- Angleterre
- Premier League
- 7e journée
- Chelsea/Arsenal
Chelsea à l’encre de Cesc
Ce dimanche (15h05), les Blues reçoivent Arsenal pour les retrouvailles entre leur nouveau maître à jouer, Cesc Fàbregas, et son ancienne équipe. L'occasion de comprendre pourquoi, pour son retour à Londres, l'Espagnol a choisi le Sud plutôt que le Nord.
C’est une règle de vie : mieux vaut faire envie que pitié. Alors quand il est invité à commenter les retrouvailles d’Arsenal avec son ancien fils prodigue, Arsène Wenger ne peut s’empêcher de laisser entendre que le fait que Cesc Fàbregas ne soit pas revenu chez les Gunners était avant tout une décision du club du Nord de Londres. « Après son départ, nous avons acheté Özil pour avoir un joueur offensif. Nous avons aussi Cazorla, Wilshere, Ramsey, Oxlade-Chamberlain, qui sont tous des joueurs offensifs. Nous n’en avions pas besoin d’autres. C’est donc compréhensible si vous regardez l’équilibre de l’équipe. Je pense que c’est une décision facile à comprendre. » La bonne blague ! D’ailleurs, pas à une contradiction près, Wenger conclut : « Il a pris une décision et il fallait l’accepter. » Nous sommes donc bien d’accord, c’est bien l’Espagnol qui a choisi son nouveau point de chute en Angleterre. La vérité, c’est que ce brave Fàbregas a bien capté que c’était à Chelsea que ça allait se passer cette saison, n’en déplaise à son ancienne paroisse. C’est que le bougre a le sens du timing. Dans certains choix de carrière comme dans son jeu.
Au Barça, utile sans être indispensable
Chez les Blues, Cesc Fàbregas a aussitôt ressuscité l’idée qu’il était un passeur hors pair, avec six passes décisives en autant de rencontres de championnat. Bizarre, puisque le bonhomme avait quand même dispensé trente-deux offrandes en Liga en seulement trois saisons sur les Ramblas. Phénoménal ! Pourtant, qui peut croire que Cesc aura laissé une trace indélébile à Barcelone ? Il y aura eu, tout au long de son mandat blaugrana, une manière de décalage entre le rendement statistique incontestable du Catalan et son influence plus relative sur le destin des siens. Utile sans être indispensable, d’une certaine façon. Car dans l’entrejeu référence de la planète football, Fàbregas aura toujours évolué un ton en dessous des indéboulonnables Xavi-Busquets-Iniesta. Au point parfois de devoir muter, comme en sélection, en faux neuf et demi pour faire briller le boulimique Messi, sorte de shadow striker tirant vers le shadow tout court. Oui, Fàbregas aura laissé une empreinte bizarre au Barça, avec son statut un peu hybride, au regard de son transfert retentissant en 2011 : trop fort pour être remplaçant, pas assez pour être un titulaire incontestable. Frustrant pour celui qui avait exaucé son vœu le plus cher en rejoignant sa véritable casa. « Quand j’ai quitté Arsenal, je pensais que j’allais rester au Barça pour toujours, que jamais je ne quitterais le club » a avoué Cesc, lors d’un entretien dans le Sun. « Mais les choses ont changé et l’été dernier, j’ai appelé le club pour lui dire que je souhaitais partir. […] Dans le football, les choses changent. J’ai quitté Arsenal pour une raison et je n’y suis pas retourné pour une autre. Je rêvais de jouer pour le club de ma ville, le Barça. J’espère que les gens comprendront. […] La meilleure option pour moi était ensuite de retourner en Angleterre. Il s’agit du meilleur championnat au monde. » Et peut-être surtout le championnat parfait pour son talent bien particulier.
Avec Mourinho, la rencontre parfaite
Car le relatif goût d’inachevé du passage du natif d’Arenys De Mar chez les siens renvoie à une culture. L’enfant de la Masia a fini son éducation au jeu plus viril et plus direct d’Albion quand, à tout juste seize piges, il atterrit à Arsenal. Et à Colney, les tacles de Martin Keown et Kolo Touré vous font vite passer le goût de la conservation de balle, celle qui fait l’ADN barcelonais censé couler dans ses veines. Le rythme et la façon de défendre très à plat en Angleterre achèvent de développer son sens de la passe définitive plus que de la passe de possession, même si le crachin britannique ne fait pas totalement fondre sa capacité à combiner. Résultat, quand Cesc revient au Barça, il fait apprécier sa passe en profondeur, mais peine un peu plus dans l’animation à rallonge de ses frangins. Alors fatalement, quand José Mourinho fait appel à lui, c’est la rencontre parfaite. Le mentor portugais capte que son équipe, trop prévisible, pas assez inventive dans la création de l’espace face à des blocs regroupés, va enfin avoir son playmaker capable de trouver l’infernal Diego Costa (non non Stéphane Guy, ça ne marche pas qu’avec Wayne Rooney), alors que le milieu de vingt-sept printemps sait bien qu’il va pouvoir faire profiter son sens du caviar vertical davantage qu’au Barça et, pas con, tant qu’à servir un buteur, autant que ce soit Costa ou Drogba plutôt que Giroud et Welbeck, hein. « Je ne pourrais pas être plus heureux avec Cesc, confirme d’ailleurs The Special One. C’est notre joueur et il a été phénoménal à chaque match, sans exception. » Tu m’étonnes. Et fatalement, à l’aube des retrouvailles de l’Espagnol avec Arsenal, on a déjà une bonne idée sur celui qui manquera le plus à l’autre cette saison. À commencer peut-être dès ce dimanche à Stamford Bridge…
Dave Appadoo