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Chelsea, ça devient gênant
Pour le Chelsea de Maurizio Sarri, tout avait pourtant bien commencé. Sauf que de fil en aiguille, la métamorphose a laissé place à la dégringolade. Si bien qu'actuellement, les Blues se font désosser à chaque fois qu'ils rencontrent un bout de viande un peu moins tendre. Mais les Londoniens ont encore le temps et les occasions de sauver leur saison en même temps que leur entraîneur. Notamment grâce à la Ligue Europa.
C’est l’histoire d’un homme à l’intelligence sûrement supérieure à la moyenne, qui souhaite exporter ses idées au-delà des frontières personnellement connues et les développer à l’extrême au cœur du secteur professionnel dans lequel il exerce. Brillant, mais pas moins têtu, l’individu en oublie malheureusement les potentiels risques qui accompagnent son obstination. Au début, tout se déroule pour le mieux. Les résultats sont là, le plan fonctionne à merveille, et l’avenir proche en devient tout excitant.
Puis très vite, la transformation vire au cauchemar. Les premières anomalies, autrefois appelées détails, prennent de plus en plus d’importance, et le propriétaire du trop gros cerveau se retrouve isolé – quasiment seul – en raison d’un bilan global qui s’approche de la catastrophe. Cette histoire, ce n’est pas celle fictive de Seth Brundle (incarné par Jeff Goldblum) dans La Mouche (film de David Cronenberg sorti en 1986), mais celle qu’est en train de subir Maurizio Sarri avec Chelsea. Et très franchement, on espère que l’aventure de l’Italien ne se termine pas comme la fin de l’acteur principal de The Fly.
Culottés et déculottées
Retour sur le départ enchanteur, donc. Quand il débarque à Londres, Sarri met la main sur un effectif qu’il souhaite (et qu’il doit ?) transformer. Non pas forcément en matière de visage au sens propre, mais de principes de jeu. Autrefois besogneux, Chelsea va devenir sexy. C’est en tout cas le vœu de son nouvel entraîneur, pour qui tout se passe bien : les Blues redécouvrent la possession de balle, sont heureux de la nouveauté (dixit Eden Hazard ou Cesc Fàbregas) et enchaînent les bonnes performances (six victoires consécutives et 18 matchs sans défaite dont quatorze succès toutes compétitions confondues pour commencer). Un mirage ? Toujours est-il que cette incroyable forme ne va pas durer.
Est-ce parce que les autres équipes n’étaient pas encore prêtes ? Peut-être en partie. Mais si les Blues s’écartent finalement du droit chemin, c’est avant tout parce que la philosophie Sarri nécessite du temps – beaucoup de temps, au regard de la gueule du Chelsea pré-Sarri – pour être pleinement intégrée et porter ses fruits sur la durée. Les Londoniens, qui n’avancent plus actuellement, en font d’ailleurs la terrible expérience depuis la nouvelle année : en 2019, les hommes du fumeur ont déjà perdu à cinq reprises (pour six victoires), se sont fait largement éliminer de FA Cup par Manchester United, ont perdu le rythme du haut de tableau et ont vu les Red Devils(quatrièmes) ou Arsenal (cinquième) leur passer devant en Premier League.
Motivation, détermination, obstination, mental, agressivité…
Pire : Chelsea subit des humiliations quand il rencontre des gros, et ne les évite pas toujours quand il croise des « petits » . Ainsi, les Blues ont récemment totalement bu la tasse à Manchester City (6-0) ou à Bournemouth (4-0) après avoir vrillé à Arsenal (2-0) et avant d’être dépassés par MU (2-0). Treize pions dans les dents sur les cinq dernières parties disputées, c’est moche. La faute à qui, à quoi ?
Sarri a d’abord expliqué cette baisse de régime par une « motivation » en berne. Il a ensuite évoqué un « problème mental » global, soi-disant fait de bois. Il a également et récemment parlé de « manque de détermination et d’agressivité » . Dans ses propos, rien de faux. Mais l’ancien technicien de Naples connaît aussi ses responsabilités. Au cœur de cette période compliquée, son entêtement tactique et l’acharnement de ses choix (N’Golo Kanté en milieu relayeur plutôt qu’en sentinelle où le coach veut à tout prix Jorginho, Gary Cahill écarté sans ménagement, défense qui prend l’eau…) n’aident pas. Résultat : son ex-prometteuse équipe galère à faire le spectacle, et à échapper aux revers.
La C3 et la bonne voie
Dès lors, faut-il déjà montrer la porte de sortie à Sarri ? Cette décision ne surprendrait pas à Chelsea, mais elle n’aurait pas beaucoup de sens : en attirant l’ennemi du pragmatisme, le club devait s’attendre à ce que la mayonnaise au goût de tabac prenne progressivement après une ou deux années de labeur. Et non pas en l’espace de quelques mois, même si la trajectoire sportive assez inédite vécue par l’entité paraît aussi énigmatique qu’effrayante.
Reste que pour cet exercice 2018-2019, tout n’est pas encore perdu. En championnat, la zone C1 n’est qu’à un point. En League Cup, les Blues auront droit ce dimanche à une revanche face aux Sky Blues avec le trophée à la clé. Et en Ligue Europa, surtout, le vainqueur de la C3 2013 pourrait se faire pardonner en allant au bout (ce qui lui donnerait en plus un accès direct à la Ligue des champions). Le seizième de finale aller à Malmö ayant été empoché (2-1), la voie commence à se tracer. Et il serait de bon augure de continuer à la dessiner. Car dans le cas contraire, Sarri devra imiter Seth Brundle et s’envoler.
Par Florian Cadu