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Cheikh en bois à Málaga ?

Par Pablo Garcia-Fons
Cheikh en bois à Málaga ?

"Un ange est descendu du ciel pour nous aider", jubilait José Carlos Perez, dirigeant historique du Málaga C.F à propos de l'arrivée du cheikh Al Thani à la tête du club. Pourtant, deux ans plus tard, l'ange est devenu démon et le ciel azur s'est rempli de gros nuages noirs : salaires non-payés, arriérés non-remboursés et mise en vente du club. Et si le Cheikh les avait tous roulés ?

Depuis le mois de mai 2010, les footeux de la Costa del Sol vivaient un rêve éveillé. Abdullah ben Nasser Al Thani, fortune colossale du Qatar et cousin éloigné du propriétaire du Paris Saint-Germain Tamim ben Hamad Al Thani, décidait de racheter à Fernando Sanz le Málaga C.F, qui végétait alors dans les dernières places de la Liga depuis des années, pour en faire le nouvel eldorado du ballon espagnol. Dettes épongées, installations modernisées, projets pharaoniques lancés, tout était mis en œuvre pour que les « Malagueños » viennent concurrencer « le Real et le Barça d’ici quelques années« . Le club se paye même le luxe de coller le blaze de l’Unesco sur son maillot.

Sûre de la fortune du nouveau patron — le nabab s’est quand même fait construire un hippodrome au beau milieu du désert —, l’équipe technique emmenée par Manuel Pellegrini entame un recrutement cinq étoiles. Des joueurs comme Demichelis, Toulalan, Joaquín, Van Nistelrooy ou encore Cazorla, choisissent d’aller bronzer et taper dans la balle du côté de Málaga City. La première année est prometteuse avec une 11e place au classement, la deuxième est victorieuse puisque le club attrape au vol la 4e position et se qualifie pour la première fois de son histoire pour le tour préliminaire de la Ligue des Champions. Jusque-là, l’idylle semble sans accroc. Sauf qu’en fait, derrière la belle réussite des ouailles de Pellegrini, la crise couve.

Pas chic le Cheikh

Premier élément troublant, le 28 mai dernier, Fernando Hierro, directeur sportif du club depuis quelques mois à peine, démissionne. La raison officielle : « Hierro ne se sent pas à l’aise dans ses nouvelles fonctions« . La raison officieuse : le budget de travail de l’ancienne muraille madrilène s’est brusquement évaporé. Pire, la presse sportive espagnole révèle que les joueurs ne sont plus payés depuis plusieurs mois. Pas vraiment ravi par ces anicroches faites à sa réputation de roi du pétrole, Abdullah Al Thani fait taire, à sa manière, ceux qui doutent de sa fortune en publiant sur Twitter une photo de son plus bel étalon accompagné du commentaire : « Mon dernier cheval coûte plus cher que Cristiano Ronaldo« . Très fin. S’il a suffisamment d’argent pour s’acheter les plus beaux canassons du Moyen-Orient, le cheikh ne daigne pourtant toujours pas payer le salaire de ses footballeurs.

Exaspérés par la situation, le 18 juillet, quatre garçons, dont van Nistelrooy et Cazorla, décident de porter plainte devant le syndicat des joueurs, avant finalement de se rétracter. La direction du club assure que l’affaire n’est « qu’un vaste quiproquo » et affirme que les choses sont sur le point de rentrer dans l’ordre. Les employés du club ne sont néanmoins pas les seuls à se plaindre des retards de paiement du propriétaire de NAS Group. Villarreal, Osasuna et Hambourg balancent que Málaga n’honore plus les mensualités prévues sur les transferts de Cazorla, Montreal et de Mathijsen. Une situation qui commence à faire sérieusement tache, d’autant qu’Al Thani et son fidèle bras droit Abdullah Ghubn, chargé des affaires courantes du club depuis la mort de José Carlos Perez en février, ne mettent plus les pieds en Andalousie depuis des semaines. Un affreux doute saisit alors le pays. Et si le Cheikh avait tout simplement décidé de retirer ses billes et de mettre les voiles ?

Un investissement comme un autre

Le doute ne met que peu de temps à se transformer en certitude. Les rumeurs faisant état de la volonté du magnat qatari de vendre le club s’amplifient. Il y a quelques jours, la presse espagnole annonçait qu’Al Thani était sur le point de vendre son joujou à un sombre homme d’affaires albanais, Rezart Taçi. Un garçon louche à souhait, président de la Fédération albanaise d’échecs et principal dirigeant du groupe énergétique Taçi Oil. Le natif de Tirana avait déjà tenté sa chance dans le ballon rond en lançant sans succès des OPA inamicales sur Bologne et sur le Milan AC et en offrant 2,5 millions d’euros au Real Madrid en 2010 pour que les Merengues viennent disputer un match amical chez lui, contre son équipe chérie, le Gramozi Erseke. Si la vente a pour le moment été démentie par le cabinet d’avocat du principal intéressé, l’absence de réaction de la part du clan Al Thani confirme sa volonté de se débarrasser du club. En attendant, les meilleurs « Malagueños » se barrent. Cazorla rejoint Arsenal, Toulalan, Isco et même le coach Pellegrini pourraient également quitter la baraque, histoire de combler le vide abyssal des caisses. Ça commence sérieusement à sentir la fin des beaux jours.

Reste à savoir pourquoi le cheikh, arrivé en grande pompe comme ses potes de Manchester City et du Paris Saint-Germain, décide du jour au lendemain d’abandonner le club qu’il avait décidé de redresser. Étant donné la fortune de l’intéressé, la piste de la faillite personnelle est à écarter. Reste donc celle de la filouterie. Al Thani, de son propre aveu, ne s’intéresserait que très moyennement au football. Il préfère les chevaux. Les fois où il a mis les pieds au stade de la Rosaleda se comptent d’ailleurs sur les doigts d’une main. Son rachat du Málaga C.F n’avait rien d’un acte philanthropique. Son projet initial était de se servir du club comme d’une façade médiatique pour investir massivement dans la région et en particulier à Marbella, la station balnéaire huppée et jet set de la Costa Del Sol. En arrivant en Andalousie, le milliardaire avait en effet aussi lancé un projet pharaonique de modernisation et d’agrandissement du port de « La Perle ». Un business se chiffrant en centaines de millions de dollars. Au passage, NAS, son entreprise, avait obtenu la concession du nouveau port pour 40 ans. Le hic, c’est que les travaux n’ont pas commencé non plus de ce côté-là. La crise s’aggravant en Andalousie, l’opération devient de moins en moins rentable et semble avoir dégoûté le Cheikh qui aurait donc décidé d’aller placer son immense pécule ailleurs. Tant pis pour Marbella, tant pis surtout pour le football à Málaga et pour le projet de Manuel Pellegrini. Eh oui, les Cheikhs n’ont pas tous le cœur sur la main et la main sur le portefeuille. S’il fallait s’en convaincre, le football ne représente parfois qu’un investissement comme un autre. Voire, sans doute pour certains, le cadet de leurs soucis. De l’art d’arriver comme un mage, pour partir comme un mirage.

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