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Chiamaka Nnadozie, une rebelle au mental d’acier
La gardienne du Paris FC a quitté le Nigeria et sa famille pour vivre son rêve en France, contre l’avis de son père. À vingt ans, elle s’impose aujourd'hui comme l’une des meilleures gardiennes de sa génération.
Chiamaka Nnadozie n’est pas de celles qui cachent leur amour pour le football. Biberonnée au ballon rond par ses frères, la gardienne nigériane s’est cependant heurtée à l’autorité parentale pour exercer sa passion. « Mon père ne pensait pas que des filles pouvaient jouer au foot, surtout ici au Nigeria », indique-t-elle. Ce discours paternel, Chiamaka Nnadozie ne l’a jamais oublié. « Je me souviens parfaitement de ce jour, nous étions dans notre maison à Orlu. Lorsqu’il m’a dit ça, j’étais triste et en colère. Je l’ai supplié, mais il était énervé. Car pour lui, je devais me concentrer sur l’école et oublier le football, confie la gardienne du Paris FC. Je me suis isolée dans ma chambre pour réfléchir, et ma mère m’a rassurée en disant de ne pas m’inquiéter, que j’allais jouer. » « Cock » donne alors la meilleure des réponses à son père : aller dans la rue pour jouer au foot. Cet événement a été fondateur dans la carrière de l’internationale nigériane, puisqu’il l’a poussée « à travailler plus dur. Mon père pensait que je n’allais pas être heureuse, que le foot n’allait pas m’apporter grand-chose et que je devais arrêter d’en parler. Je voulais lui prouver que j’en étais capable. »
Malgré les différends avec son père, Chiamaka Nnadozie peut s’appuyer sur le soutien de ses frères « qui lui ont beaucoup appris ». Ses trois frangins sont d’ailleurs à ses côtés lorsqu’elle décide d’intégrer l’une des académies les plus prestigieuses du Nigeria, à tout juste douze ans. C’est au milieu de garçons qu’elle se forge un mental d’acier, malgré quelques doutes qu’elle décrit : « Quand j’étais en deuxième année, je me suis posé beaucoup de questions. Nous ne faisions que des entraînements, jamais de match. Je me suis demandée : « Quand je finirai mon cursus, est-ce je devrais arrêter le football et travailler ? » Mais j’ai eu la chance d’être sélectionnée avec les U17 du Nigeria en 2016 pour disputer le Mondial de la catégorie, et c’est à ce moment-là que je me suis dit que je pouvais réussir à faire une carrière pro. »
L’apport de la mixité
Une carrière qui va s’accélérer à vitesse grand V, puisque le club des Rivers Angels décroche son téléphone pour rapatrier Chiamaka, qui vient de souffler sa seizième bougie. « Je ne voulais pas attendre pour jouer, car c’était mon plus beau rêve de les rejoindre. Beaucoup de grandes joueuses sont passées par là », indique Chiamaka Nnadozie qui, malgré son jeune âge, fait preuve d’une force de caractère impressionnante – comme si sa carrière avait débuté lors de la dernière décennie – pour devenir une cadre de l’équipe. « Jouer avec des garçons n’a pas que des inconvénients, car cela vous rend plus fort et vous avez plus de confiance. Si vous êtes capables de jouer contre des mecs, rien ne vous fait peur au moment de jouer contre des filles », plaisante la gardienne.
Cette réussite n’étonne pas Sandrine Soubeyrand, son entraîneur au Paris FC : « Elle fait preuve d’une force mentale exceptionnelle, elle vit sa passion à fond sans oublier de prendre du plaisir. Pour une coach, c’est toujours un privilège de travailler avec ce genre de joueuse. » Jusqu’alors inconnue au bataillon, la gardienne choisit le meilleur moment pour briller, lors du troisième match de poule de la Coupe du monde 2019 face aux Bleues. Chiamaka Nnadozie écœure les attaquantes françaises et se fait un nom dans l’Hexagone, malgré l’élimination des Super Falcons en huitièmes de finale face à l’Allemagne. « Ces performances avec l’équipe A ne m’ont pas du tout surprise. Lors du Mondial U20 organisé en 2018 en Bretagne, j’ai pu l’observer quand je travaillais à la Fédération. Elle avait déjà été auteure de très bons matchs, elle est l’une des meilleures de sa génération », poursuit Sandrine Soubeyrand.
Une imitation parfaite du poulet
Des prouesses qui impressionnent le monde du foot féminin, mais aussi son propre père, longtemps convaincu que sa fille ne percerait jamais. « Quand il m’a vu jouer à la Coupe du monde, il était très heureux. Quand je suis revenue au Nigeria, il était surpris et il m’a dit : « Tu peux jouer autant que tu veux. » J’étais fière de lui avoir prouvé ma réussite. » Une réussite qui va la mener dans le pays qui l’a révélée, lorsque Chiamaka Nnadozie rejoint les rangs du Paris FC en janvier 2020 à tout juste 19 ans. Fraîchement élue meilleure gardienne d’Afrique, elle découvre une nouvelle aventure, d’Orlu à Orly, avec de nouveaux défis. « Son intégration a été perturbée par le confinement. Elle est arrivée en février, a pu trouver son appartement, et le confinement nous est tombé dessus », se souvient Sandrine Soubeyrand. Alors qu’elle ne parle pas un mot de français, Chiamaka Nnadozie doit faire la connaissance de ses partenaires… en visio.
« J’étais un peu déboussolée, mais je me souviens qu’Eseosa Aigbogun a été la première à me parler. Elle a des origines suisses et nigérianes. La première chose qu’elle m’a dite, c’est : « Je viens aussi du Nigeria ! » Les premiers contacts avec les autres gardiennes ont été géniaux, on est rapidement devenues amies. Parfois, je ne comprends pas les consignes de la coach. Mais elles prennent le temps de m’expliquer, elles m’apprennent beaucoup », confie Chiamaka Nnadozie. Une intégration express saluée par son entraîneur, satisfaite de ses progrès : « Malgré la distance avec sa famille, elle est épanouie et le montre tous les jours à l’entraînement. Elle est en progression permanente et elle commence à parler français, ce n’est que du bonus. » Si elle montre beaucoup de sérieux sur le pré, la gardienne de vingt ans n’est jamais avare de blagues et a gardé un petit côté enfantin, elle qui imite à la perfection le cri du poulet. « Ma famille m’appelleCock, parce que j’adore le poulet et je les fais toujours rire avec mes imitations », confie Chiamaka Nnadozie. Une poule aux yeux d’or, en somme.
Par Analie Simon