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« Cette Atalanta respire la fraîcheur et la jeunesse »

Propos recueillis par Mathieu Rollinger
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L'Atalanta s'apprête à découvrir les huitièmes de finale de la Ligue des champions ce mercredi face à Valence. Le milieu Ousmane Dabo et l'attaquant Julien Rantier ont connu le club bergamasque entre 2001 et 2003, une époque où il était réputé pour sa formation, mais en proie à la relégation. Les Français profitent de ce match historique pour mesurer le chemin parcouru par la Dea en moins de vingt ans.

Doit-on être surpris de voir l’Atalanta en huitièmes de finale de la Ligue des champions ?Julien Rantier (1 match) : Pour moi, il n’y a rien de surprenant. C’est juste beau. Ils font vraiment quelque chose de grand. Ousmane Dabo (56 matchs, 4 buts) : C’est un club qui a toujours été très bien structuré avec de très bonnes fondations, même s’il pouvait faire par moment l’ascenseur. Ils savent très bien progammare comme ils disent là-bas, c’est-à-dire construire un vrai projet à moyen et long terme, avec notamment du bon recrutement. JR : La qualité du club a toujours été de miser sur les jeunes. Et tu sens que ce n’est pas que des paroles. Quand je suis venu en Italie, je l’ai choisi justement pour ça. J’étais avec plusieurs joueurs formés au club devenus ensuite des références, comme Giampaolo Pazzini, Riccardo Montolivo, Simone Padoin. Moi, ça m’a fait grandir, et le club en a fait de même. À la fin, tous ces efforts finissent par payer. Ce club est solide, sérieux et bien structuré, de ses équipes de jeunes à la direction. Ça respire la fraîcheur et la jeunesse.

Pourquoi l’Atalanta émerge à ce niveau aujourd’hui et pas plus tôt dans son histoire ?OD : Déjà, le championnat d’Italie a changé. Auparavant, les gros clubs de Milan, de Rome et la Juve étaient intouchables, avec des effectifs remplis de stars et de joueurs de classe mondiale. Même s’il reste de très bonnes équipes, les débats se sont rééquilibrés aujourd’hui. C’est comme ça que l’Atalanta a réussi à tirer son épingle du jeu, alors qu’avant c’était injouable.

Gasperini a opéré un changement de mentalité. Son jeu permet à ses joueurs de prendre confiance et de n’avoir peur de personne.

JR : Je pense aussi que, depuis 2016, Gian Piero Gasperini fait la différence par rapport aux années précédentes. Lorsque je suis parti de l’Atalanta, il m’avait appelé. Lui était alors à Crotone, avec Sébastien Piocelle et Abdoulay Konko, mais ça ne s’est pas fait. À Bergame, cet entraîneur a opéré un changement de mentalité. Son jeu permet à ses joueurs de prendre confiance et de n’avoir peur de personne. Il a aussi trouvé un bon mix entre des jeunes et les gens d’expérience comme Papu Gómez et Josip Iličič. Tactiquement, il cherche en permanence à avoir des un-contre-un sur tout le terrain et met en place quelque chose de très très offensif. OD : Gasperini est un super coach. Quand il était au Genoa, il nous donnait déjà mal à la tête. Il veut la possession du ballon, mettre de l’intensité en permanence, faire un gros pressing. Il a eu un peu de malchance lors de son passage à l’Inter (4 défaites en 5 matchs en 2011, N.D.L.R.), mais il a les qualités pour entraîner des grandes équipes.

Que représente l’Atalanta dans votre carrière ?JR : L’Atalanta est toujours dans mon cœur. Avec elle, j’ai évolué avec la Primavera, j’ai été le meilleur buteur dans cette catégorie, j’ai découvert la Serie A à 18 ans. Avant ça, j’étais au Nîmes Olympique, où j’ai disputé mon premier match de Ligue 2 à 17 ans. Puis le club n’a pas tenu les promesses qu’il m’avait faites, ce qui m’a poussé à partir. Beaucoup de clubs s’étaient intéressés à moi, comme l’Inter et Pérouse et j’ai opté pour un club sérieux qui comptait sur les jeunes et où je pouvais construire quelque chose : c’était l’Atalanta.OD : Je sortais de plusieurs prêts à Monaco et Vincenza. Et avec mon père, on a fait le choix de l’Atalanta pour que je puisse m’y épanouir et jouer régulièrement. C’est le premier club où j’ai réussi à me stabiliser. C’est pour ça que je suis toujours un vrai sympathisant de ce club.JR : J’ai été super bien intégré par des personnes en or, notamment Mino Favini, qui était le responsable de la formation, un grand homme, une institution, qui nous a quittés en avril dernier. On était bien dans ce club.OD : Quand on y était, il y avait beaucoup d’Italiens, ça donnait une ambiance très familiale. J’ai un super souvenir de ces deux ans à l’Atalanta.

Malgré la relégation, 2002-2003 était paradoxalement une des meilleures saisons de ma carrière d’un point de vue personnel. L’Atalanta m’a permis d’être sélectionné en équipe de France, de participer à la Coupe des confédérations 2003 et d’aller ensuite à la Lazio.

