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Charming Galles

Par Raphael Gaftarnik et Mathias Edwards, à Bordeaux
5 minutes
Charming Galles

Des milliers de fans, un succès historique, et une ville qui aura vibré rouge pendant 3 jours : si Dimitri Payet a déjà gagné le jeu de l'émotion, les Gallois prétendent sans peine à la victoire pour le titre de meilleurs supporters.

Il n’y a pas un bar qu’il n’ont pas vidé. Pas un arbre sur lequel ils n’ont pas pissé. Pas une fille qu’ils n’ont pas draguée. Leurs chants résonnent partout, et empêchent le bourgeois de dormir. Taxis et Uber sont monopolisés, les capots assiégés par ces postérieurs informes. Les Gallois sont moches, les Gallois sont bourrés. Sauf qu’à Bordeaux, personne ne s’en plaindra. Car au bout de trois jours d’invasion, le constat est clair : les Gallois prétendent sans aucun doute au titre de meilleurs supporters de l’Euro.

Je pleurerai sans doute

Dans le train qui arrivera à 15h42 gare Saint-Jean la veille du match, ils occupent d’ailleurs les 3/4 des wagons.

On compte bien rester en France jusqu’à l’élimination de notre équipe, c’est-à-dire le plus tard possible.

Voiture 4, les bières se descendent par dizaines, et le fût installé dans l’espace à bagages ne tarde pas à rendre l’âme. Ça parle fort, ça rigole, mais ça ne chante pas encore. « Parce qu’on n’est pas des putains d’Anglais. » Micky, chef de bande de 45 ans, détaille : « On vient de Pothmadog, dans le nord du pays de Galles. Et on compte bien rester en France jusqu’à l’élimination de notre équipe, c’est-à-dire le plus tard possible. Et on est assez confiants quant à nos chances de passer le premier tour. Je suis déjà venu à Bordeaux une fois, pour voir Chelsea contre les Girondins. C’est une très belle ville, je suis bien content d’y retourner. » .

Kevin, lui, est arrivé le jour du match. Bob coloré vissé sur la tête, mâchoire épurée de toute canine, il a suivi l’équipe durant toute la campagne de qualification victorieuse. Et n’en revient toujours pas :

Quand l’hymne retentira, je pleurerai sans doute, encore une fois.

« Je pense que tout le monde voit comment nous sommes à Bordeaux. On est là pour chanter, pour profiter du moment. C’est juste de la folie, je pense que personne ne se rend compte qu’on a la chance de vivre ça. Et quand l’hymne retentira, je pleurerai sans doute, encore une fois. » À quelques heures du coup d’envoi, le moment n’est pourtant pas à l’émotion. Sur les terrasses, dans les restos, les rues, tout est rouge. Les maillots, les joues, les drapeaux. En même temps, 30 à 40 000 supporters présents selon les sources, ça pèse un peu dans une ville qui compte en temps normal 250 000 âmes. L’envahissement est total. Au point qu’il est difficile d’apercevoir un fan slovaque au coin des rues. Lorsque cela est le cas, la rencontre est chaleureuse. Une tape dans la main et même des rires, lorsque deux téméraires de l’Est tentent d’enlever les fanions gallois accrochés sur la place de la Victoire.

Hymne à la joie

C’est d’ailleurs à cet endroit que l’ambiance monte peu à peu. À trois heures de la rencontre, on monte sur les chaises, on déshabille les bizuts, et on expose ses parties génitales au plus offrant. Même éméchés, tous donnent l’impression de vouloir asséner une bonne tape dans le dos. Pas une violence, pas un débordement, rien. Tous sont là pour assister à un match historique. Et dans le Nouveau Stade de Bordeaux, l’émotion est troublante.

Les chants redoublent après l’égalisation, puis les cris retentissent sur le but victorieux de Robson-Kanu : l’après-match s’annonce fou en ce samedi soir bordelais.

Même si la Slovaquie a perdu, il y avait une très bonne atmosphère entre les deux groupes de fans, aucune animosité.

Sur la place Fernand Lafargue, dans l’hyper centre bordelais, les vainqueurs du jour partagent les tables avec les locaux éméchés, tandis que dans la queue qui mène aux toilettes, Adeline, jeune étudiante en droit de 23 ans, teste son anglais en draguant Neil : « Je vais à New York la semaine prochaine, c’est pratique ! » Au HMS Victory, pub situé rue Sainte-Catherine, d’autres échanges ont lieu, comme le raconte Holget, la mine fatiguée : « Même si la Slovaquie a perdu, il y avait une très bonne atmosphère entre les deux groupes de fans, aucune animosité. Ils étaient en train de boire ensemble, et quand le match de l’Angleterre a démarré, ils sont allés charrier les supporters anglais du bar. »

« England’s going Home »

Au Milo’s, dans le quartier Saint-Pierre, les mines sont plus fatiguées. « On a vraiment trop picolé hier soir » , avoue Simon en sirotant sa pinte de blonde. Les regards dans le vague, les faciès marqués par la satisfaction, les hommes au poireau sont silencieux, alors que l’écran géant diffuse cet Angleterre-Russie auquel ils ne semblent pas trop prêter intention. Mais l’apathie est de façade, et les Russes vont les aider à en sortir en égalisant dans les arrêts de jeu. Le volcan rouge fait irruption sans crier gare et les « England’s Going Home » retentissent.

Ce match contre l’Angleterre sera d’ailleurs un véritable révélateur. Sportif d’abord, puisque la qualification pourrait être assurée, mais aussi personnel, les deux pays se snobant par presse interposée depuis quelques semaines.

Ce sera encore pire avec nous, c’est sûr qu’il y aura des problèmes.

Les supporters gallois arboreront-ils la même bonhomie à Lens dans quelques jours, face à des Anglais qui ont secoué Marseille et pris part aux affrontements infâmes de la journée ? Pour Dylan, l’un des derniers fans encore présents ce lundi, cela ne fait pas de doute : « Ce sera encore pire avec nous, c’est sûr qu’il y aura des problèmes. » Une prophétie qui tranche avec ces sourires sympathiquement moches affichés depuis quelques jours dans la cité du vin.

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