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Cetto : « Il faut que Nantes renoue avec l’Europe »
Après dix-sept saisons passées sur les terrains, Mauro Cetto vient de raccrocher les crampons. Pas seulement pour organiser des asados avec ses potes, mais aussi pour enfiler le costume de directeur sportif de Rosario. Passé dans l'organigramme de son club formateur, l'ancien défenseur de Nantes et Toulouse revient sur cette décision et tire un premier bilan de sa carrière sans oublier de parler des Canaris.
Ça y est, Mauro, vous venez de prendre votre retraite. Quand avez-vous pris cette décision exactement ?C’est une décision à laquelle je pense depuis quelques mois. Depuis février, je me disais que je vivais peut-être mes six derniers mois de joueurs. Je me suis donc préparé à ça mentalement. Plus les mois ont passé, plus j’ai mûri cette décision.
Pourquoi arrêter maintenant ? Mon physique avait de plus en plus de mal à tenir le rythme professionnel. Je voyais qu’aux entraînements, c’était devenu compliqué. J’avais de plus en plus de mal à les finir, à récupérer, je sentais que le physique ne suivait plus. Le fait aussi d’être ici chez moi à Rosario était une bonne possibilité de terminer ma carrière dans le club de mes débuts, en plus j’étais en fin de contrat, donc c’était le bon moment pour arrêter, tout était réuni.
Vous avez annoncé votre retraite la semaine dernière, pourquoi ne pas avoir attendu la fin du championnat dans trois journées ? J’ai arrêté avec un peu d’avance parce que j’ai repris le poste de directeur sportif du club, et ma nouvelle fonction me demandait d’être présent dès maintenant. Comme ces derniers temps, j’avais des problèmes physiques, je savais que je n’allais pas jouer les dernières rencontres de championnat. Du coup, j’ai donné la priorité au poste de directeur sportif.
Justement, qui est à l’initiative de cette reconversion ? C’est le club et moi-même. Ces derniers temps, en discutant avec les dirigeants, je savais qu’ils avaient besoin de quelqu’un au poste de directeur sportif, car il n’y avait plus personne. Je sentais que je pouvais m’impliquer, on en a discuté et tout s’est décidé naturellement. Arrêter de jouer est toujours une décision difficile à prendre pour un footballeur, et cette proposition de poste m’a aidé à la prendre. Faire ma reconversion ici, au club, a joué un rôle important dans ma volonté d’arrêter.
Finalement, vous passez directement de joueur à directeur sportif, vous n’aviez pas besoin de faire une pause pour vous faire à l’idée de ne plus jouer ?Non, justement, ce nouveau rôle m’aide à ne pas penser à ma retraite sportive. On verra d’ici quelque temps si l’envie de jouer me revient en tête. Mais pour l’instant, je le prends naturellement parce que je reviens au même centre d’entraînement que d’habitude, je suis là quand les joueurs sont là, il y a une continuité par rapport à ce que je faisais comme joueur, en matière de lieu, d’horaires. Après, bien évidemment qu’il y a des obligations que je n’avais pas avant. J’ai plein de choses à apprendre, je sais bien que même si on se prépare, il y a la réalité au jour le jour. Mais j’ai la confiance de tout le monde ici au club, ça me donne la possibilité de travailler dans une certaine sérénité.
Après presque vingt ans en tant que joueur professionnel, vous n’étiez pas tenté de couper un peu avec le football ? J’aurai pu le faire si je n’avais pas eu cette opportunité. Si ce poste de directeur sportif ne m’avait pas été proposé, je pense qu’aujourd’hui, je serais chez moi à réfléchir à mon avenir. Mais comme c’est quelque chose qui me passionne, j’ai décidé de ne pas prendre d’année sabbatique comme le font les joueurs en général. J’ai décidé de m’y mettre tout de suite, c’est une très belle opportunité et je devais en profiter.
Vous expliquiez en 2015 être intéressé par le métier d’entraîneur, où en êtes-vous aujourd’hui dans cette réflexion ?Disons que c’est quelque chose qui m’intéresse, évidemment, parce que quand on aime le football, en devenant plus âgé, ça devient naturel de s’intéresser un peu plus à la tactique. Mais aujourd’hui, je ne me sens pas prêt à être entraîneur. Je suis quand même en train de passer mes diplômes, mais sans la pression de vouloir reprendre une équipe. Je sens que j’ai encore beaucoup de choses à apprendre pour entraîner et, entre-temps, je pense que ce poste de directeur sportif que je commence tout juste à occuper est une belle opportunité de rester lié au foot. En plus, c’est la possibilité de rester dans mon club formateur.
Pourriez-vous envisager un retour en Europe pour exercer des fonctions au sein d’un club ? Au FC Nantes, par exemple…Le FC Nantes et Toulouse sont les deux clubs dans lesquels j’ai passé le plus de temps dans ma carrière, j’y garde d’excellents souvenirs. Je ne ferme jamais la porte à rien, mais j’insiste : aujourd’hui, je suis très bien à Rosario. Je me suis installé dans ma ville, ma famille est très bien ici aussi, donc retourner en Europe n’est pas quelque chose que j’envisage pour l’instant.
