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« Champion du monde de baby-foot, ça aide pas avec les filles »
La Coupe du monde arrive et la France est tenante du titre. Non, nous ne sommes pas revenu en 2002, il s'agit simplement de baby-foot. Aujourd'hui commence le Mondial du football de table, avec une équipe de France favorite. C'est rare. Maxime Blin, informaticien toulousain, faisait partie de l'épopée magique. Et ça tout le monde le sait. Enfin, au moins toutes les personnes présentes au 147, une salle de jeu toulousaine de la rue des Amidonniers. Ici, quand Maxime entre par les grandes portes battantes, il impose directement le respect chez les adeptes de la gamelle, repêche et autre pissette. Ici, quand il prend une gagne, les challengers s'en vont.
Le baby-foot c’est quand même un hobby de branleur, non ? Forcément. C’est ce que tout le monde pense directement. On s’imagine les mecs en train de jouer avec une clope au bec, les cacahuètes au bord du terrain et une bière qui traîne par là. Mais ce sport a juste une mauvaise réputation parce qu’à côté de ça, c’est un vrai sport. Un peu comme le ping-pong. Y a le ping-pong domestique, tranquillement sur ta table chez toi, et y a le tennis de table de compétition.
Même pas un petit peu ?Non, vraiment pas. Quand tu vois les entraînements, tu comprends que ce n’est pas un truc de branleurs. Y a des mecs, ils s’entraînent super dur avant les compétitions. Genre 15h par semaine, sans souci.
Ça consiste en quoi les entraînements ?Y a des entraînements vidéo, surtout pour regarder les techniques adverses. Moi je l’ai fait aujourd’hui par exemple pour étudier les Américains. Et après, y a aussi de la répétition de gammes. Refaire le même geste des centaines de fois pour vraiment l’assimiler : des passages des demis aux avants, faire des tirs de l’arrière, etc. Comme dans tous les sports.
Toi aussi, t’es passé par les gamelles et autres repêches ?À la base, je ne connaissais pas les règles de compétition. J’ai commencé comme tout le monde avec les règles de bar. Les pissettes, les gamelles et tous les trucs qui peuvent faire dégénérer une partie. Et puis je suis rapidement passé à la compétition. Même si on s’auto-arbitre, il y a des règles précises. Les gamelles en bar, c’est n’importe quoi. En vrai, un but annulé ou un « +1 -1 » , ça n’existe pas. C’est un peu comme s’il avait fallu annuler un but de Zidane contre le Brésil. Non, ça ne peut pas. Même topo pour les repêches.
Combien d’heures de cours tu as dû sécher pour avoir ce niveau-là ?Zéro. J’étais un élève assidu. J’avais juste un baby-foot chez moi. Bon après, j’ai souvent bâclé les devoirs. Bon, par contre, j’ai fait les championnats de France la veille de mon bac de Philo, et j’ai eu un 3/20. Et puis je n’ai eu mon bac qu’au bout de la deuxième fois. Heureusement que la seconde fois, le tournoi était programmé après les épreuves du bac.
Combien de potes tu as fait passer sous le baby ?Ça ne se compte plus. Y en a tellement. Maintenant, quand je vais dans des bars, je ne dis plus que je suis en équipe de France. J’y vais incognito. Mais je me fais vite griller. Quand je suis arrivé à Toulouse, au bout de deux mois, tout le monde savait que j’étais champion du monde. Et aujourd’hui, quand je dis que je prends la gagne, y en a qui s’en vont. Du coup, je joue contre des potes, et ça se passe bien. Parce que je ne suis pas là pour les rouster.
Avec les filles, ça se passe comment ? C’est un atout ou un inconvénient ?Ma femme joue aussi au baby, donc pour moi, la question ne se pose pas. Mais c’est quand même un monde de machos, les filles n’osent pas trop s’y intégrer. Je ne crois pas que champion du monde de baby, ça aide. Certainement juste la mention « champion du monde » .
