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Cheikh Salman, les mains sales ?
Depuis que Michel Platini est hors course, le cheikh Salman fait office de favori pour succéder à Sepp Blatter à la tête de la FIFA. À moins qu'il ne soit rattrapé par quelques affaires louches, notamment son implication dans la répression du mouvement populaire à Bahreïn en 2011, que deux ONG veulent lui faire payer.
Depuis que la liste des candidats a été officialisée et la défection de Michel Platini confirmée, Cheikh Salman Ben Ibrahim al-Khalifa est présenté comme le favori pour succéder à Sepp Blatter. Homme d’affaires bahreïni, membre de la famille royale, il a quasiment tout pour lui : l’expérience – il est le seul candidat président de confédération, a dirigé la Fédération de Bahreïn une décennie – le réseau, ainsi que le soutien de la Confédération africaine. Cette dernière a précisé le 5 février qu’elle « donnerait son soutien entier à la candidature de Cheikh Salman » , à l’issue de son comité exécutif. Avec l’Asie et l’Afrique dans la poche, il ne lui reste plus qu’à amadouer l’Europe, et pour cela, il a abattu la carte Richard Scudamore, patron de la Premier League, comme potentiel secrétaire général de la boutique. Mais le solide dossier du cheikh pourrait être démonté par les casseroles que ce dernier a aux fesses. Deux ONG, Bahrain Institute for Rights and Democracy (BIRD) et Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain (ADHRB) ont décidé de faire tomber le boss du football asiatique avant qu’il ne devienne celui du football mondial. La raison de leur courroux concerne les droits de l’homme et remonte à 2011, pendant le printemps arabe.
« Cheikh Salman a violé les règlements de la FIFA »
En février 2011, alors que le peuple de Bahreïn sort dans la rue et réclame la démocratie, le régime met sur place un comité d’enquête pour identifier les sportifs qui contestent son leadership. Pour le diriger, le fils du roi, le prince Nasser, opte pour le président de la Fédération de football, Salman. « En tant que dirigeant d’une association affiliée à la FIFA, Cheikh Salman se devait de protéger ses adhérents, et donc les footballeurs bahreïnis. Or, les différentes sources médiatiques, y compris l’agence de presse nationale de Bahreïn, indiquent qu’il a fait le contraire » , explique Kate Kizer, membre d’ADHRB. Au total, 150 athlètes, hommes et femmes, sont identifiés, emprisonnés et torturés, parmi lesquels le meilleur footballeur du pays A’ala Hubail et son frère Mohammed. BIRD et ADHRB ont saisi le comité d’éthique de la FIFA. « On a présenté tous les faits, tous les articles de presse, même de l’agence de presse du gouvernement » précise Sayed Alwadaei, directeur « Plaidoirie » pour BIRD, mais l’instance qui a infligé huit ans à Michel Platini et Sepp Blatter s’est dite « incompétente » dans le cas de Cheikh Salman. « Ce qui est faux » selon Kate Kizer, qui précise « avoir pointé les éléments concrets sur lesquels Cheikh Salman a violé les règlements de la FIFA » .
« Vu que la FIFA ne réagit pas, on a saisi l’OCDE »
Vendredi, le Bahreïni pourrait devenir le grand patron du foot mondial, ce qui « serait un suicide » selon Alwadaei, « un aveu de non-respect de ses propres valeurs par la FIFA » , selon Kizer. Cette dernière n’a pas encore lâché l’affaire. « Vu que la FIFA ne réagit pas, on a saisi l’OCDE car, en tant que multinationale, elle doit se plier à ses réglementations. » Si elle précise espérer une action rapide, elle imagine aussi un résultat d’élection annulé si Cheikh Salman venait à l’emporter. « Les délais sont longs, mais je ne pense pas qu’ils hésiteront à agir après coup » , dit-elle avec espoir. A’ala Hubail, de son côté, s’est visiblement résigné. Alors qu’il avait témoigné en 2011 sur ESPN, et clairement évoqué une situation de torture physique, il a récemment affiché son soutien à l’égard de Cheikh Salman. Sayed Alwadaei y voit « une technique simple, utiliser la victime pour blanchir son image » , mais ne peut s’empêcher de trouver la stratégie de déni de Salman « bizarre » . « L’agence de presse du gouvernement en a parlé, le vice-président de la Fédération avait justifié la répression sur CNN, alors à quoi bon ? »
Son programme
Il propose de dissocier la FIFA en deux entités, l’une concentrée sur le sport, l’organisation des compétitions, l’autre sur l’aspect du financement, la recherche de sponsors, la vente des droits télé… Pour donner du poids à sa candidature vis-à-vis des financiers, il a donc proposé Richard Scudamore, boss de la Premier League, comme secrétaire général, comme pour indiquer qu’il veut généraliser le modèle anglais. À part ça, quelques mesures cosmétiques, comme augmenter le nombre de participants à la Coupe du monde – quel bordel cela va devenir – ou d’être un président non exécutif, c’est-à-dire plus un ambassadeur qu’autre chose. Il veut un job fictif quoi…
Ce qu’il pourrait aimer à Zürich
Visiblement, il n’a pas vu de cas de torture durant le printemps arabe, et les sportifs qu’il a identifiés n’ont fait que participer à un stage de team building. Peut-être parce que pour lui, un coup de fouet est synonyme de plaisir ? Si tel est le cas, monsieur Salman se plaira comme un pacha à l’Andana Bizarr, l’un des clubs sado-maso de la charmante ville suisse. Pour s’y rendre, chercher le 10 Staffelstrasse. Qui c’est qui a mérité une petite fessée ?
Ses chances de réussir
Coefficient de pragmatisme africano-asiatique + sang royal bahreïni / implication dans des affaires de corruption + soutien à la candidature du Qatar x racine carré d’animosité droit-de-l’hommiste = 90% de chance d’imiter Blatter, version 2015
La chanson
Par Nicolas Jucha