En 2002-2003, vous avez connu l’Atalanta qui se battait pour son maintien. Que retenez-vous cette saison à la Dea ? OD : C’était une énorme frustration. On avait perdu en barrages contre la Reggina. Je me souviens qu’on ne devait jamais perdre ce match-là.JR : Cette année-là, on avait une grosse équipe, avec Massimo Taibi, Massimo Carrera, Cristiano Doni, Fausto Rossini, Davor Vugrinec, Gianni Comandini, les frères Zenoni. De quoi se maintenir tranquillement, mais on est finalement tombés en Serie B.OD : On avait eu pas mal de blessures aussi. Malgré la relégation, c’était paradoxalement une des meilleures saisons de ma carrière d’un point de vue personnel. L’Atalanta m’a permis d’être sélectionné (3 fois) en équipe de France, de participer à la Coupe des confédérations 2003 et d’aller ensuite à la Lazio.JR : L’entraîneur Giovanni Vavassori m’avait inscrit sur la feuille de match pour la première fois contre le Milan à San Siro, sans que j’entre en jeu. On menait 3-0, mais on finit avec un nul. Après ça, Vavassori se fait virer, et c’est le coach de la Primavera, Giancarlo Finardi, qui a pris le relais. Et lors de son premier match, il me titularise d’entrée contre Como. On avait gagné 2-1, mais on a ensuite joué des grosses équipes et je n’ai plus joué. Donner des responsabilités à un jeune dans une équipe en lutte pour le maintien, c’est difficile, voire impossible. Ce n’était pas à moi de sauver le club.

La ville de Bergame participe aussi au charme de ce club. Vous en avez pensé quoi ?JR : C’est une ville super agréable. J’étais jeune, on sortait souvent faire des tours en ville avec les gars de l’équipe, on faisait un tour au centre commercial… Il y a Bergamo-Bassa et Bergamo-Alta que l’on relie par un funivia (un funiculaire, N.D.L.R.). OD : La cité haute, avec ses monuments qui surplombent Bergame, c’est vrai que c’est magnifique.JR : Et puis, c’est une ville qui respire le foot. Le stade est toujours plein, et c’était déjà le cas à l’époque. Malgré la proximité de Milan, les gens de Bergame ne supportent que l’Atalanta.OD : Les tifosi sont très très chauds. Quand on était en stage de préparation, il y avait des centaines de supporters qui étaient là à chaque entraînement. C’était impressionnant.

L’Atalanta, avec ses moyens « modestes » et ses ambitions actuelles, devrait-elle être un exemple pour plusieurs clubs moyens de Ligue 1 ?OD : Bien sûr !

Les gens veulent des joueurs qui font tout de suite la différence. Mais ce n’est pas comme ça que ça marche : le temps fait la différence. Et c’est là que la patience devient un atout. L’Atalanta est une machine à former des joueurs.

En Italie, pas mal de clubs s’inspirent déjà de ce modèle. En Ligue 1, ils devraient faire de même et arrêter de se mettre des barrières en Coupe d’Europe. L’Atalanta prouve qu’il n’y a pas besoin d’avoir des joueurs très connus pour se mesurer aux plus grands. JR : Aujourd’hui, les gens veulent tout et tout de suite. Ils veulent des joueurs qui font tout de suite la différence. Mais ce n’est pas comme ça que ça marche : le temps fait la différence. Tu crées, tu formes les jeunes pour ensuite avoir des résultats. Il faut accepter aussi d’avoir des années plus prolifiques que d’autres. Mais c’est là que la patience devient un atout. L’Atalanta est une machine à former des joueurs.

Seulement cinq Français ont porté le maillot de la Dea : Franck Sauzée, Anthony Mounier, vous deux et Adrien Tameze, prêté par l’OGC Nice cet hiver. Pensez-vous que c’est un club francophile ? OD : Déjà, je pense que Tameze est une bonne pioche. Il était moins titulaire avant son départ, mais il atterrit dans un club où il pourra rebondir en ayant un rôle important. Sinon, c’est vrai qu’il n’y a pas eu énormément de Français, mais ceux qui y sont passés ont laissé une bonne image, pour la plupart.JR : Au-delà des Français, il y a à Bergame un vestiaire très international. Le club a des yeux sur les joueurs d’autres pays européens, l’Argentine, le Brésil et partout dans le monde. Si je me souviens bien, je jouais avec un Australien (Adrian Madaschi, N.D.L.R.). Mais dans ce club, si un étranger est au même niveau qu’un Italien, ils feront jouer l’Italien. Ça participe à créer cette identité, car, souvent, quand un étranger débarque, on croit toujours qu’il est meilleur que ce que tu as déjà. Et ce n’est pas toujours vrai.

L’Atalanta peut s’implanter durablement dans le top 5 italien.

Pensez-vous que cette période faste pour l’Atalanta peut se prolonger, au point de faire de ce club un des futurs cadors du championnat italien ?OD : C’est en tout cas leur projet. Ils s’emploient déjà à refaire le stade, et ça participe au fait que je suis optimiste pour eux. Ils peuvent s’implanter durablement dans le top 5 italien.JR : Ils ont trouvé la bonne formule, mais il faudra continuer à se développer dans cette voie. Je pense qu’ils sont bien partis. Après, avec le temps, on ne sait pas ce qu’il peut se passer. Le club est assez stable, mais ce qui a fait la différence dernièrement, c’est le coach Gasperini. S’il était amené à partir, ça pourrait changer la donne.

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