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C’était « Jour de foot »

Tous propos recueillis par Swann Borsellino
C’était «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Jour de foot<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Un nom. Un générique. Un rendez-vous. Une putain d’histoire. Née le 2 septembre 1992 dans la foulée des Jeux Olympiques de Barcelone sur Canal +, l’émission Jour de foot a été un laboratoire et un centre de formation avant d’être un immense succès. Neuf membres de l’épopée reviennent sur des années qu’ils n’oublieront jamais. Jour de foot est mort à presque 29 ans. Vive Jour de foot.

Casting

Charles Biétry, directeur des sports de Canal + de 1984 à 1998Jérôme Revon, réalisateur pour Jour de foot et l’Équipe du dimancheGrégoire Margotton, journaliste, arrivé en stage chez Canal + à l’été 1992Vincent Radureau, journaliste, arrivé en stage chez Canal + à l’été 1992Philippe Bruet, journaliste, arrivé chez Canal + à la rentrée 1992Philippe Genin, journaliste, arrivé chez Canal + en février 1993Nathalie Iannetta, journaliste, arrivée chez Canal + en en 1995Paul Elkaim, journaliste, chef d’édition puis rédacteur en chef de Jour de foot, arrivé chez Canal + en 1995Hervé Mathoux, journaliste, arrivé chez Canal + après la Coupe du monde 1998


« J’avais 22 ans, on était des gamins et on bossait avec Thierry Gilardi, Pierre Sled, Éric Bayle… Notre surnom, c’était Boule et Bill (rires). Ça a été la base. D’ailleurs, on n’a jamais su qui était Boule et qui était Bill. Il y a aussi eu Pipo et Mario, Roux et Combaluzier, mais c’est ça qui est resté : Boule et Bill. »

Été 1992. Canal + se prépare à une antenne historique pour les JO de Barcelone. Au total, 120 soldats de la chaîne cryptée sont envoyés au front avec une mission simple : révolutionner la diffusion d’un événement sportif « live » . Pendant ce temps, en France, deux stagiaires sont recrutés au service des sports pour tenir la baraque. Quelque part entre la Catalogne et la tour Olivier de Serres, dans le XVème arrondissement de Paris, Jour de foot est en train de naître. Charles Biétry : Je cherchais deux jeunes stagiaires pour cette période car toute l’équipe était en Espagne. Pour la première fois, une chaîne diffusait les Jeux Olympiques 24h/24, donc on avait vraiment besoin de tout le monde. Du coup, il fallait quand même assurer une permanence à Paris. Je suis allé voir au CFJ. C’est là que j’ai trouvé Grégoire Margotton et Vincent Radureau. Ils me paraissaient passionnés et intelligents. Je ne prends jamais quelqu’un au hasard. Je ne sais pas si c’est une qualité, mais je juge les gens très vite. L’avantage, c’est que je me suis rarement trompé. Je leur faisais toute confiance. Ça a fait gagner pas mal de temps.Grégoire Margotton : On est arrivés le 1er juin 1992. Ils sont tous partis le 20 ou le 25 juin, je crois. Deux ans auparavant, je voulais être journaliste politique. Mais quand la demande de Canal + est tombée au CFJ, que l’on a vu qu’il fallait être bons en anglais et que c’était notre cas, on a foncé. Ils avaient besoin de deux personnes qui pouvaient se débrouiller vite pour faire des sujets sur d’autres compétitions ou qui étaient capables d’assurer un truc si Platini avait un accident de voiture.Vincent Radureau : Dès notre arrivée, on a mis les mains dans le cambouis. Je dis « on » , car on était vraiment un duo à l’époque : « les deux petits jeunes qui faisaient les sujets sports » . En restant à Paris avec Greg, on a pu se former à tenir à la maison tous seuls. Grégoire Margotton : J’avais 22 ans, on était des gamins et on bossait avec Thierry Gilardi, Pierre Sled, Éric Bayle… Notre surnom, c’était Boule et Bill (rires). Ça a été la base. D’ailleurs, on n’a jamais su qui était Boule et qui était Bill. Il y a aussi eu Pipo et Mario, Roux et Combaluzier, mais c’est ça qui est resté : Boule et Bill. Charles Biétry : À Canal, on n’arrêtait jamais et pas qu’au sport. Le talent était présent à chaque regard qu’on croisait. Chacun passait son temps à chercher des idées et à en avoir. L’idée de Jour de foot est donc arrivée naturellement. Le plus dur, ça a été, comme toujours, d’avoir les droits et il est apparu, lors des discussions que j’avais à la Ligue, qu’il était possible – gratuitement en plus – de faire des résumés aussitôt les matchs terminés. Il fallait simplement avoir l’idée de faire des résumés le plus vite possible. Jérôme Revon : Il faut se replacer dans le contexte du début des années 90. À l’époque, on n’avait pas du tout le matériel pour lancer ces émissions-là. L’avantage, c’est que les JO de Barcelone nous ont un peu appris à gérer ce genre de choses : l’immédiat, le quasi-direct, le fait d’être dans une véritable opération commando. C’est en quelque sorte Barcelone qui a initié Jour de foot. La méthodologie de l’émission s’est mise en place durant les JO, où on s’est servis des premiers LSM, des disques durs qui permettaient d’être calés instantanément. On les avait ramenés de Belgique. On a aussi eu les premières loupes…

