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Charlton, la baie des cochons

Par Maxime Brigand
Charlton, la baie des cochons

Relégué en League One en avril dernier, Charlton touche aujourd’hui le fond entre des résultats pourris et une gestion sportive qui a poussé les supporters du club à ouvrir leur gueule contre un propriétaire pyromane. Chronique d’une époque où la révolution est devenue la norme.

Au départ, ce devait être un jour comme un autre. Un après-midi d’octobre, un samedi où la famille file au stade ensemble, mais, aussi, un match particulier où chacun joue déjà beaucoup. Le 15 octobre dernier, Charlton a rendez-vous avec Coventry City chez lui, à The Valley. En soi, l’enceinte des Addicks est déjà le symbole de ce que signifie être supporter du Charlton Athletic Football Club. Il faut revenir dans les années 90 pour comprendre. Une période où l’Angleterre est encore marquée par ses tragédies et notamment celle de l’incendie du Valley Parade de Bradford en mai 1985. À la suite du drame, la décision avait alors été prise d’aller partager Selhurst Park avec les voisins de Crystal Palace. Pas la mesure la plus populaire et une histoire qui ne va durer que cinq ans. Là est le point fondateur du Charlton moderne, car après des actions des supporters et un vote, les Addicks reviennent à The Valley en 1992. Voilà ce qu’écrivait Kyle Andrews, un supporter du club, sur son blog Chris Powell’s Flat Cap, il y a quelques semaines : « La chose la plus importante dans l’histoire de Charlton n’est pas une finale de coupe ou une victoire en play-off, c’est le fait que les supporters ont ramené le club à The Valley. Je pense qu’il y a un lien fort et une connexion forte qui va plus loin que de vouloir une équipe qui gagne un match de foot. » Cette histoire explique en grande partie ce qui se passe aujourd’hui dans les rues de Greenwich.

Vidéo

Les cochons roses et la lessive

Car le 15 octobre 2016 restera à jamais un jour différent dans l’histoire de Charlton, un club qui évolue aujourd’hui en League One depuis sa relégation en avril dernier après un nul à Bolton. Ce jour-là, les Addicks se sont imposés facilement (3-0), mais ce qu’il s’est passé en tribune est tiré d’une autre dimension. Car quelques heures avant la rencontre, quelques milliers de personnes s’étaient donné rendez-vous pour manifester. Des mecs qui supportent Coventry, des mecs qui supportent Charlton. L’idée est de gueuler ensemble contre les propriétaires des deux clubs dont le principal accusé, Roland Duchâtelet, qui a débarqué à Londres en janvier 2014. Le message est simple : « RIP CAFC 1905-2014 Duchâtelet OUT. » Tout a été organisé par l’association Card – Coalition Against Roland Duchâtelet – et, au-delà de la marche massive jusqu’à The Valley, des cochons roses seront balancés sur la pelouse, histoire de marquer le coup et d’interrompre la rencontre pendant quelques minutes. L’opération a fonctionné et fait écho à plusieurs mois de révolution populaire autour de Charlton. Comme c’est le cas à Coventry, à Blackpool, à Hull ou comme c’était le cas il y a quelques années à Blackburn. L’époque veut ça : l’antagonisme entre supporters et propriétaires est devenu la norme.

Nommé en juin dernier avec l’objectif de ramener Charlton en Championship, Russell Slade – élu deux fois manager de l’année en League One avec Yeovil Town en 2007 et Leyton Orient en 2014 –, savait où il posait les pieds. Dès sa première conférence de presse, l’ancien coach de Cardiff s’est exprimé ainsi : « Cela prend du temps de construire une relation de confiance. Il y a des choses qu’il faut clairement prendre en considération dans un club de foot. C’est comme mettre des petites briques en place, construire quelque chose de sérieux et solide. Construire quelque chose à laquelle les fans peuvent s’identifier. » Le problème est justement là. Depuis le début du mandat de Roland Duchâtelet, déjà connu pour sa période trouble au Standard Liège, la fracture est profonde. Pourquoi ? Car sa première décision a été de dégager Chris Powell du club en mars 2014, un homme considéré comme un demi-dieu à The Valley à l’image d’un Alan Curbishley (1991-2006) et qui a refusé de se plier au projet Duchâtelet. Le néo-propriétaire s’amusait alors à ramener des joueurs de ses anciens ou autres clubs. Puis, l’entrepreneur belge, invisible à Londres, a usé cinq coachs en un peu plus de deux ans (Riga, Peeters, Matthew, Luzon, Fraeye et Riga de nouveau). De la culture de l’instabilité à la gestion désastreuse en interne qui a conduit à la nouvelle relégation la saison dernière.

Time to Fly

Car si Duchâtelet est la première tête visée, celle de la directrice générale du club, Katrien Meire, connaît le même sort. Avant de débarquer, Meire n’était qu’une avocate sans expérience dans le foot. Depuis ? Depuis, la femme a cumulé les erreurs de communication, a comparé le boulot des dirigeants à celui de mécènes dans le cinéma et n’a jamais su se faire comprendre des supporters conduisant à de premières manifestations la saison dernière. Une réputation qui ne l’a pas empêché de gratter une place au conseil de la FA dans les quatre représentants de la Football League. L’été a été particulièrement terrible dans un club où les abonnements ont chuté de 10 278 à 6 297 tickets en raison de nombreux boycotts. Ce n’est pas une question de lassitude face aux résultats, plutôt un signe de rupture avec la direction, au point que certains expliquent que « même un tour de FA Cup contre Manchester United » ne les ferait pas revenir au stade. Aujourd’hui, Charlton pointe à la dix-septième place de League One, n’a gagné que trois de ses quatorze matchs cette saison et a la tête ailleurs. Pour le comprendre, il suffit de regarder le ciel comme lors du dernier déplacement des Addicks à Gillingham (1-1) : un avion avait alors été affrété par le groupe Card et une banderole avait été déployée où on pouvait lire un message clair. « Duchâtelet & Meire #TimeToFly. »

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