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Chaumont FC, seize ans de D2 balayés par le volley

Par Adrien Hémard
Chaumont FC, seize ans de D2 balayés par le volley

Traversée ce jeudi par le Tour, la ville de Chaumont respire le sport. Un club de foot longtemps en Ligue 2, une équipe de volley championne de France et une judoka championne olympique représentent dignement la préfecture de Haute-Marne. Ou plutôt représentait pour l’Entente Chaumont Athlétic Cheminot, devenue Chaumont FC. Solide équipe de Ligue 2 jusqu'en 1991, le CFC bataille aujourd’hui en DH après une liquidation judiciaire. Quand la diagonale du vide frappe aussi le foot.

L’histoire du foot à Chaumont, c’est aussi celle du football rural hexagonal. Fondé en 1957 par Marcel Baron, l’Entente Chaumont Athlétic Cheminots a tout connu : les épopées en Coupe de France, la Division 2, les ambitions nationales… avant de s’écrouler en 1991 et de perdre toute illusion de retour au premier plan. Difficile pour une ville de 26 000 âmes de prétendre à la D2, malgré un passé flatteur. Coincé dans la diagonale du vide, à la fois proche et loin de tout, Chaumont est l’exemple parfait de la petite ville en déclin. « Ici, la vie est trop rurale pour attirer des joueurs. Il ne se passe pas grand-chose et économiquement c’est faible, donc pour attirer des joueurs de DH/CFA2, il faut leur trouver un travail et un logement en plus de leur donner un salaire. C’est impossible, explique Yves Teinturier, journaliste local. Dans ces conditions, difficile donc d’exister pour le Chaumont FC. Surtout face au club de volley, champion de France en titre. Et pourtant, fut une époque où la ville vivait football.Le club de volley n’existait pas, donc l’ECAC et le foot, c’était la discipline phare de la ville. On ne parlait que de foot toute la semaine. Les gens venaient à pied au match, en passant par le viaduc, parce qu’il y avait tellement de monde que les voitures se garaient à l’autre bout de Chaumont. Les Chaumontais étaient à fond derrière le club, toute la ville venait. » Bon, l’autre bout de Chaumont est à cinq kilomètres, mais quand même.

Statut pro, voie ferrée et liquidation judiciaire

En 1966, l’ECAC décroche le statut professionnel, qu’elle conservera jusqu’en 1991. Le temps pour les Hauts-Marnais de prendre part à seize saisons de deuxième division, entrecoupées de quelques passages en D3. « L’ECAC a bien tourné pendant la période D2, y a eu de bons résultats, notamment deux huitièmes de finale de Coupe de France en 1967 et 1986. En 1971, Chaumont a même été vice champion du groupe A de D2, mais c’était seulement le premier qui montait. Mais les grands moments restent les réceptions des grands Bordeaux et Saint-Étienne en coupe, dans le petit stade qui était blindé de chez blindé, témoigne Yves Teinturier. Les plus grosses affluences, c’étaient les derbys contre Saint-Dizier en deuxième division, et les réceptions des grandes équipes de D1. Ces jours-là, on était sur du 6000 ou 6500 personnes. » Une époque dorée sans pour autant que Chaumont ne parvienne à briller sur la scène nationale. Il n’y a qu’à jeter un coup d’œil à la liste de joueurs majeurs de l’histoire du club pour s’en rendre compte : Pierre Flamion, Moussa Bezaz, Guy Nungesser, ou encore Stéphane Mazzolini. Rien de bien spectaculaire, mais suffisant pour faire de Chaumont un bastion de seconde division. Rosario Giannetta, attaquant de l’ECAC en 1990-1991, raconte : « C’était un petit club, mais on était difficilement prenables à domicile, parce que c’était un petit stade et la voix ferrée le long des tribunes. En plus, il y avait un bon kop de supporters, ça faisait du bruit ! Ça semble irréel aujourd’hui, mais à l’époque, Chaumont, c’était chaud. Avec le train juste derrière le but, à quoi, dix mètres, ça faisait un gros bordel, et le viaduc pas loin non plus : le stade était vachement atypique. C’est peut-être pour ça qu’on perdait peu à domicile. » Jusqu’à ce que le club déraille.

À l’époque, Giannetta et ses coéquipiers s’éclatent en D2 : « La saison 1990-1991 s’est super bien passée. On a vite assuré notre maintien et fait de bonnes performances. Le recrutement avait été intéressant, on s’était fait prêter un Allemand qui venait de Wolfsburg, c’était un attaquant, mais j’ai oublié son nom(Joachim Keller, ndlr). On était plusieurs à venir du Stade de Reims. L’équipe tenait vraiment la route. » L’ECAC termine tranquillement douzième, s’offre même le luxe de taper Strasbourg 3-0, et de tenir tête à Nîmes, les deux poids lourds du championnat. En somme, tout roule sur le plan sportif. À tel point que le maire de l’époque, Cyril de Rouvre, va voir grand pour le club. Le début des emmerdes. « Le maire aimait le foot et investissait aussi ses fonds personnels. Il a vu un peu trop grand, et ces dépenses ont mis le club dos au mur. Chacun a sa part de responsabilité dans cette liquidation » , explique Teinturier. Une responsabilité confirmée par Giannetta : « Le club avait vu un peu trop haut je pense, il y a eu une mauvaise gestion. Quand je suis arrivé, tout allait bien, et en fin de saison, on a déposé le bilan. Ce n’était absolument pas prévu, enfin pas imaginable en début de saison. Nous joueurs, on l’a appris en avril, lorsque les salaires n’étaient plus versés. » En pleine forme sportivement, c’est donc économiquement que Chaumont se casse la gueule. « Jusqu’en avril, tout allait bien, après c’est allé très vite. Les salaires n’étaient plus versés, le club a déposé le bilan et il a fallu partir. » À la fin de la saison 1990-1991, l’ECAC est donc placée en liquidation judiciaire et devient le Chaumont FC. Plus qu’un coup dur, un arrêt de mort. Investir dans le foot fait désormais peur à la mairie, qui se tourne vers le volley.

