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Chelsea, roi sans couronne
Battue à West Ham samedi, dépassée par la Roma en tête de son groupe en C1, la clique d'Antonio Conte se contente aujourd'hui de regarder ses concurrents se bagarrer sans vraiment pouvoir intervenir dans les débats.
En fin stratège qu’il est, Antonio Conte connaît le prix d’une campagne réussie et a donc ressorti, samedi, son boulier. « Parler de la course au titre après une défaite est un peu bizarre, surtout s’il s’agit de la quatrième défaite de la saison, sur seize matchs disputés, s’est-il alors lancé, sur le podium de la salle de presse du London Stadium, après la défaite des Blues face à West Ham (0-1). Lorsque vous avez connu un tel début de saison, il est impossible de penser que l’on peut prendre part à la course au titre. Mon expérience est la suivante : si tu veux rester dans la course au titre, lors de la première partie de saison, tu ne peux perdre qu’une ou deux fois. » Difficile de donner tort au coach italien : l’an passé, à la même époque, Conte récoltait les fruits tactiques plantés après une série de deux défaites consécutives – face à Liverpool (2-1) et à Arsenal (0-3) – et dansait au milieu d’une chaîne de treize succès qui servirait de base à la conquête d’un titre de champion d’Angleterre incontesté bien que facilité par un horizon dégagé de toute campagne européenne.
Décembre, l’heure des premiers comptes et du rééquilibrage des objectifs : cette saison, après seize journées de championnat, Chelsea n’aperçoit déjà plus Manchester City, leader enfoncé dans un canapé acheté avec 46 points, aucune défaite, la meilleure attaque, la meilleure approche et la meilleure défense du pays. Suffisant pour affirmer aujourd’hui qu’il n’y a déjà plus de bataille pour le titre en Angleterre, avec un dauphin (Manchester United) placé onze points derrière City, et des Blues qui ont malgré tout réussi à empiler 32 points en seize jounées. Pour Conte, le problème est pourtant plus complexe et trouver une solution revient avant tout à comprendre pourquoi Chelsea n’a pas réussi à tenir le rythme cette saison, le revers face à West Ham – où David Moyes retrouve (enfin) la banane – n’ayant servi qu’à mettre en lumière les limites d’un champion en titre dans le brouillard.
Pression et confiance
Un détour par Stamford Bridge, le 5 décembre dernier, où Chelsea a laissé la Roma prendre la première place de son groupe de Ligue des champions après un nul difficile à avaler face à l’Atlético (1-1). Dans les couloirs, Cézar Azpilicueta s’avance, le sourire rangé : « On sait désormais qu’on va rencontrer un gros au prochain tour et je pense qu’on doit se concentrer, maintenant, sur la Premier League, la Carabao Cup et la FA Cup, que l’on débutera en janvier. Pour la Ligue des champions, on verra en février. » Ce sera donc le Barça, soit une raison supplémentaire de passer à autre chose et de travailler en silence pour voir comment remettre dans le rythme une équipe qui l’a perdu. Les raisons sont multiples et étaient, aussi, prévisibles.
Samedi, Antonio Conte a souligné la fatigue de son effectif. John Terry n’avait-il pas évoqué, au moment de son départ, qu’il ne s’était jamais autant entraîné qu’avec Conte, au point de pousser les limites de son physique ? Cette saison encore, l’Italien a maintenu la pression sur le travail quotidien de son groupe, sur les exercices sans ballon, les courses à répétition, et ce, malgré le débarquement dans le calendrier de la C1, où Chelsea a avalé un groupe compliqué (la Roma, l’Atlético, un long déplacement à Qarabağ). Conséquences : cette saison, les Blues ont souvent manqué d’énergie au moment de finir les rencontres post-Europe – le nul contre Arsenal (0-0), une défaite contre City (0-1), la défaite ce week-end à West Ham (0-1), une victoire bordélique contre Watford (4-2) – et ce, avec un effectif aussi limité que Conte l’avait annoncé à la fin de l’été. Une situation où il faut ajouter le détail que le coach italien a parfois préféré faire confiance à des joueurs touchés physiquement comme Morata – qui sera absent à Huddersfield, mardi soir – plutôt qu’à un Michy Batshuayi, par exemple.
Le doute Bakayoko
La tactique et le chamboulement, maintenant. Parce que certaines sorties – la défaite à Old Trafford (0-2), celle en finale de la FA Cup face à Arsenal (1-2) – avaient annoncé que le 3-4-3 ne pourrait tenir trop longtemps face à des adversaires qui ne se sont pas privés pour le copier, Antonio Conte a décidé, cette saison, de partir le plus souvent en 3-5-2 avec un Hazard, qui touche peut-être depuis le début de saison son meilleur niveau, mais qui a rendu ses potes dépendants de ses performances, comme au London Stadium, en soutien de Morata. Un choix audacieux, souvent payant, mais aussi démonté par l’équation toujours non résolue du remplacement de Nemanja Matić : titularisé samedi, Tiémoué Bakayoko a été remplacé pour « raisons tactiques » dès la mi-temps, mais n’a, surtout, pas encore convaincu. Le Français n’a pas le profil du milieu serbe, parti à Manchester United, et souffre depuis son arrivée en Angleterre. Fin octobre, Conte avait insisté sur le fait que l’ancien Monégasque devait « s’améliorer avec le ballon » , ce qu’il n’a pas encore réussi à faire et empêche finalement Cesc Fàbregas de jouir de toute la liberté qui était la sienne la saison dernière.
La défaite face à West Ham a prouvé le casse-tête actuel de Conte : face à une équipe portée par un bloc bas, N’Golo Kanté s’est retrouvé avec plus d’espaces que d’habitude, une situation où Antonio Conte, la saison dernière, l’aurait fait monter d’un cran pour faire reculer Fàbregas. L’Italien cherche, quatre mois après le début de saison, toujours la solution parfaite pour compenser le départ de Matić, ce qui a fait perdre du temps aux Blues et de la patience à un entraîneur toujours secoué par les bastons de recrutement avec sa direction de l’été dernier. Est-ce la crise ? Pas totalement, mais l’histoire moderne de Chelsea a prouvé que peu de ses entraîneurs résistaient à une saison sans titre. Un départ de Conte, dont la défaite du week-end est avant tout la responsabilité, en fin de saison ne serait pas une surprise, mais ne ferait pas, non plus, oublier l’excellent travail qu’il a réalisé en Angleterre. Une question de limites là où Conte a toujours refusé les barrières : ce qu’on lui a posé l’été dernier.
Par Maxime Brigand