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Chez Mathieu Roche, le football est une affaire de famille
Ancien éducateur, Mathieu Roche a tout plaqué pour monter avec sa femme une entreprise de boissons désaltérantes. Un projet à l'image du coach du FC Colombier St-Barthélemy qui bourdonne d'idées. La dernière en date ? Proposer un concours de frappes en état d'ébriété pour le Vrai Foot Day afin de sensibiliser ses joueurs. Une initiative qui avait totalement sa place parmi les 23 projets retenus.
Il paraîtrait que Jorge Mendes, le célèbre super-agent portugais, passe 18 heures de sa journée au téléphone. Mathieu Roche n’en est pas encore là. Et pourtant, le portable de l’Ardéchois sonne toutes les deux minutes. La raison ? Le match des seniors du lendemain pour lequel il n’est pas encore certain d’avoir onze joueurs disponibles. Un samedi comme un autre à en croire sa femme Élodie : « C’est le foot qui dicte notre vie. » Un doux euphémisme. Car si Mathieu est pris par les seniors le mardi, vendredi et dimanche, Élodie, elle, s’entraîne le jeudi et leur fille aînée, Suzie, est à l’entraînement avec les U11 le mercredi et au match le samedi. Ce qu’on peut appeler un programme chargé.
Le Jürgen Klopp de l’Ardèche
Arrivé à Colombier-le-Jeune en 2014, Mathieu Roche, ancien éducateur spécialisé, s’est d’abord fait discret dans le village avant de mettre un premier pied au FC Colombier St-Barthélemy il y a deux ans : « Le président est venu me voir, car il cherchait un second coach pour les U13. L’entraîneur était seul, et il y avait des petits en situation de handicap. » Le début de l’engrenage. « J’ai dit que je voulais bien y aller un mercredi sur deux. Et finalement, j’y étais tous les mercredis et tous les samedis » , rigole le coach. Il faut dire que le bonhomme n’est pas du genre à faire les choses à moitié. Résultat, quelques mois plus tard, Mathieu, qui « a toujours aimé entraîner » , se retrouve sur le banc des seniors. Problème, celui qui arbore un tee-shirt « J’peux pas j’ai raclette » manque de joueurs pour réussir à combler les deux équipes qui évoluent en D4 et D5. Soit les deux dernières divisions du district Drôme-Ardèche. Et après avoir fait le tour des deux villages de 700 habitants, Mathieu est obligé d’aller draguer le voisin de Gilhoc, lui aussi en galère d’effectif. Et tant pis si c’est le club rival : « Cette entente n’a pas plu à tout le monde. Il y avait une sorte de guerre de clochers qui date des guerres de religion. C’est un exploit d’avoir réussi à convaincre les deux parties. Mais finalement, ils sont contents de jouer ensemble. »
L’effectif au complet, Mathieu Roche peut alors faire parler sa science de la tactique inspirée de Carlo Ancelotti ou de Maurizio Sarri. Problème, en face de lui, tous n’ont pas l’ADN footballistique : « Certains font leur première année de foot. Ils n’ont pas le langage, ils manquent de bases tactiques, de placements. Mais ça s’apprend. En revanche, avec cette bande de mecs, tu peux partir à la guerre. » Résultat, Mathieu range ses schémas tactiques dans un coin de sa tête et prend alors exemple sur un autre coach : Jürgen Klopp et son « management souriant » . « Le mot d’ordre à l’entraînement c’est positif. Je ne veux que des encouragements sur le terrain. J’essaye d’être le plus bienveillant possible. On est en D4. Si le mec entre sur le terrain et qu’on lui met la pression, qu’on le critique, il n’a pas envie, théorise celui qui est passé par toutes les positions sur le terrain, de défenseur central à attaquant. Ce n’est pas comme ça que j’avais envie de jouer, donc ce n’est pas comme ça que j’ai envie de coacher. »
Un concours de frappe en état d’ébriété comme projet
Mathieu est ce qu’on appelle un passionné. Un homme « qui aime avant tout ses joueurs et qui essaye de faire qu’ils soient le mieux possible » . Et c’est dans cette optique qu’il a inscrit son club au Vrai Foot Day. Un club déjà connu par les amateurs de Footeo, puisque Mathieu aime prendre la plume tous les dimanches soir afin d’écrire un résumé du match du week-end : « Je me suis découvert cette passion de l’écriture il y a un an. Et ça a très bien pris. Ce sont des résumés un peu décalés qui sortent du match. Ce sont surtout des tranches de vie. Il faut qu’il y ait une histoire à raconter. Mais il y en a tout le temps en district. » Comme celle de Mickey qui s’est fait légèrement engueuler par sa compagne après être rentré de l’entraînement à 2h du matin.
Car oui, comme tout club de district qui se respecte, le FC Colombier St-Barthélemy n’oublie jamais de faire la fameuse troisième mi-temps. Problème, une fois celle-ci terminée, il faut rentrer chez soi. Et ici, il n’y a pas d’autoroute. Ni même de routes droites. Non, ce sont des multitudes de virages qui s’enchaînent. Sympa pour un rallye, moins pour une personne qui a un petit coup dans le nez. Résultat, Mathieu compte bien profiter du Vrai Foot Day pour sensibiliser ses joueurs en effectuant un concours de frappes en état d’ébriété. Le but est simple : chaque personne qui veut participer enfile des lunettes de simulation et devra faire un petit parcours avant de tenter un tir. Le tout sous les yeux des acteurs de la sécurité routière présents pour faire une intervention. « On va essayer de faire que ce soit le plus intelligent possible. Faire un truc marrant pour que tout le monde s’amuse et que ça percute. Que les mecs se disent « Ah, c’est pas mal si on fait du co-voiturage » » , raconte le coach. Et cela fonctionne puisque tout le village attend désormais l’évènement à écouter Élodie : « Les gens sont tous motivés. Même chez les filles. » Pas étonnant selon Mathieu, puisque « les filles sont toujours partantes pour faire des conneries » . Cette idée, l’agriculteur ne l’a pas sortie tout seul de son cerveau : « C’est une maman qui est venue me voir en disant de faire attention avec mes joueurs quand ils rentrent. Ça m’a fait réfléchir. » Et comme toujours, l’Ardéchois n’a pas mis longtemps avant de lancer ce projet dont les fonds récoltés seront redistribués à une association de victimes de la route.
