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Chilavert : « Barthez et Lama m’ont demandé mon maillot »

Propos recueillis par Florent Torchut, à Buenos Aires
Chilavert : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Barthez et Lama m&rsquo;ont demandé mon maillot<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

José Luis Chilavert n'oubliera jamais la 116e minute de France-Paraguay et la « lumière » venue de Laurent Blanc. Assis dans un vieux café de Buenos Aires, le fantasque portier de la sélection guarani passé par le Racing Club de Strasbourg se rappelle au bon souvenir de France 98.

Pour beaucoup de Français, le nom de José Luis Chilavert évoque 116 minutes d’extrême tension, un chaud après-midi d’été 98…Ce match a marqué un avant et un après dans l’histoire du football paraguayen. Notre sélection était concentrée à Clapiers, près de Montpellier. Les gens ne nous connaissaient pas, nous demandaient d’où on venait. Mais, petit à petit, ils se sont pris d’affection pour nous. Les gamins ont commencé à se peindre les couleurs du Paraguay sur le visage. À tel point que lorsque le huitième de finale est arrivé, les habitants nous supportaient… J’ai appris que par la suite, le maire a fait renommer une rue de Clapiers « rue du Paraguay » . C’est un énorme honneur. Avant 1998, les gens n’avaient jamais entendu parler du Paraguay… Notre fierté, c’est d’avoir démontré à notre pays et au reste du monde que lorsqu’une équipe est unie, tout devient possible. Il ne faut pas oublier que nous sommes tombés face à un « equipazo » (Ndlr : une grande équipe) comme on dit ici, avec les Zidane, Henry, Blanc… Ce match m’a appris qu’il ne faut pas dramatiser dans la vie. Quand Blanc a mis le but en or, on s’est retrouvés éliminés d’un coup. Je suis alors allé voir mes partenaires, étendus par terre, pour les relever un à un. Nous avons fait un grand match, nous nous sommes battus jusqu’au bout, nous n’avions pas de quoi avoir honte. Je leur ai dit que j’étais fier d’eux, car nous avions tout donné. La chance était du côté de la France. Ils me regardaient en se disant : « Il est fou, on est éliminés » . Moi, ce que je retiens, c’est qu’en 1998, puis en 2002, on s’est fait sortir par le vainqueur, puis par le finaliste (Ndlr : l’Allemagne, défaite 1-0). Depuis ce match contre la France, le Paraguay joue d’égal à égal avec l’Argentine et le Brésil. Nous avons changé de mentalité.

Sur le coup, vous ne sembliez même pas abattu par ce but à quatre minutes de la fin…Nous, les gardiens, nous avons quelques millièmes de seconde pour prendre une décision. C’est une de nos vertus. Lorsque le ballon arrive dans la surface, tu dois anticiper où il va retomber. On a une vision différente de celle des joueurs de champ. Je ne voulais pas qu’on donne cette image de nous, à terre. C’est pourquoi je suis immédiatement allé vers mes coéquipiers pour les relever. Contre l’Allemagne, quatre ans plus tard, on prend un but à deux minutes du coup de sifflet final…

Après le but de Blanc, Barthez est venu vous parler. Vous vous souvenez de ce qu’il vous a dit ?Fabien est venu me prendre dans les bras et me féliciter pour mon match. Il m’a demandé mon maillot. Bernard Lama est venu ensuite me le demander également. Ils sont venus dans notre vestiaire pour que je leur en donne un chacun. Ce sont deux immenses gardiens. Fabien est gaucher tout comme moi et il avait aussi du ballon. C’est l’un des meilleurs gardiens au monde. Bernard était un guépard, un lynx, très agile.

À part vous, la sélection paraguayenne n’avait pas vraiment de star…Entre nous, nous parlions guarani (Ndlr : langue amérindienne de la région du Paraguay), pour que nos adversaires ne nous comprennent pas… Pour mettre les attaquants adverses hors-jeu, je criais « ñase ! » (Ndlr : « sortez ! » ). C’était comme si nous parlions en japonais… Nous avions un groupe très uni, avec des valeurs communes. Nous étions très fiers de perpétuer cette langue attachée à notre culture. Dans le monde moderne, beaucoup de gens oublient leurs racines. C’est mal. Au Paraguay, la culture guarani est encore très forte, surtout dans les villages de province. Les Paraguayens aiment t’inviter à manger chez eux, ce sont des gens généreux. Le footballeur d’élite, qui s’habille en costard et mange du caviar est très loin de tout ça. Moi, je n’échangerai pour rien au monde un bon repas avec des gens humbles.

« On finira tous dans une boîte »

Ce caractère « brut de décoffrage » , c’est votre plus grande force ?Je suis quelqu’un de naturel. Ici par exemple (Ndlr : une brasserie du quartier de Parque Patricios, à Buenos Aires), on trouve le meilleur café de la ville. Les propriétaires sont devenus des amis au fil du temps. Tout le monde se connaît dans le quartier, c’est comme si on était à Paris dans un petit quartier typique. C’est important de ne pas perdre ce lien avec les gens qui vous entourent. Tu peux avoir beaucoup ou peu, mais quoi qu’il arrive quand Dieu te met sur sa liste, tu ne peux pas y échapper ! On finira tous dans une boîte.

Hojbjerg, la pièce maîtresse

Propos recueillis par Florent Torchut, à Buenos Aires

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