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Chapeau, Depay !
Jamais avare en sorties médiatiques tapageuses, l'ailier rhodanien s'est encore fait remarquer cette semaine en annonçant qu'il aimerait bien quitter Lyon à l'avenir pour « aller dans une ville qui (lui) convient et dans une équipe qui veut vraiment jouer au football ». Des propos qui vont sans doute lui valoir de se faire carboniser à droite à gauche dans les prochains jours. Un peu dommage. Parce que la parole décomplexée de Memphis Depay participe aussi au spectacle que propose la Ligue 1.
Les amoureux de verdure ont souvent cherché à comparer son ciboulot à une panoplie hétérogène de fruits et légumes. Memphis Depay aurait une citrouille à la place de la tête. Un gros melon. Pour ne pas dire une pastèque boostée aux OGM. Alors, oui, Memphis Depay s’aime beaucoup. Sans doute un peu trop. Quitte à une fois de plus exaspérer les supporters lyonnais, en déclarant au magazine néerlandais Helden qu’il aimerait « être transféré dans un grand club cet été. Lyon est un grand club, mais pas l’un des cinq meilleurs d’Europe. Je veux aller dans un club comme le Real Madrid, le FC Barcelone, Chelsea, Manchester City, le Paris Saint-Germain ou le Bayern Munich. Je veux aller dans une ville qui me convient et dans une équipe qui veut vraiment jouer au football. » C’est dit.
Megalomania
La sortie pourra légitimement faire dégoupiller les Lyonnais, exténués par un joueur qui n’a cessé de clamer que son talent est trop grand pour rester confiné au club rhodanien. Pour les autres, les spectateurs neutres, il y a pourtant quelque chose de jouissif à aller grappiller. Car à chaque fois que Memphis Depay décide de parler, le bullshit médiatique semble comme court-circuité en route. Le Batave a une très haute considération de ses capacités ? Il le dit, haut et fort. Est-ce nécessairement un mal ? Et si Depay ne faisait qu’ajouter sa petite sauce personnelle, piquante, provocante, à la recette très hétéroclite du championnat de France ? Où l’on retrouve donc des joueurs emblématiques d’un club comme Loïc Perrin, des vedettes hyper marketées comme Neymar ou encore des types au parcours improbable comme Christophe Kerbrat.
Et Depay ? Lui s’inscrit probablement dans une autre filière, celle des punchliners et des originaux tendance légèrement mégalos. Un tiroir un peu à part, où l’on pourrait ranger des joueurs comme Hatem Ben Arfa et Mario Balotelli. Des types qui ont le sens du spectacle. De la démesure. Qui peuvent passer de zéros absolus à génies incompris en envoyant d’un coup, sans prévenir, un cachou en pleine lucarne. Des types qui cultivent aussi l’inattendu, quant à leur manière d’échanger avec les médias comme les supporters. Et échappent ainsi souvent aux carcans de la communication hyper encadrée et stéréotypée des clubs de football modernes.
De l’art du contre-pied
Il y a parfois une vraie forme de panache à s’acharner à ramer à contre-courant. Surtout quand on semble convaincu qu’au fond, on a raison, seul contre tous. Memphis Depay est convaincu qu’il n’est pas seulement un très bon joueur de Ligue 1, mais un footballeur qui mérite le gratin mondial. Et c’est toujours savoureux de l’entendre le répéter, avec un aplomb qui semble à toute épreuve. En mars dernier, le zozo affirmait au Canal Football Club avoir pour lui tous les atouts pour devenir le meilleur joueur du monde : « Ce qu’il me manque ? Franchement, en matière de qualité… Rien… Si je dois parler de moi… Je ne suis pas arrogant, mais… Je dois être plus constant peut-être. » Réduit à un rôle de remplaçant face à Angers fin octobre, il balançait dans la foulée à L’Équipe en avoir marre « d’entendre à chaque fois que j’ai changé le match… Je ne me sens pas toujours comme un joueur respecté. Je fais le job à chaque fois… Je mérite mieux que ça. Je devrais jouer à chaque match. »
Plus récemment, le Batave a répondu sur Twitter à la banderole « Memphis, 5 millions de followers, mais toujours pas de père » déployée par des fans stéphanois lors du derby (il a été abandonné par son père dès son jeune âge, N.D.L.R.) : « Je n’ai rien contre les gens qui ont fait ça. Je sais qu’au fond, ils m’aiment. Je sais aussi qu’ils sont furieux de ne pas avoir un joueur de ma qualité. Mais je voulais juste dire une chose à ce propos. 0 point contre nous cette saison, ça doit être dur à vivre. » Alors, oui, Memphis, c’est la tchatche, la frime et l’audace. Sur le terrain et en dehors. Le genre de joueurs dont a aussi besoin la Ligue 1. Pour que la grande marmite du championnat de France continue de mitonner des saveurs en tous genres. Dont certaines ont toujours le mérite de donner du relief au spectacle.
Par Adrien Candau