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Cette Espagne qui gagne « moche »
Souvent encensée pour son jeu léché, l'Espagne sait aussi gagner salement. Cette Coupe des confédérations brésilienne est là pour le rappeler. De quoi se demander si la Roja n'a pas atteint l'âge de raison.
« Nous aimerions terminer ce cycle et en commencer un nouveau. Le fait d’avoir gagné tant de choses nous remplit de fierté. Il y a une génération fantastique pour continuer à gagner des titres. La santé est extraordinaire et il faut en profiter. Ce groupe a beaucoup de mérite. » À bientôt 34 ans, Xavi Hernández parle comme un vieux sage. Conscient du chemin parcouru depuis cette gifle zidanesque de 2006, le vice-capitaine de la Roja se la joue modeste. Une constante chez lui. À lire la presse espagnole et le discours de certains de ses coéquipiers, le tempo est pourtant différent. Lorsque Fernando Torres s’espère en « Brésil du présent » , ou que le très sérieux El País envoie « l’Espagne la plus brésilienne provoquer l’autre Brésil » , par exemple. Pas de quoi contester la prétention de Jules César, mais suffisant pour se demander si cette Espagne n’est pas arrivée au bout. Le sentiment de gagne qu’elle insuffle tend à prouver le contraire. Son niveau de jeu actuel le contredit. État des lieux avant cette finale tant attendue.
Si chère et tendre Italie
Comme théâtre, le Maracanã. Comme adversaire, le Brésil. Pour asseoir sa domination mondiale, la Roja ne pouvait espérer meilleur scénario. Seul titre manquant à sa collection, la Coupe des confédérations n’a jamais suscité autant de désirs. Avec un succès dominical, la sélection de Vicente del Bosque bouclerait une boucle entamée en 2008. Depuis, elle s’est fendue d’un triptyque Euro-Mondial-Euro inédit. Passée à la postérité pour ses trophées, c’est son jeu qui fait sa renommée. Un jeu made in Barça où les milieux de terrain sont rois, la possession outrancière. De l’Euro helvético-autrichien au Mondial sud-africain, l’Espagne avait impressionné par sa capacité à enchaîner les prestations de haut vol. Le dernier rendez-vous européen avait, lui, offert un visage plus froid. Capable d’étouffer son adversaire, elle avait peiné à se créer des occasions. Moins fluide, son jeu a pris de la maturité. Et de la chienlit. À chaque compétition – Coupe du monde 2010 mise à part – c’est l’Italie qui lui a remis les idées en place. Que ce soit en 2008 pour lui faire franchir un palier, ou en 2012 pour lui offrir un sacre en mondovision. Cette fois encore, en 2013, c’est une Squadra Azzurra agréable qui est rentrée à la maison la queue entre les jambes.
La marque des grands ?
Redondants, ces rendez-vous méditerranéens appuient la thèse d’une Roja sur commande. Depuis 2010, la sélection espagnole se sait attendue à chacune de ses sorties. Ses adversaires, après analyses et dissections, sont au fait de ses us et coutumes. Que ce soient la France à l’automne, le Portugal et la Croatie l’été dernier, les sélectionneurs adverses trouvent des solutions. Un peu à l’instar du Barça, l’Espagne fanfaronne moins. Ou, tout du moins, son sentiment d’invulnérabilité a pris du plomb dans l’aile. Calquée sur beaucoup d’aspects au toque guardiolesque, la Roja a, elle, su s’adapter. Face au jusqu’au-boutiste divin chauve catalan, Vincent du Bois est, lui, plus pragmatique. Son ossature, bien que barcelonaise, a appris à gagner moche. Qu’importe si la possession doit atteindre des sommets d’inutilité. Sa sélection est à l’image de celle qui la compose : du romantisme blaugrana juxtaposé à la gagne madridista. Dans ce renouvellement par le bas – on caricature, hein – l’Espagne est sans doute définitivement entrée dans la cour des grands. La rançon de la gloire, paraît-il.
Par Robin Delorme