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  • Entretien exclusif avec José Luis Chilavert

Chilavert : « Maradona est une personne incohérente »

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Chilavert : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Maradona est une personne incohérente<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Suite de notre entretien avec ce monstre de José Luis Chilavert, qui confesse une certaine admiration pour... Harald Schumacher et sa haine des « gauchos » d'Amérique du Sud. Et en profite pour critiquer la Fifa et Diego Maradona.

Avez-vous la sensation d’être un ambassadeur de votre pays ? On vous retrouve souvent dans des rubriques qui n’ont pas grand-chose à voir avec le football.J’ai conscience d’avoir une image forte au niveau mondial. Il y a peu, nous avons eu un changement de président. Tout le monde a commencé à dire qu’il y avait eu un coup d’État, notamment Cristina Kirchner, la présidente argentine, celle du Brésil, celui d’Uruguay, du Venezuela, d’Équateur… Moi ce que je constate, c’est que ce sont tous des pays socialistes. La démocratie n’existe pas en Argentine. Si vous dîtes du mal du gouvernement, il vous tombe dessus immédiatement… Pour moi, au Paraguay, il n’y a pas eu de coup d’État. L’ancien président nous a fait beaucoup de mal. Il a menti à l’Eglise, il a eu des enfants nés de relations extraconjugales, ce n’est pas un exemple. Ses collaborateurs ont escroqué le pays. Ce sont des socialistes qui ont bien profité du système capitaliste… On peut dire que je suis fasciste, mais je suis capitaliste et j’aime vivre bien. J’ai le droit d’utiliser comme bon me semble l’argent que j’ai gagné. Des observateurs européens sont venus pendant les derniers évènements. Et ils ont bien vu que le gouvernement de Federico Franco avait respecté la constitution. Chaque fois que les médias me demandent mon avis, j’utilise mon image pour défendre mon pays, souligner ses qualités.

Parlons de votre passage à Strasbourg (2000-2002), quel souvenir en gardez-vous ?Ce que je peux vous dire, c’est que Patrick Proisy (président de Strasbourg de 1997 à 2003, Ndlr) est quelqu’un de malhonnête. Il me doit toujours de l’argent du contrat que nous avions signé. J’ai gagné mon procès face à lui. C’est un voyou. Une fois, il a déclaré dans la presse française que « Chilavert doit comprendre qu’il est en France et non pas dans une république bananière » . C’est de la discrimination. Je me sens fier de venir de la « république bananière » . Là-bas, mes parents m’ont appris qu’il ne faut pas voler. Il a fait une tonne de magouilles pour ne pas payer d’impôts. La justice française a démontré que je n’avais rien à voir là-dedans. Il disait que j’avais falsifié mon contrat. Comment aurais-je fait ? Je serais allé dans le bureau de IMG (Ndlr : société qui a racheté le RC Strasbourg en 1997) à Paris pour récupérer les documents et imiter sa signature ? C’est absurde. J’aimerais bien récupérer mon argent (Ndlr : il réclame huit millions d’euros).

« Teddy Bertin n’était qu’un joueur moyen »

Vous regrettez d’avoir signé au Racing ?Non, pas du tout, Strasbourg est une ville fantastique. J’aime son architecture médiévale. Il manquait juste Sissi et Napoléon et le tableau aurait été parfait… C’est un endroit merveilleux. J’adore la France. À Strasbourg, les gens m’invitaient chez eux à boire un café, et si j’ai bien compris, ce n’est pas quelque chose de si commun chez vous.

