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Chelsea : Pourquoi le club fait signer des contrats longue durée ?
À l'image de Chelsea et ses contrats longue durée offerts cet hiver à Benoît Badiashile (7 ans et demi) et Mykhaylo Mudryk (8 ans et demi), de plus en plus de clubs font signer à leurs joueurs des contrats sur le très long terme. Un moyen de contourner le fair-play financier, mais qui peut se retourner contre les clubs si le joueur n'a finalement plus le niveau escompté.
Dans quel état sera le monde le 30 juin 2031 ? La France aura-t-elle deux nouvelles étoiles sur son maillot ? Michel Drucker présentera-t-il encore Vivement dimanche ? Cyril Hanouna aura-t-il remporté les élections présidentielles de 2027 ? Rihanna aura-t-elle enfin sorti un nouvel album ? Xavier Dupont de Ligonnès aura-t-il été retrouvé ? Autant de questions sans réponse puisque le 30 juin 2031 semble être dans une éternité. Et pourtant, c’est la date à laquelle s’arrêtera le contrat de Mykhaylo Mudryk avec Chelsea. Dernière recrue du club londonien, l’ailier ukrainien a, en effet, signé un contrat de huit ans et demi avec les Blues. Une pratique courante pour Chelsea qui avait fait signer au Monégasque Benoît Badiashile un contrat de sept ans et demi quelques jours plus tôt ou encore des contrats de sept ans à Wesley Fofana et de six ans à Marc Cucurella, Carney Chukwuemeka, Reece James et Trevoh Chalobah ces derniers mois. En un an, les Blues ont donc bâti une équipe pour les six prochaines années. Sauf que cette stratégie n’est pas forcément gage de réussite.
Plus c’est long, plus c’est con ?
Depuis 2001 et la mise en place du système Monti, la FIFA stipule que « le contrat d’un joueur professionnel est établi pour une durée minimale allant de la date de son entrée en vigueur jusqu’à la fin de la saison et au maximum pour une durée de cinq ans ». A priori, Chelsea contournerait donc les règles, sauf que cette même FIFA rajoute ensuite que « les contrats d’une durée différente ne sont autorisés que s’ils sont conformes au droit national en vigueur ». Résultat, si en France il n’est pas possible – pour le moment – de signer des contrats aussi longs, ce n’est pas le cas de l’Angleterre donc, mais aussi de l’Espagne, où Aurélien Tchouaméni a signé un contrat de six ans avec le Real Madrid et où Iñaki Williams et Saúl Ñíguez ont respectivement prolongé leur bail de neuf ans avec Bilbao et l’Atlético de Madrid.
Pour les clubs, cette possibilité de donner des contrats de très longue durée présente surtout un avantage d’un point de vue comptable comme le précise Vincent Chaudel, économiste et fondateur de l’Observatoire du sport business : « Il faut distinguer la trésorerie – le chèque que vous faites – et la comptabilité avec le mécanisme de l’amortissement. Lorsque Neymar est acheté 222 millions d’euros, c’est le chèque, mais après il y a l’amortissement sur cinq ans repoussé sur 10 avec la prolongation. » De quoi permettre à Chelsea de passer sous les radars du fair-play financier : « C’est un jeu d’écriture qui permet de « détendre l’élastique » sur un exercice comptable. En jouant sur des périodes longues, ça réduit l’impact sur l’exercice comptable en cours. » Problème pour ces clubs, si le joueur en question ne s’adapte pas à un nouvel environnement, se blesse gravement ou perd son niveau footballistique, ces derniers se retrouvent avec un poids difficile à dégager. C’est notamment le cas de l’Atlético avec Saúl Ñíguez qui n’a plus rien à voir avec le Saúl Ñíguez de 2018-2019 et qui ne fait plus partie des plans des Colchoneros. Sauf qu’il lui reste encore trois ans et demi de contrat.
Des contrats de NFL
Pour les joueurs aussi ce contrat ne présente finalement pas que des avantages, même s’il leur offre une garantie et une protection en cas de pépin. Notamment cocnernant la renégociation salariale, les joueurs ne pouvant plus utiliser l’argument de la prolongation de contrat comme le fait Marco Verratti tous les ans depuis son arrivée dans la capitale. « Quand vous êtes un top joueur, vous avez intérêt à avoir des contrats courts pour renégocier, alors que les clubs, eux, ont intérêt à vous donner des contrats longs, théorise Vincent Chaudel. Alors qu’avec les plus petits joueurs, c’est l’inverse. » Nouveau boss de Chelsea, Todd Boehly est aussi copropriétaire des Dodgers de Los Angeles. Une franchise de baseball qui, en 2020, a fait signer à son voltigeur Mookie Betts un contrat de… 12 ans. Des chiffres fous qui sont nettement répandus en NFL où le quarterback Patrick Mahomes a notamment signé un contrat de 10 ans avec les Chiefs de Kansas City. Le football n’en est pas encore là, mais cette pratique démontre une américanisation qui était déjà visible depuis le Covid avec la multiplication de transferts libres, comme l’évoque Vincent Chaudel : « Dans les sports américains, les joueurs vont au bout de leur contrat ou sont échangés, ce qui fait que les franchises mettent beaucoup d’argent dans les salaires et non dans les transferts. Depuis le Covid, le football glissait de plus en plus dans ce schéma avec des joueurs qui allaient au bout de leur contrat et signaient libres dans leur nouveau club. » Une pratique qui n’est pas contradictoire avec l’émergence des contrats très longue durée. Les agents de Mykhaylo Mudryk peuvent donc déjà tâter le terrain pour la free agency de 2031.
Par Steven Oliveira