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- 26 août 1989
Chilavert vs Higuita : Un duel de locos
Éliminatoires sud-américains pour Il Mondiale. Groupe 2. Paraguay vs Colombie. Un 26 août 1989. Il ne reste qu'une poignée de secondes à jouer. Chilavert s'avance face à Higuita. Duel de locos à Asunción...
Ne manquait que Sergio Leone à la réalisation. Le duel avait été précédé d’un tumulte. On jouait les arrêts de jeu d’un Paraguay-Colombie au moment où l’arbitre désigne le point de pénalty. Peine maximale en faveur des Guaranis. Le tableau d’affichage indique alors un score de parité et le shérif demande du renfort : devant les protestations des Colombiens, la police entre sur la pelouse pour intimider les Cafeteros. La surface finit par être dégagée. José Chilavert, aka « El Gordo » s’avance. En face, René Higuita, aka « El Indio » . Sur les périlleux terrains d’Amérique du Sud, le Paraguayen commence tout juste à se faire un nom, tandis que le Colombien vient d’imposer sa loi en Copa Libertadores, avec l’Atlético Nacional, au terme d’une épique séance de tirs au but (vs Olimpia).
C’est la première fois que les deux hommes se retrouvent face à face. Chilavert a traversé tout le terrain pour venir en découdre avec le patron. Le Paraguayen n’est pas un homme de bonnes manières. À San Lorenzo, il en est déjà venu aux mains avec des supporters, et a été grillé par la patrouille quand il se servait de la pelouse comme d’un urinoir. Higuita patiente, lui, flegmatique, tandis que quelques Pistoleros colombiens en viennent aux mains avec Chilavert. S’il veut en découdre avec El loco, le vrai surnom d’Higuita, le portier guarani doit la jouer limpio. Propre. Ils ne sont désormais plus que deux. Chilavert vs Higuita. Pour bénéficier d’un panorama plus dégagé, le Paraguayen exécute quelques pas en retrait.
Depuis ses débuts pro, El Loco, le vrai surnom de Chilavert, travaille la précision de son pied gauche au terme des séances d’entraînement. Il répète inlassablement ses gammes pour faire mouche le jour J. Son entraînement a débuté au Sportivo Luqeño, dans les faubourgs d’Asunción. Puis à San Lorenzo. Ce 26 août 1989, le moment est venu pour Chila d’exhiber l’ampleur de son talent. À 24 ans, la vie lui a mis assez de bâtons dans les roues pour s’avancer sereinement face à El loco, l’élément le plus charismatique de sa caste. Le portier guarani s’est fait les mains, qui ressemblent à présent à de véritables batteuses, en stoppant des pamplemousses trop verts, pieds nus, en compagnie de ses frères. Faute de balle réelle … Pour voir la télé, il devait traverser tout un quartier. Aujourd’hui, toute l’Amérique du Sud le regarde. Lui, la toise de son mètre quatre-vingt-huit arrogant. Chilavert sait tout des exploits d’Higuita, de sa capacité à se jouer des plus fines gâchette d’Amérique latine, mais aussi à se muer en tueur à gage, le moment venu. Ses pénaltys, ses coups francs.
Coup franc d’Higuita vs River Palte :
Chilavert s’élance dans la nuit d’Asunción. Après quelques pas du Paraguayen, Higuita fléchit les genoux, comme pour signifier qu’il entre enfin dans le duel. Son jeune rival mérite enfin son attention. Chila ne va abattre ses cartes qu’au dernier moment. Le Paraguayen finit par s’incliner pour le côté gauche de son rival. El Loco colombiano n’est pas parvenu à déchiffrer le jeu du Guarani, il titube, et finit par poser les genoux à terre, vaincu. Les 50 000 spectateurs du stade Defensores del Chaco explosent en même temps que Chilavert. Avec le Paraguay, El Loco inscrira neuf buts tout au long de sa faste carrière, près de cinquante en club. Au tableau de chasse d’Higuita, trente-six buts, dont trois en sélection.
Par Marcelo Assaf, avec Thomas Goubin