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Chennevières-lès-Louvres : des bonnes idées pour exister

Par Clément Gavard, à Chennevières-lès-Louvres
Chennevières-lès-Louvres : des bonnes idées pour exister

À Chennevières-lès-Louvres, il était hors de question de passer à côté d'un événement comme le Vrai Foot Day. Depuis plusieurs années, le club de foot loisir du Val-d'Oise a misé sur sa créativité et une auto-médiatisation rare dans le monde amateur pour exister et grandir. La preuve ultime que des moyens limités n'empêchent pas les plus petits de s'offrir de grands plaisirs.

Entre les effluves de barbecue, il règne un air de revanche au stade municipal de Chennevières-lès-Louvres. Pour cette petite bourgade du Val-d’Oise d’un peu plus de 300 habitants – qui est aussi le lieu de tournage de nombreux sketchs de Groland -, l’occasion du Vrai Foot Day était trop belle pour ne pas organiser des retrouvailles avec le Racing Pop. Cinq mois tout pile après leur première rencontre avec le club du Secours populaire de Paris, les acteurs sont les mêmes ou presque. Mais le décor, lui, est complètement différent. Le 12 mai dernier, les deux équipes s’étaient affrontées sur la pelouse du Parc des Princes pour un match de gala remporté par le Racing Pop (2-1). « Le match était le dimanche, nous avions eu l’information le lundi et la confirmation le jeudi, se souvient Aurélien, trésorier du club. Lagardère avait glané un lot « match entre amis au Parc des Princes en condition officielle » lors d’un gala en 2018, avant de le redonner à la fondation PSG qui l’a offert au Secours populaire. L’ONG a directement proposé l’organisation à notre pote Antonin, qui nous a donc placé en tant qu’adversaire du Racing. » Une opportunité unique pour un club évoluant dans le championnat Foot Loisir du samedi matin, qui est la preuve qu’aucune porte n’est véritablement fermée aux amateurs inspirés, bien entourés et motivés. Bienvenue dans le club le plus surprenant du Val-d’Oise.

Podcast, web-série et ambitions

Depuis sa création en 2006, le Chennevières-lès-Louvres FC a beaucoup grandi. Encore plus ces dernières années, voire ces derniers mois. Grâce à des rencontres, des contacts et des services entre potes. Au cœur de cette évolution, il y a P2J (dont fait partie le dénommé Antonin), un podcast indépendant dédié au foot et géré par une bande de copains, qui s’est retrouvé à suivre les aventures du petit club cannabrien depuis janvier 2018. « On avait un pote qui jouait là-bas, on a été mis en contact, on a vu qu’il y avait une bonne mentalité, de la créativité et on s’est dit que ça pouvait être cool de faire des petits événements autour d’un petit club amateur du 95 et de suivre leur saison, raconte Miguel, un membre du collectif P2J. Au départ, on interviewait un joueur ou l’entraîneur dans la voiture pour une petite rubrique, on a dû le faire quatre ou cinq fois, et aujourd’hui on fait partie de la famille. » Et voilà comment les Val-d’Oisiens ont pu mettre en place l’auto-médiatisation de la vie du club, au-delà même des simples publications sur les réseaux sociaux.

Un cercle vertueux qui a également conduit le Chennevières-lès-Louvres FC à se retrouver au cœur d’une web-série, prévue pour la fin de l’année et produite par le média Gentside. « C’est encore une fois grâce à P2J, précise le président Rémi. C’est parti d’un appel à projet de Gentside, on a rencontré un gars de là-bas qui a été super et ils ont validé la web-série avec leurs supérieurs. Il y a eu une année de tournage, je crois qu’ils sont actuellement sur le montage des derniers épisodes et on attend maintenant avec impatience la sortie des épisodes. » Assez fou pour un club de foot loisir, qui a aussi su profiter de cette visibilité pour faire rentrer un peu plus de pépètes dans la trésorerie. Après les 1000 euros versés par P2J pour être sponsor maillot la saison dernière, le CLL FC a dégoté un nouveau partenariat à la rentrée, avec un chèque de 3000 euros à la clé. « Le sponsoring avec P2J nous a permis de payer des maillots, du matériel, des ballons, déroule Aurélien, en charge des finances du club. Puis, un gars de chez nous s’est dit que c’était intéressant de prendre la suite avec sa société, et il a laissé un énorme chèque. Donc, on aura encore plus d’équipements, on a des sacs qui arrivent et on rêve de se rapprocher du coq sportif parce qu’on adore cette marque. » Pas une raison pour briser les liens tissés avec P2J, comme le sous-entend Miguel : « Quand ils sont venus nous dire que P2J n’allait plus être le sponsor principal sur le maillot, on leur a dit de foncer ! C’est super pour le club. »

