- Autres championnats
- Russie – Rotor Volgograd
C’était le Rotor Volgograd…
La nouvelle est passée un peu inaperçue, mais le Rotor Volgograd a été officiellement mis en faillite ces derniers jours, au terme d'une décennie de crises. En attendant d'envisager un hypothétique retour en repassant par la case amateur, retour sur les années de gloire de ce club mythique, madeleine de Proust des supporters nantais et bordelais des nineties, mais qui a en revanche laissé un bien mauvais souvenir aux Mancuniens, hormis à Peter Schmeichel…
Voilà, c’est fini. Du moins pour l’instant. Début avril, le Rotor Volgograd a été officiellement mis en faillite et n’aura, quoi qu’il arrive, pas de licence pro la saison prochaine. Mais, en vérité, ça fait dix ans que ça déconne pour ce club qui sent bon les nineties et qui n’est jamais parvenu à se remettre de crises en série qui l’avaient déjà bien amoché. La dernière, sportive et financière, l’a achevé. Sportivement, c’était cette relégation en D3 russe au printemps dernier. Économiquement, la chute du rouble a fini d’enfoncer une comptabilité déjà bien rouge. Avant de balancer la nécro, il faut bien reconnaître que cette faillite interpelle doublement. D’une part au niveau local, puisque c’est du seul club pro de Volgograd dont on parle, la douzième ville du pays, un symbole historique en Russie – oui, on parle bien de l’ex-Stalingrad – et une de celles qui vont accueillir des matchs de la prochaine Coupe du monde. L’ancien stade Central construit dans les années 60 doit laisser place très prochainement à une rutilante nouvelle enceinte baptisée Pobeda (pour « Victoire » ). Sans équipe pro pour l’occuper, quel serait son avenir après le Mondial 2018 ? Au niveau national aussi, cette faillite pose question. Certes, le Rotor vivotait depuis dix ans, mais c’est bien la crise du rouble qui a eu raison de lui et qui pourrait à terme menacer d’autres clubs du pays. En D1, certains comme Rostov et Amkar Perm tirent aussi la langue. Les dirigeants de formations de haut de tableau comme le Spartak et le CSKA se sont aussi publiquement inquiétés de la situation et de ses conséquences. Le championnat russe, considéré encore il y a peu comme un nouvel eldorado, pourrait à moyen terme ne plus l’être. Y aura-t-il d’autres Valbuena ? Affaire à suivre…
Deux fois vice-champion de Russie
En attendant, c’est le moment de ressortir le magnéto pour se remémorer les grandes heures du Rotor, club né sous ce nom en 1929 en référence à la grande usine d’équipements agricoles de Stalingrad et dont le site a été le théâtre de féroces combats durant le siège de la ville pendant la Seconde Guerre mondiale. Dernier champion de D2 d’URSS en 1991, le Rotor est l’un des clubs phares de la Russie post-soviétique, se classant deuxième de D1 par deux fois en 1993, puis en 1997, chaque fois derrière l’intouchable Spartak, vainqueur de neuf des dix premiers championnats de Russie dans les années 90. Surtout, le Rotor va construire sa légende sur la scène européenne. En 1994 déjà, ce sont les Nantais qui vont les premiers apprendre à connaître les gaziers, avec une opposition entre les deux formations comptant pour le deuxième tour de la Coupe UEFA. La grande équipe du FC Nantes qui survolera le championnat de France cette saison-là va connaître l’une de ses rares défaites de la saison à l’aller sur la pelouse de Volgograd, malgré deux superbes buts collectifs avec Ouédec et N’Doram à la conclusion. Le Rotor s’impose 3-2 grâce à trois coups de pied arrêtés, avant de s’incliner sur le « tarif maison » de la Beaujoire : 3-0 (doublé de Ouédec, qui manque le penalty du triplé, troisième but de Loko). Fin de l’aventure pour les Russes, mais un an après, ils reviennent sur la scène européenne et signent alors un exploit retentissant.
La tête vaine de Schmeichel
Cet exploit, ce n’est rien de moins que l’élimination du grand Manchester United, au même stade du deuxième tour de la Coupe UEFA. À l’aller à Volgograd, devant 40 000 personnes, les hommes de Viktor Prokopenko se défendent et obtiennent le nul 0-0. Pour les Red Devils, c’est un bon score avant, espèrent-ils, de finir le travail à Old Trafford. Certainement trop sûrs de leur force, ils se font surprendre avec deux buts des visiteurs marqués dans la première demi-heure, par Niederhaus et Veretennikov (trois fois meilleur buteur du championnat russe dans les nineties). À l’heure de jeu, Scholes réduit le score. Le Rotor tient son avantage jusqu’à la dernière minute de jeu et l’improbable égalisation signée du gardien Peter Schmeichel sur corner. Monté dans la surface adverse, le Danois surprend les Russes qui l’oublient au marquage. Un but resté fameux, mais qui ne change rien : c’est bien le Rotor qui se qualifie face à Beckham, Giggs, Cole, Keane, Sharpe, Pallister, Bruce and co (Cantona termine à l’époque sa lourde suspension suite à l’affaire du kung-fu).
La cagade de Gaëtan Huard
Au tour suivant, Volgograd hérite de Bordeaux au tirage. Comme un an auparavant, ce duel franco-russe va tourner à l’avantage du club français, même si les Girondins se font peur à l’aller au Parc Lescure, se trouvant menés 0-1 sur un but casquette encaissé par Gaëtan Huard : aveuglé par les éclairages, il relâche dans son but une frappe non cadrée… Sans Zidane, Dugarry, ni Lizarazu (qui connaît certainement à cette occasion sa première expérience de consultant télé), Bordeaux s’accroche néanmoins et parvient à l’emporter 2-1 sur le fil grâce à Histilloles et Witschge sur penalty. Domination confirmée lors du retour à Volgograd le 31 octobre 1995, avec une victoire 1-0 des visiteurs, grâce à un but de Bancarel en fin de rencontre. Fin de l’histoire pour les Russes, tandis que les Bordelais ne sont alors qu’au début d’une folle épopée européenne qui les conduira jusqu’en finale face au Bayern. Le Rotor réussit donc la performance de constituer un bon souvenir commun à la fois aux supporters nantais et bordelais.
Par Régis Delanoë