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Chadrac Akolo, un Léopard qui cherchait refuge
Né à Kinshasa, en République démocratique du Congo, Chadrac Akolo a récemment mis en colère une partie de la presse en Suisse. La raison ? Le joueur qui vient de signer à Stuttgart préfère défendre les couleurs de son pays natal qu’il a fui plutôt que celles de la Suisse, pays où il a trouvé refuge et qui lui a permis d’être footballeur.
« Voici les remerciements de ce réfugié arrivé à quatorze ans, nourri, hébergé, soigné, formé en Suisse alors que son pays ne lui aurait jamais offert une chance pareille. Il fuit son pays, mais c’est celui-ci qu’il va remercier et non la Suisse. » Autant dire que le site LesObservateurs.ch n’a pas été très heureux d’apprendre que Chadrac Akolo préférait finalement défendre les couleurs de son pays d’origine, la République démocratique du Congo, plutôt que de son pays d’accueil, la Suisse. Et le site, reflet d’une droite conservatrice, flirte même parfois avec les limites du racisme. Il faut dire que la Suisse a généralement réussi à garder certains joueurs intéressants pour sa sélection. Johan Djourou, né en Côte d’Ivoire, Gelson Fernandes, originaire du Cap-Vert, ou encore Ricardo Rodríguez, né d’un père espagnol et d’une mère chilienne, ont tous décidé de rejoindre la Nati. Chadrac Akolo a donc préféré faire partie des Léopards alors qu’il allait obtenir une naturalisation rapide qui aurait pu se faire en un an. Heureusement pour lui, le jeune Congolais de 22 ans va pouvoir continuer tranquillement sa carrière, loin des critiques des conservateurs suisses. L’ailier gauche vient de déménager chez le voisin allemand pour poser ses valises à Stuttgart, où il a signé un contrat de quatre ans.
Du FC Corbeau au FC Sion
Avant de finir troisième meilleur buteur du championnat suisse l’an passé, Chadrac Akolo a commencé au FC Corbeau de Kinshasa, sa ville natale. Comme beaucoup des gamins de son âge, le jeune Congolais est fou de ballon et joue aussi bien sur les terrains que dans la rue. Mais dans la capitale de la République démocratique du Congo, le jeune garçon et sa famille passent parfois plusieurs jours sans pouvoir manger. C’est sa mère qui quitte la première le pays pour rejoindre l’Europe. « Quand mes parents parlaient de partir pour l’Europe, je rêvais encore plus fort. J’attendais avec impatience le départ parce que ce voyage m’ouvrait les portes de l’eldorado du foot » , raconte le joueur dans un entretien accordé au journal suisse Le Nouvelliste. Mais cette joie du départ sera évidemment de courte durée. « Le voyage était terrible. La boule au ventre m’a accompagné jusqu’au moment où j’ai rejoint maman dans le hall de l’aéroport. La pression qu’exerce la crainte d’être refoulé est terrible » , se remémore-t-il.
Le jeune homme a donc une quinzaine d’années quand il débarque au pays des Helvètes en tant que réfugié. C’est au centre des requérants d’asile de Bex (une commune au sud-ouest du pays, proche de la frontière avec la France) que la famille atterrit. Là-bas, Chadrac Akolo intègre l’équipe junior du club. Retrouver les terrains lui fait du bien, dans une période de sa vie particulièrement tendue. « La peur de repartir te quitte rarement, elle pèse. Ils prennent des gens pour les renvoyer. Maman disait parfois : « Notre tour viendra peut-être. » » Plus libéré, le jeune Congolais démontre son potentiel sur les pelouses, à tel point que son entraîneur de l’époque, Anthony Tagan, contacte le FC Sion. Mais le club suisse refoule dans un premier temps l’attaquant. Le temps de prendre contact avec le FC Bâle, Blaise Piffaretti, entraîneur assistant au FC Sion, rappelle finalement le joueur. Un deuxième test concluant plus tard, Chadrac Akolo tient son premier contrat. « Ce contrat était mon passeport pour l’Europe. J’étais désormais sûr d’y rester. C’était génial. »
« Je suis autant congolais que suisse »
Le jeune réfugié intègre alors l’équipe des U18 du FC Sion et remporte dès sa première saison la coupe de Suisse des moins de 18 ans avec son équipe. Les années suivantes, il découvre la Promotion League avec les U21, tout en se payant le luxe d’effectuer quelques piges avec l’équipe première. Cependant, le joueur doit se contenter de jouer les remplaçants et ne trouve jamais le chemin des buts en Super League. Pour la deuxième partie de la saison 2015-2016, l’attaquant est alors prêté au club de Neuchâtel Xamax, qui évolue en Challenge League (D2). C’est là que le Congolais se révèle, inscrivant neuf buts avec trois passes décisives en seize matchs. La saison suivante, Didier Tholot, l’entraîneur français de l’époque, lui confie alors les clés du jeu du FC Sion. Chadrac Akolo inscrit quinze buts et donne cinq passes décisives en une trentaine de matchs et finit troisième meilleur buteur du championnat.
De belles statistiques qui lui ont ouvert les portes de la Bundesliga, mais aussi celles de la sélection congolaise. Pour la CAN 2017, Chadrac Akolo faisait partie de la liste des trente et un joueurs présélectionnés, mais n’avait finalement pas été retenu par Florent Ibeng, le sélectionneur des Léopards. En coulisse, l’Association suisse de football essaye alors de garder au pays son jeune joueur talentueux. « Elle m’a déjà approché depuis un certain moment donc, voilà, on décidera avec mon entourage pour trouver la meilleure solution. Dans tous les cas, je suis autant congolais que suisse. Je pense jouer avec mon pays, la RDC, car c’est un rêve de tous les joueurs. J’adore mon pays, je suis le championnat congolais et regarde tous les matchs de l’équipe nationale. Il faudra décider de ce qui est le mieux pour moi » , déclarait Chadrac Akolo en 2015. En décembre 2016, le processus de naturalisation était lancé et devait prendre entre un et trois ans. Une action inutile puisque le joueur décide finalement de défendre les couleurs des Léopards, provoquant la colère des conservateurs. Il y a quelques années, un certain Ivan Rakitić avait aussi mis un râteau à la Nati, préférant jouer pour la Croatie. Les parents du joueur de Barcelone avait alors reçu des menaces de mort à la suite de ce choix. Il faut croire que tous les Suisses n’ont pas le flegme de Lucien Favre. Chadrac Akolo, lui, n’a pas encore reçu de message de ce type et continue de vivre son rêve. « Parfois, je redoute le réveil » , assurait-il. Un rêve bleu, traversé par une diagonale rouge. Comme le maillot de son pays.
Par Robin Richardot