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Chalobah, la thérapie du bonheur

Par Maxime Brigand
Chalobah, la thérapie du bonheur

Convoqué pour la première fois chez les Three Lions, Nathaniel Chalobah a longtemps été l'exemple parfait d'un système qui déconne dans un pays où les clubs de Premier League peinent à faire confiance à leurs jeunes pousses. Le voilà aujourd'hui loin de Chelsea et sur un terrain fertile à Watford.

Gareth Southgate n’est pas facilement malléable. Comme tous ses collègues, le sélectionneur de l’Angleterre pourrait se contenter de la routine : l’entraînement, le match à venir, l’état des troupes. Pas le genre du mec. Southgate refuse d’être un numéro, un coach national de plus. Il se veut rebelle, anticonformiste. Fraîchement arrivé l’automne dernier pour reprendre le gouvernail d’un trois-mâts au bord de la destruction après avoir traversé la tempête Allardyce, le Mr Nice Guy avait rapidement dégainé un plan de bataille en trois axes : constater, bâtir, innover. Pour forcer le jeu des différences avec ses prédécesseurs, Gareth Southgate avait même lâché ces mots comme l’on sert un discours de politique général : « J’évolue au sein d’un sport que j’adore, mais au cœur d’une industrie que je déteste. » Façon subtile de trancher avec l’histoire d’un poste réputé maudit. Personne ne sait si Southgate fera de nouveau gagner l’Angleterre, mais l’ancien capitaine de Middlesbrough voit plus loin : il crée. De loin, certains voient certainement de la folie lorsqu’il emmène ses hommes en stage quelques jours avec les Marines, qu’il les installe dans une salle avec le Tryphon Tournesol du rugby – Eddie Jones – ou qu’il leur impose des séances de stretching intenses en ouverture d’entraînement.

« Depuis que Gareth est arrivé, on essaye de fabriquer notre identité, de développer notre approche. Pour ça, il faut bien sûr travailler plus dur, mais il nous a fixé une ligne de conduite claire. C’est un plan par étapes » , racontait lors du dernier rassemblement le défenseur de Southampton Ryan Bertrand. Aujourd’hui, Southgate est entré dans la phase de valorisation d’un système longtemps critiqué, mais au cœur duquel il a assez baigné pour en palper les qualités. La musique est connue : l’Angleterre aurait un déficit de formation. Faux, répond le sélectionneur, à raison : « Tout le monde dit que nous n’avons pas de bonne formation chez les jeunes et les gens regardent ailleurs alors qu’ils ont des joueurs sous le nez. » Vaste casse-tête que la jeunesse dans un système pipé par le divertissement cher aux videurs de la Premier League où Pochettino, Koeman et Eddie Howe sont regardés comme des fous en donnant des biscuits à leurs promesses. Et, l’été a glissé sur le Royaume : vice-champion d’Europe U17, champion d’Europe U19, champion du monde U20, demi-finaliste à l’Euro espoirs, victoire au tournoi de Toulon. La jeunesse anglaise va bien, merci pour elle.

« Il faut se poser la question de ce qui rend heureux »

Le charme du foot réside avant tout dans ses contradictions, et celles du foot anglais peuvent aujourd’hui se résumer au sourire de Nathaniel Chalobah, appelé pour la première fois à la table des grands pour le déplacement à Malte et la réception de la Slovaquie. Chalobah est un produit du système FA, un gosse qui a disputé 96 rencontres avec les différentes catégories de la pyramide – U17, U19, U20, Espoirs, entre autres –, qui est aujourd’hui le deuxième joueur le plus sélectionné de l’histoire des espoirs anglais (40 sélections), mais qui peine à toucher la quinzaine de matchs de Premier League du haut de ses 22 ans. Qu’on soit d’accord : c’est un crack, un vrai, mais aussi une victime des maux de son pays. Voilà maintenant six ans que Nathaniel Chalobah, repéré pour la première fois par Chelsea lorsqu’il avait dix piges avant d’être recruté à onze, était balancé un peu partout, du banc de l’équipe première des Blues jusqu’aux prêts multiples (Watford, Nottingham Forest, Middlesbrough, Burnley, Reading, Naples). Demi-finaliste en Pologne avec les Espoirs cet été et battu avec ses potes de toujours aux tirs au but face à l’Allemagne, le natif de Freetown (Sierra Leone) devait reprendre en mains une ascension qui s’est une nouvelle fois brisée dans les mains d’Antonio Conte l’an passé malgré quelques belles sorties, notamment un match de League Cup face à West Ham en octobre. Système encore : cet été, Chelsea a préféré recruter Tiémoué Bakayoko pour 45 millions d’euros.

Refrain complexe, Chelsea, vainqueur de six des huit dernières FA Youth Cup et propriétaire du plus gros stock de talents d’Angleterre, a donc une nouvelle fois laissé partir cet été ses produits finis : Dominic Solanke à Liverpool, Nathaniel Chalobah à Watford (où il avait déjà été prêté par le passé et où son agent, Fitz Hall, a joué, ndlr). Appelé à la barre cette semaine à St George’s Park, le second a évoqué un choix « courageux » : « Bien sûr que j’ai dû prendre sur moi pour prendre cette décision. Dans ces cas-là, il faut vraiment se poser la question de ce qui rend heureux. J’étais dans un très grand club et les gens me disaient tous la même chose : « Tu es à Chelsea. Tu devrais rester à Chelsea, c’est un grand club ! » Mais ce n’était pas ça le problème. Le problème, c’est que je veux jouer maintenant. » Voilà aussi pourquoi un joueur aussi brillant que Tammy Abraham est parti en prêt à Swansea cette saison. Reste que Chalobah, lui, n’a plus rien à apprendre. Chelsea a donc fait tout le sale boulot de formation et n’en profitera pas. Au contraire de Watford qui a déjà vu l’ancien milieu des Blues balancer son bagage technico-tactique depuis le début de saison et filer directement avec Gareth Southgate, son ancien sélectionneur chez les Espoirs. « Parfois, vous pouvez vous laisser un peu emporter par cette situation : être à Chelsea, rester sur le côté, être plus ou moins dans l’équipe. Avec les gros joueurs qu’il y a déjà, c’est difficile. Maintenant, je sais déjà que partir était une bonne décision » , a complété Chalobah cette semaine. Sans arme ni violence, mais avec un sourire retrouvé sous une dégaine digne des belles heures de Chris Bosh.

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Gareth Southgate pourrait être anobli par la couronne anglaise
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Par Maxime Brigand

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