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Chic, les maillots Admiral reviennent !
Salut aux amateurs de vintage seventies : l’équipementier anglais Admiral vient de signer avec l’AFC Wimbledon (D4) ! La célèbre marque au logo d’amiral british tente de renouer avec son glorieux passé. Admiral, ou l’histoire merveilleuse d’un suprématisme foot, culturelle et commerciale…
Albion bat Reste du Monde !
Vous voulez savoir pourquoi beaucoup d’entre vous supportent aujourd’hui un club anglais ? À cause, entre autres explications, d’une irrésistible fascination pour le foot britannique née dans les années 70 ! Le rock anglais avait déjà conquis les imaginaires dès les années 60, ouvrant la voie au foot anglais lors de la décennie suivante. Jusqu’à aujourd’hui, le succès de la british pop fut consubstantiel de la hype british foot universelle. Et dire que le célèbre magazine français Rock & Folk rata lamentablement ce parallèle pourtant évident : Rock & Foot… Bien sûr, la victoire anglaise de la Coupe du monde 1966 avait rappelé que la Patrie natale du football figurait toujours au firmament planétaire. Mais les Three Lions s’étaient vautrés au Mundial 70 puis avaient raté ensuite les deux Coupes du Monde 74 et 78… Du coup, c’est du côté des clubs que la révolution culturelle allait essaimer à travers le monde. Dès le début de la décennie 70, les nombreux trophées européens en C2 et C3 remportés par les clubs british attirent l’attention. Mais c’est la retransmission planétaire des finales de la Cup qui fascineront les amateurs de foot du monde entier : Wembley, son billard vert tendre, ses deux virages opposés aux couleurs ennemies et la montée des marches pour aller chercher le trophée des mains de la Reine. La totale ! Les choses s’accélèrent au milieu des seventies avec en France la séquence « des buts étrangers » sur Stade 2. Un choc culturel… Les buts de Football League (pas encore la Premier League, née en 1992) fascinaient le plus. Pas tant les buts en eux–mêmes, souvent inspirés du kick and rush et conclus par des coups de tête-canon sous la barre. Non. C’était plutôt les signes extérieurs de « britishitude » qui interpellaient : les chaussures, les ballons et les maillots…
Ce football-là n’était pas comme notre foot continental. Adidas et Puma chaussaient bien les joueurs locaux mais il existait des marques bizarres tellement anglaises (les Stilo de Billy Bremner ou les Gola de Hemmlyn Hugues) qu’elles ne franchirent quasiment jamais le Channel (surtout les horribles Stilo, en fait). Les Anglais jouaient aussi avec un ballon devenu tout de suite mythique, le fameux Mitre tout de cuir blanc. Il nous semblait plus petit que nos ballons continentaux, l’Adidas Telstar Durlast aux célèbres panneaux noir et blanc. Mais il paraît que non… Et puis il y avait les maillots ! Des tuniques différentes d’ici : pas exactement la même coupe, pas le même design, pas les mêmes cols, etc. Mais le jugement était sans appel : les maillots anglais étaient plus touchy (comme en pop-rock). Alors on flashait sur les marques, des griffes là aussi inconnues, comme Umbro… et Admiral (on y arrive) ! Enfin, la fascination visuelle intégrale pour les tuniques anglaises tenaient au fait qu’elles étaient vierges de toute publicité ! La pureté du Rouge MU, du Bleu Everton, du Blanc Leeds ou des belles rayures immaculées Queens Park Rangers, soit la permanence quasi médiévale des grandes batailles sur un pré anglais. Ajoutez à ça une razzia des clubs UK sur fond de Punk music en coupes d’Europe (6 C1 d’affilée de 1977 à 1982) et vous comprendrez comment et pourquoi le foot anglais nous a tous niqués. En France, porter du Admiral (produit rare et classieux) était un must. Décidément, non : on ne pouvait pas résister aux succès et au style du football de la Très Grande-Bretagne…
Admiral bat Umbro !
