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- WBA-Chelsea (0-1)
Chelsea, le sixième sens
Champions d’Angleterre pour la sixième fois de son histoire un an seulement après avoir perdu leur titre, les Blues ont pu compter sur un talent que personne n’avait en Premier League : celui de comprendre des choses que les autres ne voyaient pas.
O F F I C I E L. Il ne manquait que ces huit lettres pour annoncer la nouvelle et envoyer le club au septième ciel. Avec la victoire à WBA (0-1), ces huit lettres sont désormais réelles. Chelsea est champion d’Angleterre pour la sixième fois de son histoire (le cinquième en douze années), un an seulement après avoir vu Leicester lui reprendre le trophée, et, même si on le savait officieusement depuis des jours ou des semaines (voire des mois, c’est selon), les derniers points qu’il manquait pour que le trophée soit certain d’atterrir dans la vitrine font du bien aux Blues. Ils donnent de l’air, tout simplement, à une équipe qui était au bord de l’asphyxie en début de saison avant même d’être née.
Le 3-4-3 de la différence
Car ne nous méprenons pas : si le titre londonien n’apparaît pas aujourd’hui comme une surprise, il n’en reste pas moins une performance hors norme. Pourquoi ? Parce que jusqu’à octobre, le club de Roman Abramovitch n’était qu’un champ de ruines laissé en l’état par l’usant José Mourinho, puis par l’impuissant Guus Hiddink. Dixième de l’édition précédente à l’issue d’une saison catastrophique sans aucune coupe remportée, Chelsea devait se reconstruire. Refonder une famille. Réapprendre à gagner. Quitte à procéder à une mue qui pourrait prendre du temps. Pour cela, Antonio Conte et ses extraordinaires qualités de meneur d’hommes ont débarqué. Avec, dans ses valises, des outils tactiques ramenés tout droit d’Italie.
Forcément, la date à retenir restera la défaite à Arsenal, où la défense a pris l’eau de manière incroyable (3-0). Impensable, à l’époque, de considérer ce Chelsea-là comme un candidat au titre. Sauf que c’est cet échec qui a servi de déclic aux joueurs et à l’entraîneur : aux joueurs pour comprendre qu’il fallait définitivement accepter une transformation dans le jeu et dans la tête, à l’entraîneur pour imposer son 3-4-3 auquel il pensait très fort depuis son arrivée en Angleterre. Alors, le 3-4-3 qui apparaît comme une évidence actuellement (notamment pour des joueurs comme David Luiz, César Azpilicueta, N’Golo Kanté, Eden Hazard, Marcos Alonso ou Victor Moses) s’est installé. Et la greffe a immédiatement pris, les Blues ayant enchaîné treize victoires de rang. Soit la période qui leur a sûrement fait gagner le titre.
L’esprit Conte
Mais limiter ce titre de champion de Premier League au seul changement de schéma tactique serait faire offense à Conte et ses petits protégés. Ces derniers ont en effet démontré une force de caractère et une rigueur à toute épreuve, calquées sur celles de l’ère Mourinho efficiente. Pendant que le coach répétait le mot « travail » en boucle durant les conférences de presse, ses soldats ne lâchaient pas un mot plus haut que l’autre dans la presse et offraient des litres de sueur à leur mentor. Leur récompense ? Des buts (76 pions marqués, ce qui constitue pour le moment la meilleure attaque du Royaume), des succès (28, soit le meilleur bilan du pays, largement devant Tottenham et ses 23 victoires), et une réussite incroyable dans les moments chauds. Combien de filets ont tremblé après des contres favorables improbables, comme en témoignent ceux récents de Gary Cahill à Everton, d’Alonso contre Middlesbroug ou d’Adam Smith (Bournemouth) contre son camp ? Combien de ballons Thibaut Courtois aurait normalement dû aller chercher au fond de ses cages si l’efficacité avait été dans le camp d’en face, notamment à Manchester City début décembre ? La chance du champion, oui, bien davantage que celle du cocu.
Parce qu’en réalité, même si certains ont tenté d’installer le doute et de relancer le suspense quand les Spursntentaient de remonter leur retard, Chelsea savait très bien que la première place ne pouvait lui échapper s’il traçait sa route et continuait à rester sérieux. Progressivement et patiemment, le champion d’Europe 2012 a observé Manchester United, Arsenal, Liverpool, Manchester City et enfin Tottenham rendre les armes, s’avouer vaincu et mourir sans jamais savoir quelles armes utiliser pour tuer le leader. Sans même jamais vraiment en prendre conscience pour la majorité, les premiers n’ayant même pas participé à la bataille et les derniers ayant toujours envisagé la remontée possible. Conte et ses hommes, eux, avaient déjà tout vu. À croire que tout était programmé dès le départ. C’est ça, la force du sixième sens.
Par Florian Cadu