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Chelsea, l’école de la cohérence
Pendant que le reste du monde se plie à une logique plus économique ou marketing que sportive, les Blues ne suivent que le bon sens de José Mourinho. Parce qu'il y a une justice, cela fonctionne à merveille.
Bien souvent, dans le monde du football, il y a des choses que l’on ne comprend pas. Cela se produit généralement lors des périodes de transfert, où l’argent est roi, surtout pour les plus riches. Exemple type : le Real Madrid, bien que milliardaire, doit toujours acheter plus et plus clinquant au nom du sacro-saint marketing. Cette année, Ancelotti a dû se séparer de Di María et Xabi Alonso, deux pivots de son système, pour faire de la place à Kroos, champion du monde, et James Rodríguez, meilleur buteur du même Mondial. Si Carlo semble s’en accommoder, et plutôt très bien, ce n’est pas son choix pour autant. N’oublions pas qu’en 2003, le départ de Makelele et l’arrivée de Beckham avaient scellé le destin des Galactiques. Zidane avait pourtant prévenu : « Pourquoi rajouter une couche de peinture dorée sur ta Bentley alors que tu es en train de perdre tout le moteur ? » Autre repère de l’exubérance, le Paris Saint-Germain a payé 50 millions d’euros pour passer d’Alex, potentiellement son défenseur le plus régulier, à David Luiz, titulaire avec le Brésil et plus cool. Une donnée dont se fout complètement José Mourinho, persuadé d’avoir réalisé une très bonne affaire : « Il n’était pas un premier choix régulier pour nous la saison dernière. Surtout pas au poste de défenseur central. Il nous a rendu quelques services au milieu. C’est un joueur physique qui nous a donné des choses importantes, notamment en Ligue des champions, quand Matić ne pouvait pas jouer. Mais Nemanja pourra jouer en C1 la saison prochaine, donc nous n’aurons plus besoin du physique de David. C’est un grand professionnel qui va nous manquer en tant que personne. Mais d’un point de vue purement footballistique, je pense que nous serons meilleurs cette saison que la saison dernière. »
José la calculatrice
José n’est pas là pour faire du sentiment. Il n’a qu’une chose en tête, gagner, et contrairement au Real précédemment, personne ne lui met de bâtons dans les roues à Chelsea. Déjà, il vend très bien : DL pour 50 millions donc, mais aussi Lukaku, son quatrième attaquant (35 millions), et Ba, son troisième (6 millions). Ou précédemment Mata, pas assez travailleur (45 millions), et De Bruyne, son cinquième ailier (22 millions). De quoi acheter les joueurs qu’il veut sans presque dépenser un kopeck. Une politique expliquée par Ray Wilkins au Daily Express : « Ce que fait José si intelligemment, c’est d’acheter des joueurs déjà confirmés – pas du potentiel. Beaucoup de clubs achètent des joueurs de 20, 21 ans. Ce sont de bons joueurs – et potentiellement de très bons joueurs. Mais Mourinho achète LE joueur, déjà prêt. » Et surtout, qui va entrer dans son système. Parce que non content d’être un petit génie des salles de marché, José maîtrise le tableau noir. Il n’a rien inventé, certes, ce qu’il ne prétend pas d’ailleurs, mais il a une vision. Un 4-2-3-1 organisé comme tel : le plus ou moins meilleur gardien du monde, une défense solidissime avec des stoppeurs dans l’axe et des mecs avec du coffre en latéraux, un 6 physique mais doué techniquement, un 8 régulateur, qui peut aussi jouer en 10 en rajoutant un marathonien derrière lui, un 10 discipliné, des ailiers rapides et une pointe travailleuse et tueuse.
José le bâtisseur
C’est bien simple, quand José voit des trous dans son mur, il colmate. Sa ligne offensive ne défend pas assez ? Il vire Mata, installe Oscar et Willian, quand ce n’est pas Ramires. Sa défense est trop exposée ? Il place David Luiz devant, puis achète Matić, qui mange Yaya Touré pour sa première titularisation. Mais le plus grand chantier est sans doute intervenu cet été. José s’est débarrassé de ses anciennes fondations (Čech, Lampard et Eto’o) pour installer de nouvelles pièces de qualité supérieure. Courtois déjà, mais surtout Fàbregas et Diego Costa. Cesc a pris la place de cerveau à tout-faire que Lampard n’avait plus les jambes d’occuper. Explication du Mou : « Pour le Barça, il était un faux 9, un 10, un ailier, mais je sais et il sait quelle est sa meilleure position. Donc il produit exactement ce dont nous avons besoin. » Après la victoire à Burnley en août, il s’était d’ailleurs enthousiasmé de la paire qu’il avait construite : « Je suis d’accord avec le fait que Cesc soit l’homme du match, puisque lui et Matić ont contrôlé le jeu et dicté l’intensité. Ils sont les deux cerveaux de l’équipe et j’en suis content parce que l’année dernière, nous ne pouvions pas contrôler le jeu comme nous l’avons fait aujourd’hui. » Résultat, Fàbregas en est aujourd’hui à sept passes décisives et un but en huit matchs de Premier League, plus deux et un en deux matchs de Champions League.
Autre problème ciblé par Mourinho, l’inefficacité du trio de buteurs Eto’o/Torres/Ba, viré au profit d’un nouveau triumvirat Costa/Rémy/Drogba. Si le Français, désormais valeur sûre de Premier League, est parfait pour être numéro 2, et DD aura à cœur d’apporter son expérience et sa hargne, l’autre Espagnol est la grande réponse. Même topo que pour son nouveau compatriote : victoire à Everton fin août, performance majuscule, compliments du chef : « Diego a eu trois chances et a marqué deux buts, l’autre étant un bon arrêt de Tim Howard. C’est un bon finisseur, mais il ne nous donne pas juste cela. Il participe à tout, même en défense. Il tacle, il récupère des balles, il la garde, et ses mouvements sont de qualité. Je me rappelle un tacle qu’il a fait presque juste devant notre surface. Il nous donne ce que nous attendions. » C’est-à-dire neuf buts en sept matchs de Premier League.
Pire, non content d’avoir une équipe type de haut niveau parfaitement huilée, Mourinho peut compter sur des remplaçants de qualité. Čech est toujours là, Zouma va grandir, Filipe Luís ne fait pas tache pour pallier la blessure d’Azpi, Obi Mikel amène encore plus de muscles au milieu, Ramires de jambes, Schürrle et Salah sont souvent décisifs, tout comme Rémy et Drogba. De quoi affronter sereinement aujourd’hui une équipe de Manchester United en pleine reconstruction anarchique, demain l’Angleterre, l’Europe, le monde. Un peu comme une partie de Football Manager qui se déroule sans accroc.
Par Charles Alf Lafon