Parce qu’on vient de loin

Un succession de bonnes nouvelles qui sont le fruit de la mentalité d’un club. Au-delà des partenariats, des petits contrats de sponsoring et des moyens financiers, le Chennevières-lès-Louvres FC a toujours voulu ressembler à une petite famille qui se réunit pour taper dans le ballon le week-end. Et le bouche-à-oreille fonctionne à merveille depuis plusieurs années. Si le coach et le capitaine vivent à 500 mètres du stade, de nombreux joueurs, comme Aurélien ou même le président Rémi, n’avaient aucun lien avec le village avant de débarquer. « On est un petit groupe à venir de Sarcelles. Fabrice, l’ancien président, était le collègue d’un ami d’enfance et il nous a ramené un par un, rembobine Rémi. Quand on était plus jeunes, on jouait beaucoup au foot à Léo Lagrange et c’est la même ambiance ici, la même mentalité. On est pas là pour se taper dessus, même si ça peut s’échauffer parfois. »

Et tant pis s’il faut avaler des kilomètres pour venir à l’entraînement le mercredi ou jouer un match le samedi matin, les Cannabriens d’adoption ont la motivation. « C’est assez dingue ce qui se passe ici, se réjouit Aurélien. Déjà parce qu’on est loin de Paris et qu’on a pas mal de Parisiens au club. On retrouve ici un côté familial qu’on avait pas forcément dans les clubs de la capitale. » Le symbole de l’évolution impressionnante du CLL FC ? La possibilité de disputer les rencontres au complet le week-end, quand l’équipe peinait souvent à trouver onze joueurs le samedi matin il y a encore trois ou quatre ans. De quoi rendre fier Fred, entraîneur de Chennevières depuis sept ans maintenant : « Il n’y avait aucune structure, peu de bénévoles, on avait du mal à pouvoir compter sur huit joueurs. Mais aujourd’hui, ça a énormément évolué et on compte maintenant quarante licenciés. » À leur échelle, c’est ce qu’on appelle une autre dimension.

Un message d’espoir

Mieux, le club a grandi sportivement, au point d’être enfin pris au sérieux par ses adversaires, à commencer par le Média FC, une équipe montée par RMC et comptant dans ses rangs des anciens joueurs comme Jérôme Rothen, Ludovic Obraniak ou Frédéric Piquionne. « Ils ne nous prennent plus pour les paysans du 95 maintenant, ils savent qu’on est pas des rigolos » , s’amuse Fred. Et pour cause, depuis deux ans, les Verts ne végètent plus dans le bas du classement et restent sur une quatrième place et un podium la saison dernière. « On a fait très fort avec des grosses recrues, les équipes étaient surprises de nous voir jouer comme ça, assure Aurélien. On termine à la troisième place, mais on joue quasiment le titre jusqu’au bout, ça aurait été énorme que ça tombe l’année de la web-série, mais on avait des absents et on a pas tenu la route jusqu’à la fin du championnat. »

La preuve qu’un club amateur, sans trop de moyens, n’est pas forcément destiné à mourir dans le silence le plus total. Est-ce la triste réalité pour beaucoup de petits clubs en France ? Oui, surtout que la FFF n’est pas un modèle de générosité, comme l’a récemment révélé une enquête de Libération, qui affirmait que la Fédé’ n’accordait que 6% de sa richesse aux 15 000 clubs du football amateur dans l’Hexagone (soit 16 millions d’euros à se partager). Plutôt que la déprime, le Chennevières-lès-Louvres FC préfère miser sur les ondes positives, l’originalité et l’optimisme. Dimanche, il y avait plus d’une cinquantaine de personnes pour partager des sourires, de la bonne humeur, un barbecue et quelques bières. Des gars et des filles, des gens de Chennevières, d’autres de Paris, du Secours Populaire. « Finalement, ça ne nous est pas revenu à grand-chose d’inviter les gens à venir manger, boire un coup et faire un bon petit match, résumé le président Rémi. C’est vrai qu’il faudrait motiver les instances à donner un poil plus et donner leur chance à des gens qui n’ont pas l’occasion de jouer dans de bonnes conditions, mais même sans ça, on a pu faire plaisir à tout le monde. » Pas besoin d’être sur le terrain pour jouer collectif.

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Par Clément Gavard, à Chennevières-lès-Louvres

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