Grégoire Margotton : Pour la première journée de D1 1992-93, les équipes n’étaient pas encore rentrées de Barcelone. Avec Vincent, on a donc été les premiers à être testés en conditions réelles sur ce qui allait ensuite devenir Jour de foot. On a été des cobayes, en quelque sorte. Moi, j’ai été envoyé à Saint-Étienne, pour un Sainté-PSG. Il fallait rendre un résumé de match diffusable dix minutes après la rencontre. Vincent Radureau : Pour moi, c’était Monaco. Il me semble que c’était un 8 août. On a proposé trois matchs. C’était un test car si on pouvait en faire trois, on pourrait en faire dix une fois que tout le monde serait rentré de Barcelone. Venant des news, on savait comment faire un petit sujet et le balancer rapidement mais quand même, là, le challenge était relevé. Il fallait descendre de son poste de commentateur, filer dans le car régie, retrouver le monteur qui avait deux petites machines devant lui, monter le résumé, poser sa voix, envoyer le tout… Charles Biétry : Si je me souviens bien, c’est Philippe Doucet qui, lors d’une réunion où des noms fusaient dans tous les sens, a sorti « Jour de foot » . Et ça s’est imposé. Lorsque ce nom est sorti, la discussion s’est arrêtée… Et il y a eu cette première émission, à l’été 92. Un soir important pour me rassurer que je ne m’étais pas trompé. C’était assez risqué car si ça n’avait pas marché, on aurait eu l’air cons.

« On prenait un shoot d’adrénaline tous les samedis. Il fallait aussi bien connaître les journalistes. Certains étaient tatillons, comme Jean-Charles Sabatier. Il lui fallait un truc hyper découpé, hyper précis, parfaitement calé, c’était une machine. Phillipe Genin ou Denis Balbir, eux, pouvaient te commenter n’importe quoi à la volée. »

Le test de « Boule et Bill » réussi, Jour de foot voit officiellement le jour le 2 septembre 1992. La présentation est confiée à Thierry Gilardi, débauché de la FNAC par Charles Biétry cinq ans auparavant. Véritable défi technique et éditorial, la machine se rode puis grandit. De nombreux journalistes débarquent au service des sports, parmi lesquels les Philippe, Bruet et Genin. La vague d’embauche se poursuit avec l’arrivée de ce que tous appelleront « l’armée mexicaine » . Philippe Bruet : Charles Biétry m’a appelé à la fin du mois d’août 92, car une émission qui allait s’appeler Jour de foot se lançait. Il a fait signer sept ou huit journalistes d’un seul coup afin d’avoir une équipe d’expérience capable d’aller sur les stades et de créer des résumés. C’était nouveau pour moi car je n’avais pas fait beaucoup de foot. J’avais fait de la F1, du Paris-Dakar et plein d’autres choses mais couvrir un match et être capable de le résumer en peu de temps alors que tout allait peut-être se passer à la fin du match, ça, je ne l’avais jamais fait. Philippe Genin : Moi, je suis arrivé en février 93. À l’époque, j’habitais encore à Saint-Étienne et un j’ai eu l’opportunité un jour de faire une maquette. Je tremblais comme une feuille, mais après l’avoir rendu à Charles Biétry et Thierry Gilardi, Charles me dit : « Banco, tu commences samedi. » J’ai commencé par un Sainté-Auxerre, en doublon avec Denis Balbir. Première interview : Guy Roux, ça a commencé fort. Derrière, j’ai fait Coco Suaudeau, qui a essayé de me coller au mur. On grandissait vite avec ça…