Vous parlez beaucoup de l’importance de ce retour à Rosario. C’est quelque chose que vous aviez prévu ?Dans ma tête, je me suis toujours dit que je reviendrais. Je suis parti à dix-neuf ans et je suis revenu à trente-quatre ans. J’ai passé quinze ans loin de ma ville, de ma famille, de mes amis. Ça a toujours été dans un coin de ma tête de revenir. Je voulais même le faire avant, mais dans le football on ne maîtrise pas tout, et j’ai dû attendre mes trente-quatre ans. Voilà. Maintenant que je suis là, j’essaye de profiter des moments dont je n’ai pas pu profiter avant. Je suis bien, je suis où j’ai envie d’être.
Pour revenir sur le FC Nantes, qui est l’un des clubs qui ont le plus compté pour vous, que pensez-vous de l’arrivée de Claudio Ranieri sur le banc des Canaris ?Déjà, d’un point de vue marketing, ça me paraît formidable. Ensuite, d’un point de vue sportif, j’espère évidemment qu’il fera la même chose qu’en Angleterre avec Leicester. C’est un entraîneur qui a de l’expérience, son parcours parle pour lui. Ça fait plaisir de voir un coach de son envergure devenir entraîneur de Nantes. Espérons que le FC Nantes continue sur sa lancée de la seconde partie de saison, et qu’il retrouve sa vraie place dans le football français, à savoir dans les cinq ou six premières places tous les ans pour renouer avec l’Europe.
Hors d’Argentine, à part une pige d’un an à Palerme qui s’est révélée peu concluante, vous avez fait l’essentiel de votre carrière en Ligue 1. Regrettez-vous de ne pas avoir évolué dans un plus grand championnat européen ? Je dis tout le temps que les meilleures années de ma carrière étaient mes quatre ans à Toulouse, c’est là où j’étais à mon meilleur niveau. Peut-être que j’aurais pu aller dans un autre club, dans un autre championnat, mais je ne le regrette pas. J’étais très heureux au TFC, je m’y sentais très aimé. Plus ma carrière avançait, plus je me rendais compte que les bons moments que l’on passe dans les vestiaires sont les plus importants.
Pour vous, ces moments-là sont plus importants que le palmarès ? Le palmarès, c’est surtout pour les gens qui regardent ta carrière, ils font surtout attention aux titres, aux trophées. En tant que joueur, évidemment que j’aurais aimé gagner plus de titres, mettre plus de buts. Mais moi, je retiens surtout le côté humain qu’on peut avoir dans une carrière. Ce que tu vis tous les jours avec tes coéquipiers, avec les gens du club, ce sont ces moments-là qui comptent vraiment, dont on profite vraiment. Évidemment, si on m’avait donné la possibilité de gagner des titres tous les ans, j’aurais bien aimé, mais je pense qu’il y d’autres choses qui comptent aussi dans le football. Tous les ans, il y a un champion et dix-neuf autres derrière. Si tu fais partie des dix-neuf qui ne sont pas champions, autant passer de bons moments. (Rires)
À l’heure de faire le bilan de votre carrière, quel est votre meilleur souvenir de joueur ?En choisir un seul est difficile. Il y a mon premier match officiel, la Coupe du monde des moins de vingt ans, la Copa Libertadores, la qualif en Ligue Europa avec Toulouse, ou quand on s’est sauvés à la dernière journée avec Nantes face à Metz en gagnant 1-0 à La Beaujoire… Dans ces moments, il y en a où j’ai gagné des titres, d’autres où je n’ai rien gagné, mais ce sont tous des moments forts pour moi.
À l’inverse, quel est votre pire souvenir ?Collectivement, c’est la descente en Ligue 2 avec Nantes. C’était un moment très dur à vivre. Après, individuellement, les moments où on se blesse, où on a des blessures importantes sont toujours tristes dans la carrière d’un joueur. J’en ai eu pas mal et c’est ce que je retiens comme des moments de tristesse.
Pour conclure, comment définiriez-vous votre carrière ? Quand je regarde d’où je suis parti à Rosario, je me dis que je suis arrivé loin. Quand je fais la comparaison avec d’autres joueurs, bien sûr que je me dis que j’aurais pu faire un peu plus, mais je suis content de ma carrière et je suis tranquille avec moi-même. Plein de choses font qu’une carrière va plus ou moins loin, mais je pense avoir donné le meilleur de moi-même. Je n’ai pas de regret. Toutes les décisions que j’ai prises, tous les choix que j’ai faits, sur le coup, ils étaient tous corrects. Après, si je me suis trompé, c’est autre chose, mais j’ai la conscience tranquille. J’ai toujours pris mes décisions en étant convaincu que c’était les bonnes.
Propos recueillis par Maeva Alliche