Comment avez-vous atterri dans ce club ?J’étais arrivé à un moment de ma carrière où j’avais besoin de tranquillité. C’est à ce moment-là que Strasbourg a fait cette offre intéressante. Là-bas, je pouvais marcher sereinement dans la rue. C’est Omar Da Fonseca qui a tout organisé. Il est venu me chercher et m’a présenté à Patrick Proisy. Mais ensuite, quand les problèmes ont commencé à surgir, il a disparu dans la nature… Il me disait qu’on ne pouvait pas se battre contre Proisy et IMG. Je me suis retrouvé un peu désemparé. Il m’a convaincu de signer à Strasbourg et ensuite, il s’en est lavé les mains. Omar n’est pas quelqu’un de professionnel. J’avais besoin de lui, car je ne parlais pas français, mais il ne me répondait plus au téléphone. Une fois qu’il a reçu sa commission de 100.000 dollars, je n’ai plus entendu parler de lui. C’est un inutile. Je m’en suis sorti sans lui.

Quel bilan faites-vous de votre passage à Strasbourg ?D’un côté, on a remporté la Coupe de France et j’ai marqué le tir au but vainqueur (Ndlr : face à Amiens, en 2001, 0-0, TAB 5-4), mais de l’autre nous sommes descendus. Sportivement parlant, ça reste donc mitigé. Mais entre moi et la France, il y a un lien très fort. Vous savez, mon nom vient de France. Mes arrière-grands-parents paternels sont venus de Toulouse à Buenos Aires, avant de rallier le Paraguay. J’ai donc une affinité particulière avec la France. Grâce au Mondial, puis au Racing, j’ai pu connaître la France et c’est quelque chose de très important dans ma vie.

Vous aviez été accueilli assez froidement par vos partenaires, notamment par le capitaine de l’époque, Teddy Bertin.Teddy n’était qu’un joueur moyen, qu’a-t-il fait au niveau international ? Non, la plupart de mes coéquipiers m’ont bien reçu. Corentin Martins venait souvent vers moi et me parlait en espagnol.

Vous avez toujours joué gardien ?Non, je jouais attaquant quand j’étais gamin. Numéro neuf. Mais mon grand frère m’obligeait à aller dans le but quand on jouait dans le quartier. J’ai fini par y rester et ça m’a plu. Mais tout ce que j’avais appris comme numéro neuf, je l’ai conservé comme gardien de but. J’adorais tout ce que les gardiens détestent généralement : jouer balle au pied. En plus, je chausse du quarante alors que je mesure 1,88m. Cela aide techniquement, notamment pour tirer les pénaltys et les coups francs.

Seul le Brésilien Rogelio Ceni (103 buts inscrits au cours de sa carrière) a mis plus de buts que vous…J’ai marqué une soixantaine (Ndlr : 62 exactement) de buts dans ma carrière, c’est pas mal pour un gardien, non ? Aujourd’hui, je pense que peu de gardiens peuvent atteindre ce total. Tout est une question de travail, rien n’est dû au hasard. À la fin des entraînements, je restais seul pendant une heure pour tirer quatre-vingts coups francs du côté gauche, puis quatre-vingts à droite, avec un mur en plastique que j’avais acheté au Japon. Les « bonhommes » mesuraient 1,90m. À part si les joueurs sautent, un mur ne fait jamais cette taille-là. Après, cela me semblait plus facile en match. Aujourd’hui, les jeunes footballeurs sud-américains veulent avoir une belle bagnole, sortir avec les plus belles femmes, se mettre plein d’argent dans les poches. On ne peut pas tout avoir ! Pour réussir, c’est fondamental de protéger sa vie privée et se consacrer au football à 100%. La vie nocturne est contraire à la vie de footballeur. Moi, j’ai fait vingt-cinq ans de carrière, et grâce à Dieu, je ne me suis jamais blessé. Il faut aussi que les joueurs comprennent une chose. Quand tu as vingt ans, on dit que tu es un jeune joueur. Quand tu en as trente, on dit que tu es un vétéran. On se retrouve très jeune à la retraite, il reste encore un sacré bout de chemin derrière… Il est essentiel d’avoir eu une vie équilibrée durant sa carrière pour conserver une vie ordonnée ensuite.