Une mini-usine sous la maison
Mathieu est comme ça. Lorsqu’il trouve une bonne idée, il n’hésite pas à se donner à fond pour l’appliquer. Que ce soit le Vrai Foot Day, l’entente avec Gilhoc ou sa marque de boissons Mat&Élo. « Un hasard » à écouter le couple qui a décidé de tout plaquer il y a trois ans pour monter cette boîte. Lui son travail de moniteur-éducateur. Elle son job d’infirmière. À la base, tout débute par une tentative de sirop. Une idée vite abandonnée, car « ça ne se boit pas très vite » , révèle Élodie qui répond à la place de son mari dont le ventre lui joue quelques tours. Avant de se concentrer sur ces boissons désaltérantes qui mélangent toujours un fruit et une plante. Des fruits qui viennent de la région ardéchoise – à l’exception des citrons qui débarquent de Sicile -, et des plantes cultivées par le couple dans un champ sur les hauteurs du village ou sous une serre. Au menu : Poire-Verveine, Mirabelle-Mélisse, Thym-Citron ou encore Menthe-Citron. Autant de mélanges qui sont testés en amont. « C’est du feeling. Même si maintenant on a l’habitude et on sait ce qui se marie ensemble. On fait un boulot d’œnologue presque. Il faut que ce soit équilibré. Ni trop sucré, ni pas assez. On a beaucoup modifié nos taux de sucre, de fruits et de plantes » , raconte Mathieu entre deux allers-retours aux toilettes.
Et si le couple a débuté avec « un extracteur acheté 50 euros à Gamm Vert » comme le rappelle Élodie, c’est désormais un vrai laboratoire qui est installé au sous-sol de la maison familiale. Une mini-usine qui va donc de l’extraction des fruits à l’étiquetage, en passant par la pasteurisation et la mise en bouteille. Et chacun a sa fonction : Mathieu s’occupe de la production et Élodie de l’étiquetage et de la partie administrative, comptabilité et livraison. Un procédé qui porte ses fruits puisque les bouteilles Mat&Élo sont désormais bien installées dans les rayons des supermarchés de la région. Et même jusqu’à Lyon et Grenoble. Autant de bonnes nouvelles qui ne suffisent visiblement pas aux banques « trop frileuses » pour faire un crédit au couple afin qu’il puisse acheter leur maison où ils ne sont que locataires. « La propriétaire voulait vendre, mais nous a fait un coup de main en nous la louant en attendant qu’on puisse acheter. Ça fait deux ans et au bout d’un moment elle va vouloir vendre. Mais les banques sont chiantes et n’ont pas assez de recul » , enrage Élodie. Pour autant, elle ne regrette pas une seconde l’hôpital : « Tu sais que tu vas trouver du boulot, mais tu ne sais pas où. Et les conditions sont devenues dramatiques. Ça ne m’intéressait plus de travailler comme ça. C’était l’usine. Je préfère étiqueter. Au moins je ne fais de mal à personne. »
Une affaire de famille
Contagieux. C’est finalement le mot qui décrirait le mieux Mathieu Roche. À l’image de son amour du football. Un amour transmis en premier lieu à sa femme qui confesse pourtant « ne pas aimer du tout le foot à la base. Puis je me suis fait emporter. Il m’a fait aimer le foot » . Tellement que depuis l’engouement de la Coupe du monde féminine, Élodie a rejoint l’équipe de mamans du club composée de femmes de 14 à 50 ans. Encore une idée de Mathieu qui aurait bien aimé coacher cette équipe, lui qui est passionné par le foot féminin : « L’état d’esprit est plus chouette. Ça va un peu moins vite donc c’est très agréable à regarder à la télé quand on aime la tactique. Afin de voir les déplacements et de comprendre ce qu’il se passe sur le terrain. Et puis il y a moins de paillettes autour, moins de chichis. » Mais Élodie n’est pas la seule à être tombée dans la marmite du foot, l’aînée Suzie aussi. Vêtue du maillot de Guingamp – club préféré de Mathieu depuis Didier Drogba et un voyage en Bretagne où il est tombé sous le charme du Roudourou -, la future Eugénie Le Sommer n’est pas vraiment stressée par son premier match de la saison qui arrive. Une rencontre qu’elle devrait jouer à son poste de milieu droit, même si son coach avait un autre plan pour elle : « Il voulait que je passe gardienne pour le match, mais je lui ai dit que ce n’était pas pour tout de suite. » Une chose est sûre, Mathieu ne sera, cette fois-ci, pas derrière la main courante pour la voir gambader sur le rectangle vert. Car il n’y a pas que sa bonne humeur et sa sympathie qui est contagieuse. Sa gastro aussi.
Par Steven Oliveira, à Colombier-le-Jeune
Le Vrai Foot Day 2019, en partenariat avec :