La formation comme résurrection

Créé en 1996, le Chaumont Volley 52 vole très vite la vedette au foot aux yeux de la mairie. « La ville a été réticente pour investir après la liquidation judiciaire, c’est le club de volley qui a pris le relais. En même temps, c’est beaucoup plus abordable d’y investir que dans le foot. C’est pour ça que le CFC a été relégué au second plan. Et puis le club de volley est champion de France, donc c’est impossible de lutter pour le foot. En plus, les derniers investissements faits en CFA2 n’avaient pas porté leurs fruits, les joueurs recrutés n’avaient pas empêché la descente en DH donc depuis, c’est fini » , expose Teinturier. Finalement, l’essor du volley a condamné le foot à l’amateurisme. Depuis 1991, le Chaumont FC navigue à vue entre CFA2 et DH, sans pouvoir viser mieux. Julien Perosa, au CFC depuis dix-huit ans, confirme : « La mairie ne nous soutient plus trop financièrement, alors que les Chaumontais aiment leur club et nous soutiennent. On les entend souvent parler des années dorées en tribunes. Bon, c’est les plus anciens qui en parlent, mais tout le monde aimerait revoir le CFC en D2, même si c’est impossible vu nos moyens. Depuis que Luc Chatel n’est plus ministre et maire de la ville, on a perdu pas mal de budget quand même. À l’époque, son enveloppe parlementaire nous finançait un peu(rires). Il y a cinq ans, on était à plus de 200 000 euros de budget, maintenant on est descendus sous les 170 000. » Pas suffisant pour renouer avec un passé glorieux.

Mais un club de DH dans un stade de 5 000 places reste une anomalie. Après quelques passages en CFA2 dans les années 2000, le CFC a donc revu sa stratégie. Place aux jeunes. Si le club ne peut plus prétendre à mieux que le cinquième échelon français, il entend devenir une référence dans la formation sous l’impulsion du président Jean-Pierre Delamare. « Aujourd’hui, la priorité, c’est de former les jeunes, de les faire progresser pour qu’ils portent ensuite notre équipe première. Nos équipes de jeunes cartonnent avec 350 licenciés, à peu près 40/50 par catégorie. Les U15 DH ont gagné la Champagne’s League(coupe régionale, ndlr) devant le Stade de Reims, et fini deuxièmes de DH derrière les Rémois. Les U15 B remontent en PH. Les U17 retrouvent la DH » , fanfaronne Julien Perosa, joueur-éducateur. Des performances qui ont attiré l’œil du voisin troyen, qui donne l’opportunité aux joueurs de Chaumont les plus talentueux de venir effectuer des essais.

Bernadette Chirac, synthétique et Laurent Blanc

Une réussite que le CFC doit aussi à ses infrastructures. L’air de rien, son vieux stade fermé à l’anglaise attire et intimide toujours les adversaires. « Ça reste un stade amateur vétuste, mais ça fait une vraie enceinte de compétition qui change de celles avec les simples mains courantes. Perso, ça me fait toujours plaisir de retrouver le tunnel et de rentrer sur la pelouse » , valide Julien Perosa. À mi-chemin entre le coupe-gorge et la promenade bucolique, le déplacement à Chaumont demande un certaine dose de patience, puisque la ville est située au fin fond de la Champagne-Ardenne, à plus de deux heures de Reims et trois de Sedan. « Souvent, on se tape des trajets de 6 heures aller-retour pour aller dans la Marne et les Ardennes, alors que Nancy, c’est 1h30 de route et Dijon 1h, mais bon, avec la nouvelle région, ça va changer. » Au moins un comblé par la réforme territoriale. Mais le CFC peut aussi compter sur son terrain synthétique Pierre-Flamion, l’un des seuls du département. Un cadeau de Luc Chatel, ancien maire et surtout ministre sous Sarkozy. « Il a beaucoup aidé le club, il a financé le terrain synthétique, inauguré en grande pompe le 12 octobre 2011. Le Variétés Club de France est venu pour l’occasion avec Blanc, Barthez, etc. Des tribunes ont été montées et tout. Même Bernadette Chirac était là ! Au-delà de ça, c’est vraiment un plus pour le club et la ville, parce qu’il y a peu de synthétiques en Haute-Marne » , calcule Teinturier. De son côté, le vieux stade Georges-Dodin a perdu son éclairage, qui menaçait de s’écrouler. Mais la cabine TV est toujours là. Au cas où.

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