Jérôme Revon : Quand Jour de foot a commencé, on s’est d’abord dit : « C’est chaud… » On essayait tout. Le service des sports était un vrai laboratoire et Jour de foot, c’est une histoire de complémentarité, une association entre journalistes, monteurs et réalisateurs qui était un peu unique dans le métier. Mon rôle était d’être en relation avec les stades, à Paris. Et évidemment, à l’époque, sans téléphone portable. Grégoire Margotton : À cette époque, Jour de foot est une prouesse absolue et ça l’a été pendant des années. Autant commenter un match pendant 90 minutes, je le fais naturellement, c’est « simple » , mais j’ai toujours été très tendu avant un Jour de foot. Concentrer l’intensité d’un événement sportif en trois minutes, c’est très compliqué. Tu dois tout choisir : les images, les mots, le silence. C’est un exercice extraordinaire, le plus compliqué de tous selon moi. Parce que tu devais mixer en direct, dans des conditions folles, dans un petit car. À l’arrière, tu avais le montage et dans le poste de pilotage du camion, tu avais le volant face à toi, un écran et un casque relié. T’entendais un top et tu te lançais dans le vide. Phillipe Genin : Je me souviens d’un Saint-Étienne-Cannes. Ma télé devait faire quinze centimètres de large et l’écran était coupé en deux : les têtes en bas, les pieds en haut. Une autre fois, j’ai fait tomber mes fiches avec les timecodes pour le montage dans un coin inaccessible du car. On a dû démonter le machin.Philippe Bruet : C’était un vrai travail d’équilibriste et pendant les quatre minutes de notre résumé, on tremblait. Charles Biétry : C’était très compliqué à monter et il y a deux noms à donner : Jérôme Revon et Jean-Pierre Bertoni. Sans eux, ça aurait été impossible. Derrière, il a aussi bien sûr fallu le talent de tous les journalistes. Au départ, quand on leur a dit : « il faut qu’une minute après la fin du match, votre résumé soit monté » , leur première réaction a été : « T’es malade ou quoi ? Comment tu veux qu’on fasse ça ? » Il fallait monter pendant le match et donc avoir l’intelligence de savoir s’il fallait mettre beaucoup en première mi-temps ou en garder pour le dernier quart d’heure si on sentait qu’il y aurait plein de buts… Vincent Radureau : Le défi, c’était ça : l’immédiateté. On a participé à une nouvelle manière de voir le sport ainsi. Du coup, on prend des notes, on commence à écrire mais pas trop. À la mi-temps, on descend dans le car régie, on commence à monter quelques minutes, puis on désespère car on se rend compte qu’on a que 30 secondes sur un sujet qui doit faire trois ou quatre minutes. Ouais, c’était un peu stressant (rires). Paul Elkaim : Quand je suis arrivé chez Canal, en 95, il y avait un poste qui n’existait pas vraiment, c’était entre monteur, assistant et journaliste. C’était un poste un peu bâtard car il n’y avait que des commentateurs à l’époque. Et en 96, Canal a décroché les droits du pay per view, le Kiosque, qui a été un véritable changement dans l’histoire de Jour de foot. Avant, tu avais une équipe qui partait avec quatre caméras pour faire un résumé. Là, les équipes devaient aussi se charger de la retransmission puisque la rencontre était désormais en direct. Il fallait donc du monde pour faire les résumés, des personnes avec un profil plutôt journaliste, mais junior. C’est là qu’une petite troupe est arrivée pour sillonner la France tous les week-ends : les Mexicains, ce sont eux. Je suis arrivé le premier et l’année suivante, on était une dizaine de jeunes branleurs entassés dans un grand bureau. D’où l’armée mexicaine. Nathalie Iannetta : Cette doublette journaliste-mexicain, c’est la plus belle complémentarité efficacité-talent. Tous les samedis, tu avais dix matchs, dix journalistes, dix mexicains, dix cars régies, un Jour de foot. Paul Elkaim : Notre arrivée a changé l’émission car désormais, le journaliste devait faire un direct vingt minutes avant son match et vingt minutes après. Il avait cinq minutes pour faire son résumé et l’envoyer, donc il fallait avoir une confiance aveugle et des petits codes de communication pendant le match. C’est le Mexicain qui fabriquait le résumé. Et à l’époque, il fallait éjecter les bandes et revenir à l’image. Les matchs étaient en train de s’enregistrer donc à la dernière minute, pour retourner au coup d’envoi de la première mi-temps, il fallait cinq minutes… C’est con, mais quand tu as quinze minutes pour faire ton résumé, c’est compliqué, il fallait savoir où tu allais. On prenait un shoot d’adrénaline tous les samedis. Il fallait aussi bien connaître les journalistes. Certains étaient tatillons, comme Jean-Charles Sabatier. Il lui fallait un truc hyper découpé, hyper précis, parfaitement calé, c’était une machine. Phillipe Genin ou Denis Balbir, eux, pouvaient te commenter n’importe quoi à la volée. Après, tout était une question de profil en fonction des matchs. Certains avaient le profil parfait pour passer en premier car ils montaient hyper vite. Guillaume Coves, par exemple, il passait toujours en premier et on le mettait avec un journaliste qui commentait à la volée.Jérôme Revon : On avait un ordre et en fonction, si le premier était occupé, on envoyait le second, tout en essayant de garder le suspense qu’on avait mis en place dès le début. On avait des petites techniques pour assurer le début de l’antenne. Et au pire, s’il fallait, on envoyait les buts et Thierry Gilardi les commentait en plateau. Mais je n’ai pas le souvenir d’un match qu’on aurait passé à la trappe.Nathalie Ianetta : Tu avais des avions de chasse à tous les niveaux. Les cadreurs, c’étaient les meilleurs. Les scripts, c’étaient les meilleurs. Les LSM, c’étaient les meilleurs. Les journalistes, c’étaient les meilleurs. Tout le monde se tirait vers le haut.