Vidéo

Ronaldinho est l’exemple typique du footballeur sud-américain fêtard qui a gâché son talent.Aujourd’hui, il pourrait être la star du Brésil et envisager de disputer la Coupe du monde 2014 chez lui. Mais il a préféré « la nuit » au football.

Revenons à vous. Cela ne vous a jamais dérangé que l’on vous parle davantage de vos coups francs que de vos arrêts, en tant que gardien ?Les arrêts, on les effectue sur la longueur, tandis que les coups francs sont des situations de jeu particulières. Moi, je considère que c’est un plus dans la palette du gardien de but. À la Coupe du monde 98, j’ai la sensation d’avoir atteint la perfection que je recherchais, c’est-à-dire d’être bon dans mes cages, mais aussi dans la participation au jeu de mon équipe. Je suis un mélange entre Dino Zoff et Harald Schumacher. Zoff pour le placement. Il était toujours là où il fallait, il ne se livrait presque jamais. Et Schumacher pour son agressivité et sa personnalité, qui lui permettait de tenir sa défense. Moi, j’y ai ajouté le jeu au pied. L’année dernière, j’ai vu l’erreur de Valdés contre le Real Madrid. Il devrait savoir que quand on te passe la balle en retrait, la première chose à faire, c’est d’ « endormir » le ballon. Une fois qu’il a raté son contrôle, il avait pourtant encore le temps de dégager de toutes ses forces, mais il a voulu faire un crochet, alors que le terrain était mouillé. C’est une terrible erreur qui a coûté le titre (de Supercoupe d’Espagne, Ndlr) à Barcelone.

Vous n’avez jamais commis ce type d’erreur, comme a pu le faire aussi votre ami Higuita à la Coupe du monde 90 face à Roger Milla ?Non, car je ne prenais jamais de risque. Chaque fois que je sortais pour jouer au pied, je le faisais en ayant de l’espace devant moi. Et tu ne peux pas te permettre de perdre la balle, parce que personne ne va t’aider derrière… Tu dois transmettre de la sérénité à ta défense, sinon l’adversaire va en profiter pour te presser et te pousser à la faute. Tu ne dois prendre de risque qu’en dernier recours. Souvent les défenseurs se débarrassent du ballon et se « déchargent » sur le gardien. Mais tu peux toujours la dégager et c’est fini.

Vous parliez de Schumacher et de son agressivité. Vous savez que ce n’est pas un bon souvenir pour la France…Oui, je me souviens de cette action terrible contre Battiston. Je parlais d’agressivité dans la façon de diriger la défense, pas de ce geste mal intentionné qui a fait littéralement voler Battiston et qui aurait pu lui coûter la vie.

Vous avez récemment refusé le poste de sélectionneur au départ de Gerardo Martino. Vous n’avez pas envie de revenir dans le football ?Ce n’était pas le bon moment. Je suis très occupé et je n’ai pas le temps. Pour être sélectionneur, il faut être 100% disponible. Pourquoi pas plus tard ?

Mais vous n’aimez pas Gerardo Pelusso, le nouveau sélectionneur ?Il n’a pas le CV et l’autorité pour diriger le Paraguay. Il ne le mérite pas. Avec Olimpia (de Asunción), il a perdu le dernier championnat à la dernière journée après avoir eu sept points d’avance. Mais les dirigeants de la Fédération avaient besoin de quelqu’un comme lui, de malléable. Il n’a pas de charisme. C’est triste, le football paraguayen est en régression. Aujourd’hui, personne ne veut jouer de matchs amicaux contre nous. On vient de disputer trois matchs contre le Guatemala et un autre en Iran. Je n’ai rien contre ces équipes, mais ce n’est pas vraiment ce que l’on peut appeler des références mondiales. J’aimerais que l’on rencontre la France, les Pays-Bas, le Brésil. On risque de manquer la prochaine Coupe du monde à cause du mauvais travail de nos dirigeants. Idem en équipes de jeunes. Nous n’avons pas de relève. Nos jeunes sont habitués à l’échec. Nos moins de 15 ans, moins de 17 ans, moins de 20 ans n’arrêtent pas de perdre. Il faudrait restructurer la Fédération, que certaines personnes passent la main.

