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« Cette nuit était un cauchemar »
Uosof Ahmadi et son ami Kyle se sont offert une nuit de frisson, enfermés dans les toilettes d’Old Trafford pour assister à Manchester United-Arsenal samedi dernier. Le jeune Londonien, étudiant en sciences biomédicales et youtubeur à ses heures perdues, et son pote ont donc profité d’une visite du stade pour s’éclipser et se cacher dans le « Théâtre des Rêves ». Pour une nuit qui n’a pas été de tout repos.
Comment l’idée de passer une nuit à Old Trafford vous est venue ? Il y avait une mode sur Youtube, les gens passaient la nuit dans un endroit un peu spécial. Alors on a voulu s’y essayer. On a tenté de passer la nuit à l’Emirates Stadium. On s’est cachés dans les vestiaires, mais la sécurité là-bas était dix fois pire, donc ils ont tout vérifié et ils nous ont trouvés. Donc on a appris de nos erreurs et quand on a essayé le stade de Manchester United, on s’est dit qu’on y arriverait cette fois.
Vous étiez nerveux au moment de la visite ? Pas vraiment. Au moment où on était dans les toilettes, j’étais nerveux, mais avant ça allait.
Vous vous êtes dit que vous pourriez vous louper encore ?Forcément, on y pense un peu, mais on avait fait tellement d’efforts pour y arriver, on y a tellement pensé que je savais qu’on allait réussir. On devait le faire. Dans ma tête, il n’y avait pas de seconde option. Même quand on était aux toilettes, mon pote était en train de craquer, il m’envoyait des messages parce qu’il avait peur, mais je me disais : « Non, non, non, pas d’excuses, on le fait. »
La visite était si nulle pour que vous la quittiez ainsi ? Non, c’était vraiment super. Je n’étais jamais allé dans le stade de Manchester United. En fait, je n’ai jamais vu un match de foot dans un stade. Depuis que je suis petit, je regarde à la télévision, alors forcément c’était encore plus excitant. Et découvrir Old Trafford, c’était extraordinaire parce que quand j’étais petit, j’étais un grand fan de Manchester United, surtout quand Ronaldo était dans l’équipe.
Alors quand est-ce que l’adrénaline a commencé à monter ?
La partie la plus effrayante, c’est quand on a quitté le groupe, sans que personne ne nous voit. Une fois qu’on s’est enfermés dans les toilettes, je me suis un peu plus senti en sécurité. Jusqu’à ce qu’il y ait cette personne qui frappe à la porte. À ce moment, c’était comme un film d’horreur vraiment.
Raconte-nous cette nuit alors un peu. C’était un cauchemar. C’est la pire chose que j’ai jamais vécue. On n’avait pas mangé parce qu’on avait voyagé en voiture toute la nuit pour gagner Manchester et on serait arrivés en retard pour la visite. Du coup, on avait encore plus froid. Toute la nuit, je n’ai fait que trembler. On ne pouvait pas dormir. Je me suis juste endormi pendant vingt minutes et mon pote me tapait la jambe pour me réveiller parce qu’il y avait un mec de la sécurité dehors.
Il faisait tellement froid qu’à un moment, tu mets des mouchoirs sous ton manteau pour te tenir chaud…On n’était pas habillés assez chaudement. Je me suis rappelé avoir vu cette technique dans une émission de survie, où des gens qui dormaient dehors s’étaient recouverts de journaux et de mouchoirs pour se tenir chaud. C’était comme une inspiration d’un coup.
À un moment, un homme de la sécurité vient taper à la porte des toilettes. C’était quand ?Je crois qu’un autre mec est venu pendant la nuit, mais je ne me souviens plus très bien. Mais je suis sûr que quelqu’un est venu le matin. C’était à quatre heures ou quelque chose comme ça. On n’avait plus aucune notion du temps parce qu’on était totalement endormis. Je crois que le mec cherchait des gens qu’il connaissait et il a pensé qu’on travaillait là. Du coup, j’ai pris l’accent de Manchester pour qu’il y croie.
Tu lui as répondu « Je suis en train de chier, tu veux entrer pour venir chier avec moi ? » Ce n’est pas très poli ça… (Rires) J’avoue que ce n’est pas très bien. Mais bon, j’étais endormi, je ne savais pas trop ce que je faisais. Et puis ça a marché, ça l’a fait fuir… On est finalement ressortis vers 11h, quand les stadiers accueillaient les supporters. On a fait comme si on sortait des toilettes et qu’on était allés se laver les mains.
Et quand tu arrives dans les tribunes pour le match, tu te sens comment ?
D’un côté, j’avais encore froid. Mais en même temps, j’étais tellement excité. La fatigue est vraiment revenue quand on a été interrogés par la police. C’était vraiment la partie la plus ennuyante de la journée. Ils nous ont gardés pendant une heure ou un peu plus.
Donc vous avez vu l’échauffement et le début du match…On a vu quinze minutes du match. Mais il était à guichets fermés. Quelques supporters étaient aussi excités et sautaient un peu partout. Puis la sécurité est arrivée et a dit à tout le monde d’aller se rasseoir. Alors j’ai fait croire que j’avais besoin d’aller aux toilettes. On a regardé le match quelques minutes sur les écrans et on s’est dit : « Allez, on essaye d’y retourner ! » Mais il y avait cinq policiers, ils nous ont demandé nos tickets et mon ami a un peu paniqué et a avoué qu’il n’avait pas de ticket. C’est là qu’on s’est fait choper.
Du coup, vous racontez votre aventure aux personnes de la sécurité. Comment ont-ils réagi ? Au début, ils n’y croyaient pas. Et puis ils se sont mis à rire quand je leur ai montré les tickets de la visite. Même si certains restaient très sérieux.
Et vous n’avez pas eu peur d’avoir de gros soucis pour cette histoire ?Honnêtement, non. C’était plus embarrassant pour eux. Et puis on avait payé nos tickets, donc ils savaient déjà qui on était et qu’on ne représentait pas une menace. Et comme les mecs avaient plutôt l’air de rigoler, je n’étais pas trop inquiet. Même si un policier voulait nous arrêter, très sérieusement.
Et tu serais prêt à le refaire, dans un autre stade ? Là, maintenant ? Oh non ! Et puis j’ai un examen vendredi, donc je dois réviser.
Propos recueillis par Robin Richardot