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Château Toulalan, cuvée 2018
Après une fin d'année 2017 passée en défense centrale, Jérémy Toulalan démarre son nouveau millésime au milieu, son poste préféré, pour rendre son Bordeaux plus goûtu et mieux charpenté.
Il paraît que les statistiques ne disent pas tout. Certes, mais même si elles n’interdisent pas forcément la contradiction, elles peuvent au moins permettre d’étayer un propos. Pour Jérémy Toulalan, elles parlent en sa faveur depuis samedi et la victoire à Troyes sur le plus petit des scores (premier succès bordelais en sept matchs après six défaites consécutives, deuxième en quinze). Et puisque le bonhomme n’a jamais eu le droit d’être considéré comme sexy, offrons-lui au moins ces quelques chiffres séduisants. Aux côtés de Soualiho Meïté et Lukas Lerager, la Toul’ a ainsi touché la sphère à 61 reprises – personne n’a fait mieux au sein de sa bande –, essayé et réussi quatre dribbles – idem –, taclé utilement quatre fois – idem – et remporté quatre duels aériens – seul Gaëtan Laborde présente un plus gros score. Bref, un bilan d’homme du match qu’il n’avait pas présenté depuis fort longtemps. Pourquoi ? Sans doute parce qu’il jouait arrière central avant que 2018 ne pointe le bout de son nez.
Un Baysse pour monter
Avant les (bonnes ?) résolutions de Jocelyn Gourvennec, donc. Devant les résultats catastrophiques des derniers mois, ce dernier a tranché : Toulalan doit récupérer sa place devant la défense. Parce qu’il ne donnait pas satisfaction lorsqu’il était plus reculé ? Absolument pas, l’ancien Lyonnais étant l’un des rares Girondins à ne pas sombrer. « Il est capable de jouer aussi bien derrière que dans l’entrejeu. Chez les jeunes, il avait démarré en défense centrale, puis en dix… Il jouait un peu partout, Jérémy, rassure d’ailleurs Serge Le Dizet, entraîneur adjoint du SCO d’Angers et l’un des formateurs du protagoniste à Nantes.En fait, son rôle dépend davantage des besoins de Jocelyn. Lequel, je pense, ne disposait peut-être pas d’éléments assez expérimentés ou efficaces en défense jusque-là. S’il le remet au milieu aujourd’hui, c’est sans doute qu’il a récupéré un bon arrière central. » Dont le nom n’est un secret pour personne : Paul Baysse, évidemment. Recruté un million d’euros à Málaga, le renfort remplace finalement Nicolas Pallois, dont le départ à Nantes cet été n’avait pas été compensé, et permet à son nouveau partenaire d’avancer d’un cran.
Le second souffle
Pas une mauvaise idée, en apparence. « Depuis Nantes, par son abattage et sa faculté incroyable à récupérer les ballons, je l’ai toujours trouvé très impressionnant, admire Nicolas Gillet, son partenaire chez les Canaris au début des années 2000.On ne s’en rend pas compte parfois, car on a tendance à ne juger les footballeurs que sur leurs qualités avec le ballon. Lui, c’est un bon joueur avec le ballon, et tout simplement un joueur exceptionnel sans le ballon. Il se place toujours parfaitement, ce qui lui permet de ratisser un nombre incalculable de balles. Chose qu’on ne voit pas forcément. Sauf quand on est derrière lui. Et tout ça, c’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas. Il l’a en lui. » D’accord, mais peut-on pédaler aussi vite quand les jambes pèsent dix printemps de plus ? Le risque de placer Toulalan dans le cœur du terrain reste en effet de fatiguer plus que de raison un joueur clé pour Gourvennec, mais qui va désormais devoir s’habituer à tirer la langue pour arracher un second souffle. D’où la question : s’il parvient à huiler la mécanique girondine, est-ce que le garçon pourra le faire durant 90 minutes chaque semaine ? « L’âge arrivant, on perd forcément un peu… Quoique, lui, il a toujours eu cette capacité à parcourir énormément de terrain. Il a tellement d’expérience, un tel vécu qu’il va réussir à se réadapter. Ça peut clairement rééquilibrer Bordeaux, se persuade Gillet. Je n’ai aucun doute sur ses aptitudes, même s’il a passé la trentaine. »
Mûri au soleil
Le Dizet, de son côté, ne s’interroge pas là-dessus. Pour lui, Toulalan demeure avant tout un soldat que son coach alignera n’importe où pour son état d’esprit et son influence : « Au-delà du joueur, Joce’ a besoin de l’homme. Cette équipe girondine n’était certainement pas préparée à ce genre de période, donc avoir un garçon expérimenté comme Jérémy sur le terrain, c’est l’important. Que ce soit derrière ou au milieu. Car Jérémy a toujours été un leader par son volume de jeu. Il emmène tout le monde, c’est un rouleau compresseur, il court énormément. Et puis, il a changé niveau légitimité. Avant, il ne parlait pas beaucoup alors qu’aujourd’hui, je le vois haranguer ses partenaires. » Autant de raisons qui justifient le brassard enroulé autour du biceps de l’ex-Monégasque, les apparitions de l’habituel capitaine Jaroslav Plašil se faisant de plus en plus rares. Mais le bras droit de Stéphane Moulin le concède, « son meilleur poste reste au milieu, où il est toujours capable de casser les offensives adverses et où il a fait sa carrière, notamment internationale » . « Le foot est un sport collectif, et certains joueurs sont essentiels pour stabiliser et homogénéiser l’ensemble des domaines défensifs et offensifs. Il n’y en a pas beaucoup en France, et Jérémie en fait partie. Cela va être intéressant d’observer les Girondins avec lui devant la défense » , conclut Gillet. Un bon verre de bordeaux à la main.
Par Florian Cadu
Propos recueillis par FC