Qui auriez-vous vu comme sélectionneur du Paraguay ?J’aurais bien aimé que l’on prenne le Brésilien Dunga. Il a ce côté agressif, combattif que possède le footballeur paraguayen. C’était l’homme idéal.

Pourtant, vous n’avez pas toujours aimé les Brésiliens. On se souvient d’un match très « chaud » contre le Brésil en 2001…Le Brésil devait nous battre à tout prix pour se qualifier pour la Coupe du monde 2002. La Fifa a envoyé un arbitre allemand pour cette rencontre. Je ne sais pas ce que vient faire un arbitre allemand dans un match éliminatoire d’Amérique du Sud… Évidemment, le Brésil devait absolument gagner. Nous avons perdu 2-0. Rivaldo avait fait main dans la surface brésilienne et il n’y avait pas eu pénalty, leur deuxième but avait été marqué sur un hors-jeu. Roberto Carlos était comme un fou, il tirait dans tous les sens et n’arrêtait pas de me faire des gestes. Je lui répondais. À la fin du match, il est venu me dire : « L’Indien, on t’a battu 2-0. » J’avais envie de lui coller une droite. Finalement, je me retourne et je lui crache au visage. Et il y avait une caméra juste derrière… « Ils » n’ont jamais passé les images sur lesquelles on le voit m’insulter. Mais bon, « ils » préfèrent voir le Brésil à la Coupe du monde. Il faut voir aussi ce que ça représente, tous ces supporters brésiliens qui vont suivre leur équipe. On protège toujours les puissants. Mais nous nous sommes quand même qualifiés.

Vous n’êtes pas non plus très « copain » avec Diego Maradona…Nous n’avons rien en commun. Nous sommes comme l’eau et le feu. Il a été le numéro un, mais c’est une personne incohérente. Il est croyant, mais il a critiqué Jean Paul II. Il est ami avec Fidel Castro et Chavez, mais il est parti entraîner aux Émirats arabes unis, un pays capitaliste. Par ailleurs, il n’a jamais assumé son rapport avec la drogue. Un sportif qui commet autant d’excès est un mauvais exemple. En Uruguay, ils parlent de dépénaliser la marijuana. C’est de la folie. La drogue affecte la jeunesse. Imaginez-vous qu’on soit là, à prendre notre café et que quelqu’un vienne fumer de la marijuana à côté de nous : on va recevoir toute la fumée, ce n’est pas acceptable.

Pour un « capitaliste » , vous accordez beaucoup d’importance au social.Le football a fait de nous des privilégiés. Cela me paraît normal de donner à notre tour à la société. Je le fais de bon cœur. Avec mon entourage, on apporte à manger à des gens qui souffrent de malnutrition dans les provinces du Paraguay. Il n’y a pas longtemps, on a été dans une école pour les aider à construire un toit. On leur a aussi apporté de l’herbe, pour le maté ! (Rires) J’ai un ami qui nous fait don de packs de lait, un autre qui nous donne des briques. En ce moment, on est en train de chercher des médecins, des instruments et des médicaments pour un hôpital à 400 km d’Asunción, que le gouvernement a fait construire, mais qui est totalement vide…

C’est vrai que vous envisagez de vous présenter un jour à l’élection présidentielle ?Il ne faut écarter aucune possibilité dans la vie. Je sais que j’ai une image forte dans mon pays et j’aimerais aider ceux qui en ont le plus besoin. Ma femme et ma fille ne veulent pas que je me lance dans la politique. Mais qui sait, un jour peut-être…

Propos recueillis par Florent Torchut, à Buenos Aires

Dans cet article :
Griezmann copieusement insulté lors du match entre la Real Sociedad et l’Atlético
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