Combien de pièces de 50 centimes tu as utilisées jusque-là ?Moi pas beaucoup, mais mes adversaires énormément. Avec le système de gagne, parfois je joue gratuitement pendant 3h. Les mecs en face mettent jusqu’à 10 euros pour me sortir. Et encore, généralement, c’est moi qui m’en vais.
Tu joues avec un équipement en particulier ?Ouais je joue avec des gants de golf. Après, j’ai aussi mes propres poignées avec mon grip.
Comment on devient champion du monde de baby-foot ?Un peu par hasard. J’ai commencé le baby-foot à 14 ans. En même temps que tout le monde. Mon père tenait un bar et il avait une table. Et puis un jour, le président du club de Nantes est passé par là et il m’a proposé une partie. C’est parti de là.
Ça se la pète en championnat du monde ?En général, les joueurs sont super accessibles. Y en a forcément un ou deux qui sortent du lot dont un Allemand, Christopher Marks. Lui, il a une émission de télévision qui s’appelle « Venez battre le champion » . Il se la raconte un peu. À l’inverse Frédéric Collignon, le top joueur mondial belge, est plutôt humble.
Qui sont les nations phares ?Les États-Unis, c’est vraiment les grosses stars. Après, l’Italie est plutôt pas mal.
Et alors ces championnats du monde, confiant ?Ouais plutôt. On part tenant du titre mais pas favori. L’année dernière, on a quand même galéré. On a battu les États-Unis en finale, c’était chaud. Et cette année, on repart avec la même équipe de 9 joueurs. Parque que ça se passe comme une Coupe Davis en fait. Y a 5 manches, trois simples et deux doubles. Et il faut forcément en gagner plus que l’adversaire. Mais tout ça, on pourra le voir sur Eurosport 2 à partir d’aujourd’hui.
D’ailleurs, tu penses que « champion du monde de baby foot » , c’est une expérience à mettre sur son CV ?
Moi je le mets. Ça attire la curiosité. Les gens se posent des questions et c’est bien. Je vois mon entreprise, ils ont carrément mis sur leur site que j’étais champion du monde. Et du coup, au niveau des congés, ils sont un peu plus laxistes. Par exemple, ce mois-ci, ils m’ont dit : « Vas-y Max, c’est pas grave, on a du boulot, mais on se débrouillera. »
Tu conseillerais aux jeunes de se mettre au baby-foot ?Plus que la Playstation en tout cas. Même si on n’est pas encore reconnu comme un sport, c’est toujours plus sympa qu’une console de jeu. Bon après, la situation des joueurs en France est difficile. Pour le moment, on est tout le temps à nos frais. C’est compliqué. On cherche des sponsors, des financements. On se débrouille comme on peut.
Pourquoi le baby-foot n’est-il pas considéré comme un sport en France ?Étant donné qu’on organise des manifestations comme la Coupe du monde à Nantes qui rassemble 500 joueurs de 40 nations différentes, j’ai du mal à imaginer comment on ne peut pas considérer le baby-foot comme un sport. Je ne comprends pas les raisons qu’on nous donne pour nous prouver l’inverse. On a la dimension physique, la dimension tactique et technique, mais rien n’y fait.
Et comment ça se passe à Toulouse ?On est 5 joueurs de l’équipe de France, soit le club le plus représenté du pays. Mais on galère comme tous les autres. On partage notre salle avec des joueurs de badminton. La Fédération française de football de Table essaye de se bouger mais quand ils sollicitent le ministère des Sports, ils sont renvoyés au ministère de la Culture. Et la Culture les renvoie au Sport. En clair, ils se renvoient la balle et nous baladent. En attendant, nous, on n’a toujours pas de budget. Une fois, on était allés à la mairie de Toulouse et on a été reçus par François Briançon, un adjoint au maire. Il nous a ri au nez : « Le baby-foot, un sport ? Mais ça ne fait fonctionner qu’un muscle, non ? » Et dire que le truc où tu passes un balai là… euh… le curling, c’est ça. Même le curling est considéré comme un sport alors qu’ils ne comptent que 10 licenciés. Juste pour info, nous on en compte 2 000.
Propos recueillis par Ugo Bocchi