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Cheryshev, le tsar de Castille

Par Robin Delorme, à Madrid
4 minutes
Cheryshev, le tsar de Castille

Premier Russe à porter le maillot du Real Madrid, Denis Cheryshev est aujourd'hui la sensation de Villarreal en compagnie de Vietto. Né à Novgorod, bichonné à Gijón, façonné à Madrid, il a fait de sa double identité une force.

Le 1er février 1998, le Sporting Gijón se déplace au Camp Nou. Petit attaquant râblé culminant à un mètre 69, Dimitri Cheryshev est l’unique buteur des Rojiblancos. Un pion tout aussi flatteur qu’inutile, puisque le Barça s’impose finalement 2-1. 17 ans plus tard, jour pour jour, c’est le fiston des Cheryshev, Denis, qui fait trembler les filets de l’antre blaugrana. Une ouverture du score futile, comme celle de son paternel : Villarreal échoue à un but de Barcelone. Plus qu’un passage de témoin entre père et fils, ce hasard des calendriers de Liga raconte l’histoire d’un gamin né à Novgorod dans une Union soviétique qui s’apprêtait à imploser. Rapidement débarqué en terre asturienne pour suivre la carrière du padre, il passe « près de deux mois à pleurer car (il) ne comprenai(t) rien » . « Après trois, quatre mois, quand tu es un enfant, tu te fais plus ou moins comprendre avec des gestes » , poursuit celui qui dispose aujourd’hui d’un double passeport, russe et espagnol. Présentation du premier sujet de Poutine à évoluer au Real Madrid. Un Real qu’il ne retrouve pas aujourd’hui, la faute à une clause de « peur » dans son prêt à Villarreal.

Cheryshev : « Moi, je frappais du pointu »

Avant d’enfiler la tunique blanc meringue, Denis Cheryshev a effectué ses premières frappes de balle à Gijón. « J’ai commencé dans l’école de Mareo, pas au Sporting, se remémore-t-il dans les colonnes du Pais. Vu que je n’avais jamais joué avant, je frappais toujours du pointu. Mes entraîneurs me disaient de frapper de l’intérieur, mais je leur répondais de me laisser tranquille. Moi, je frappais du pointu. » De cette technique aléatoire, il conserve une conduite de balle atypique et des dribbles presque anachroniques. La dizaine d’années atteinte, il est repéré par le grand Real Madrid. Le deal avec la Casa Blanca rend le coup double pour la famille Cheryshev. Pendant que Denis intègre la cantera de Valdebebas, Dimitri prend en charge les commandes d’une équipe des catégories inférieures. Aucun cadeau ne lui sera pourtant fait : « En cadets, je jouais peu avec le Real et ça me prenait la tête. Je pensais que je n’étais pas aussi bon que ce que je croyais. De nombreuses fois, je n’étais même pas convoqué et je rentrais à la maison en pleurant. Mon père m’emmenait alors m’entraîner dans un parc et il me disait que je devais rester tranquille » .

Ce flegme, plus russe qu’espagnol, il le doit à sa double nationalité. Autrement dit, sa double identité. « Je me sens moitié russe, moitié espagnol. Je suis né en Russie et l’on parle russe dans ma maison. Mais j’ai grandi ici. J’y suis depuis mes cinq ans. Même si mon caractère est russe, un peu plus froid, mon comportement est espagnol puisque j’aime beaucoup parler avec les gens » , sourit-il. Malgré un castillan qu’il manie à la perfection, Denis Cheryshev n’en demeure pas moins le premier citoyen russe à porter le maillot merengue. Premier du centre de formation, et premier de l’équipe première, puisque le 24 juillet 2012, il est aligné par José Mourinho lors d’un amical face au Real Oviedo. Déjà bien au fait de la rivalité asturienne entre Oviedo et Gijón, il prévient son père : « Ce n’est pas contre toi, mais ils vont m’insulter » . De son propre aveu, il se sent « en partie asturien » et admet « avoir vécu l’un des plus beaux jours de (s)a vie » après avoir inscrit la banderille du 2-0. Reste encore la marche la plus ardue : s’imposer durablement dans l’effectif du Santiago-Bernabéu.

De saison blanche à saison en blanc

Sous contrat jusqu’en 2017 avec le Real Madrid, il doit pourtant s’exporter pour glaner du temps de jeu. Membre à temps complet de la Castilla, il prend la direction de Séville en début de saison dernière. Un prêt inutile, ou presque : toujours blessé, il ne dispute que quatre petits matchs de Liga. Cet été, lorsqu’il reçoit un coup de téléphone de Marcelino « alors qu(‘il) récupérai(t) de (s)es blessures au Brésil avec la sélection » , il dit banco au challenge de Villarreal. Épargné par les pépins physiques et avec un bilan de 7 buts et 11 passes décisives, il explose et en impose. Cette croissance lui permet également de devenir l’un des piliers de la sélection de Fabio Capello. Binational, le choix de sa sélection n’a rien eu de cornélien : « Mis à part le devoir de jouer avec la Russie, je savais que j’allais avoir plus de chance qu’avec l’Espagne. Je me sens russe, et quand résonne l’hymne, je le chante et ma peau se hérisse » . Alors, homme comblé le Denis ? « Ce que je veux, c’est jouer, c’est ma priorité. C’est un jeu, et si tu ne joues pas, ça sert à quoi ? Mais mon rêve reste de jouer au Real Madrid. » Dans la réalité, Carlo Ancelotti aurait donné son accord pour son rapatriement en fin de saison… Vivement le 1er février 2016.

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