La marque Admiral a contribué à cet impérialisme soft, sportivo-culturel. Le logo figure l’un des symboles du British Empire : la Royal Navy, l’Arme la plus prestigieuse du Royaume. Des galons d’amiral, le grade le plus élevé. Un truc tout bête… On ne va pas refaire l’histoire de la marque mais juste rappeler qu’elle dérive de la société textile anglaise Cook & Hurst créée en 1914 et qui pourvoyait l’armée britannique en sous-vêtements… L’engouement patriotique de la victoire anglaise à la Coupe du monde 1966 avait marqué Bert Patrick, le boss de Cook & Hurst : il eut l’intuition géniale que le maillot de foot pourrait devenir un produit de consommation courante. Un truc tout bête à l’époque mais qui génère aujourd’hui un business de centaines de millions d’euros : Nike paie 20 millions d’euros au PSG par an pour que sa virgule orne son maillot… Comme le rappelle L’Équipe de mardi dernier, ce cher Bert lança Admiral en 1972 et l’année suivante signa un contrat d’équipementier avec le légendaire Leeds United pour la saison 1973-1974. Un beau taquet à la face d’Umbro, qui équipait la plupart des clubs anglais… Mais la victoire sur la marque aux deux losanges fut totale l’année suivante, en 1974 : l’impayable Don Revie, légendaire coach de Leeds, persuada la FA (fédé anglaise) de signer un deal de cinq ans avec l’équipe d’Angleterre. Rien que ça ! Admiral remporta le contrat, au nez et à la barbe de Umbro, jusque-là équipementier des Three Lions… Il faut dire que les fructueuses ventes de maillots de Leeds United, alors au top du foot d’Outre-Manche, avaient impressionné les vieux messieurs de la FA. Moyennant 15 000 livres par an (environ 140 000 euros aujourd’hui), et 10 % de royalties sur les maillots vendus au public au-delà de cette somme, Admiral équipa la sélection jusqu’en 1983.
C’est donc le 30 octobre 1974 que l’Angleterre joua en Admiral pour la première fois, contre la Tchécoslovaquie à Wembley (3-1). Sur le maillot frappé autrefois uniquement de l’écusson aux Trois lions figuraient également le logo Admiral à droite, ainsi que des parements bleu et rouge aux manches. Des parements originaux, propres à la créativité d’Admiral, qui firent par la suite le succès visuel des équipes nationales de Galles et de Belgique. La tunique relookée rompant avec le modèle « uni » du maillot national offusqua le Royaume, tel l’ancienne légende internationale de 1966, Jimmy Greaves : « C’est affreux. On dirait qu’ils jouent en pyjamas ! » Pauvre Jimmy… S’il avait su l’effet induit sur la planète foot ! Voir chaque printemps Kevin Keegan disputer le défunt Tournoi Britannique avec ce maillot frappé du logo audacieusement insulaire : Admiral… Le coup double réalisé avec Leeds United et la sélection d’Angleterre convainquit d’autres grands clubs anglais de s’équiper en Admiral afin d’encaisser de substantielles entrées d’argent (contrat d’équipement, plus les royalties sur les ventes). MU, Tottenham, Portsmouth FC, West Ham, Southampton FC, suivirent l’exemple de Leeds. Le succès des créations originales anglaises séduisirent l’étranger : l’Étoile rouge de Belgrade, Aberdeen FC, l’Eintracht Francfort (grosse équipe à la fin des années 70), Bologne FC, AS Bari. Admiral cartonna également parmi les clubs US de soccer de la défunte NASL des années 70 et 80. Même les redoutables Diables rouges belges étaient encore plus impressionnants avec leur kit ultra flashy… Dans les années 80, Admiral déclinera, concurrencée au pays par Umbro, Adidas et le p’tit nouveau aux dents de requin, Nike. La marque perdit symboliquement le maillot de la sélection anglaise au profit de son ennemi Umbro en 1984… Vendue et rachetée après sa faillite en 1982, la marque Admiral s’investit dans le cricket et équipa l’équipe nationale d’Angleterre de 2000 à 2008. Durant les années 80 et 90, Admiral équipa pas mal de clubs anglais secondaires et étrangers (Dynamo Kiev, FK Partizan). On notera quand même le grand Leeds 1992 de Cantona paré du logo de l’Amiral… La hype vintage des beaux maillots anciens a poussé Admiral à revenir d’abord modestement dans le foot en signant un contrat de quatre ans à partir de la saison 2014-2015 avec l’AFC Wimbledon (D4). Autre joli coup de com, le récent contrat avec la toute nouvelle Fédération de Gibraltar… Admiral équipe toujours le club italien du FC Aprilia (divisions inférieures). Tim Gardiner, l’actuel directeur des ventes et du marketing d’Admiral, a déclaré vouloir attendre le succès réalisable ou non des actuelles répliques vintage de Leeds et de Tottenham récemment commercialisées. C’est ce qui poussera la marque à s’investir plus en avant ou non dans d’autres clubs à l’horizon 2015-2016. Si Admiral pouvait relooker un jour les maillots de nos clubs de L1, nous, on signe tout de suite !
Par Chérif Ghemmour