif amical de cette rencontre est à mettre entre guillemets.
9 – La marque rouge
Pérou-Chili (3-4), 13 octobre 2015, éliminatoires de la Coupe du mondeD’abord, pour poser le décor, une immense bronca de l’Estadio Nacional de Lima au moment où résonne l’hymne chilien. Une certaine idée de l’accueil du récent vainqueur de la Copa América 2015. Ce n’est que le début de la campagne de qualification pour le Mondial en Russie, mais les deux adversaires se rendent coup pour coup. Oui, on dirait que Gary Medel avait une dent contre ses adversaires… Le Chili ouvre le score, puis le Pérou égalise et reprend l’avantage en infériorité numérique avant que le Chili en plante encore trois. Victoire 4-3 à l’extérieur du Chili grâce à un doublé d’Eduardo Vargas et d’Alexis Sánchez. Ce soir-là, la sélection chilienne laissera un mot au feutre rouge sur un mur du vestiaire : « Respeto. Por aquí pasó el campeón de América ! » ( « Du respect. Le champion d’Amérique est passé par ici ! » )
10 – Le pacte de Lima
Pérou-Colombie (1-1), 11 octobre 2017, éliminatoires de la Coupe du monde
C’est la dernière journée des éliminatoires de la zone Am.Sud et le suspense est encore total. Seuls le Brésil et l’Uruguay (pas encore mathématiquement, mais c’est comme si c’était fait) sont qualifiés pour le Mondial. Le Chili, la Colombie, le Pérou, l’Argentine et le Paraguay sont à la lutte : qui va se qualifier ? Qui va disputer un barrage intercontinental contre la Nouvelle-Zélande ? Qui va rester à la maison l’été suivant ? Si elle fait match nul au Brésil, la Roja est au moins assurée d’aller en barrage. Mais elle craque en seconde période. Alors les regards chiliens se tournent tous vers la rencontre Pérou-Colombie, où la Colombie mène 1-0. À la 76e, Paolo Guerrero glisse un coup franc dans les ficelles, 1-1. Ce score qualifie toujours la Colombie et permet au Pérou d’aller en barrage, car le Paraguay ne marque pas contre le Venezuela. En revanche, un deuxième but du Pérou, et la Colombie est éliminée ; tout comme un deuxième but de la Colombie, et le Pérou se retrouve éliminé. L’info tourne chez les deux équipes qui font tourner le chrono dans les dernières minutes. Le pacte de Lima est scellé. Il fait une victime : le Chili, double vainqueur de la Copa América.Par Florian Lefèvre
(1) Une guerre à l’issue de laquelle le vainqueur chilien annexa des territoires boliviens et péruviens pour profiter du salpêtre dans ces régions, un minéral dont les taxes à l’exportation imposées par le gouvernement bolivien furent précisément à l’origine du conflit armé. D’ailleurs, le conflit territorial maritime est toujours d’actualité. En 2014, la Cour internationale de justice a donné raison au Pérou sur la souveraineté d’une zone maritime que le Chili revendiquait.
(2) Le 11 septembre 1973 éclate au Chili le coup d’État militaire orchestré par Augusto Pinochet. Au match retour du barrage intercontinental (il y a eu 0-0 à l'aller), la Fédération soviétique refuse de faire jouer sa sélection à l’Estadio Nacional de Santiago transformé en prison pour enfermer les dissidents de la dictature. Onze Chiliens entrent seuls sur le terrain et se passent la balle face à un adversaire inexistant avant de marquer dans le but vide. Le match dura 28 secondes. Et il qualifia le Chili pour le Mondial 74.