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Chalmé sort du formol
Matthieu Chalmé, ce type autrefois titulaire indiscutable aux Girondins connait peut-être aujourd’hui le pire passage sportif de sa carrière. Relégué sur le banc de touche, il attend son tour pour montrer qu’il n’est pas encore bon pour la casse. On parle-là d’un gars qui a réussi à éjecter David Jemmali du poste de latéral droit…
Matthieu Chalmé existe encore. Non, on ne l’a pas retrouvé dans un bocal sur une étagère de la Fac de sciences. Et non, il n’est pas fini pour le football. Alors, c’est vrai que quand on regarde le descriptif du bonhomme, dans la rubrique « statistiques » , sur le site officiel de son club, on s’aperçoit vite que le compteur est bloqué sur la saison dernière. Pourquoi ? Parce que MC Amer n’a pas joué une seul minute cette saison. En match officiel s’entend, bien sûr. Parce qu’en préparation estivale, le natif du coin a participé à quelques matchs, et plutôt pas mal, même. Matthieu Chalmé ou la parabole d’un parcours atypique : dès le départ, quand il fait ses armes aux Girondins puis bascule dans le monde amateur, à Libourne-Saint-Seurin, avant de revenir dans la boucle du foot pro, sous la houlette de Claude Puel à Lille. Là il gagne ses galons de titulaire, et la crédibilité qu’il mérite. Car le rugueux rouquin rattrape le temps perdu et gravit les échelons façon escalator. Jusqu’à jouer dans l’entrejeu et marquer des buts avec les Dogues. Voire taper informellement à la porte de l’Équipe de France… Pour la légende, ça fait bien.
Mais aujourd’hui, la réalité est bien différente. Après une période Laurent Blanc très profitable, un championnat et une Coupe de la Ligue (2009) dans le sac, arrive Jean Tigana d’abord, Francis Gillot ensuite. Et là c’est le drame. Black out. Début du calvaire. Certes, le contrat court jusqu’en juin 2014, mais c’est purement administratif. Dans la réalité, Matthieu a tous les symptômes du joueur poussé en pré-retraite. Une situation compliquée à gérer. Surtout quand on pense pouvoir être encore. Mais à la veille du déplacement des siens à Montpellier, pour un huitième de finale de Coupe de la Ligue alléchant, Matthieu Chalmé se veut zen. Celui qui va – peut-être – disputer son premier match de la saison dans l’Hérault, est ravi du turn-over instauré par Francis Gillot pour le voyage à la Mosson. Tellement qu’il se permet même de blaguer. « C’est la rentrée ! » , s’est-il exclamé, amusé, en début de semaine.
« Je ne me mets pas dans la tête qu’on va me juger sur un match. »
« J’ai pas fait un match, j’ai pas fait une minute, c’est jamais évident, mais je suis dans le groupe professionnel. Maintenant, j’attends d’avoir la possibilité de jouer, j’ai une grande envie, ajoutait-il, plus sérieux. Le plus important, c’est pas moi, c’est l’équipe. Je cherche à jouer le maximum de matches, je travaille dur à l’entraînement et le jour où l’on fera appel à moi, j’essaierai de répondre présent. » Un soldat le Chalmé. Mais le latéral droit, supplanté au poste par Mariano, sait rester incisif. Comme à la grande époque. Surtout lorsqu’on présente le match de coupe comme celui de la dernière chance pour l’arrière. « Moi, je ne le prends pas comme ça, répond-il ferme. C’est sûr, je peux comprendre ce raisonnement, mais si on me donne l’occasion de jouer, ben je joue ! Après… Je passe, je passe… Je passe pas, je passe pas (sic) ! Si on me juge sur un match… j’ai 32 ans et onze ou douze saisons de carrière derrière moi, alors, je ne me mets pas dans la tête qu’on va me juger sur un match. »
Le tout, comme il le dit grâce au lexique du parfait footballeur, c’est « d’être bon » , « que l’équipe gagne » , et qu’elle soit « reboostée » . Et comme il le précise, ça fait un bail qu’il attend pareille opportunité, histoire de goûter de nouveau concrètement au plus beau métier du monde. Mais lui, il ne va pas aller faire des avances pour arriver à ses fins. Et malgré une certaine appréhension quant à un éventuel manque de rythme, il savoure la passe : « Ça fait longtemps que j’attends ce match, je saisirai l’occasion avec grand plaisir, histoire de retrouver les saveurs du terrain et de la compétition. » Reconverti mentor pour les jeunes générations, Chalmé prend son job annexe avec philosophie. « J’ai un nouveau rôle aujourd’hui, j’essaie de trouver ma place, mais c’est pas évident, confie-t-il. Quand vous jouez pendant neuf ans une trentaine de matches par saison, et que vous vous retrouvez à n’en jouer que très peu, c’est dur. Mais j’ai toujours l’envie. Alors, je donne des conseils et je prends la parole quand il le faut. Mais j’attends mon heure et dès que j’aurai l’occasion, je montrerai que je suis encore là. » Et puis si ça tourne mal, il y a toujours la vigne, qu’il partage avec son pote Johan Micoud. Tremper dans le vin, pour se consoler, c’est toujours mieux que dans le formol…
Par Laurent Brun, à Bordeaux