« La rigueur, c’était primordial. Celui qui n’en avait pas n’avait aucune chance de rendre un produit fini quelques minutes après le coup de sifflet final. Dans l’équipe, la rigueur était un critère d’embauche. Le principe fondamental de Canal, c’est que la télévision était gratuite. Nous, on demandait aux abonnés de payer pour regarder la télé. Vous n’allez pas payer quelque chose si vous pouvez l’avoir gratuitement à côté. C’était inscrit en lettres de feu à Canal. Sans un produit d’exception, l’abonné n’aurait pas payé. Il serait parti. »

Malgré la difficulté de l’exercice et les imprévus qui vont avec, Jour de foot s’installe durablement comme le rendez-vous favori des footeux mais aussi des journalistes. « Un âge d’or » pour certains, « une formidable école » pour d’autres, où la doublette Charles Biétry – Thierry Gilardi a su faire cohabiter les égos, entre culture de la rigueur et culture de l’excellence. Philippe Genin : On a tous été punis. Il n’y a pas un gars qui n’a pas été puni. Charles, il m’a puni une fois, je l’avais mérité je m’en suis souvenu toute ma vie. J’avais mal parlé à une personne. J’ai été au placard pendant quatre ou cinq mois. Puis un jour, il s’est demandé qui pouvait faire un sujet sur Rolland Courbis et sa mère. J’ai dit : « Moi, je peux le faire » . Il m’a répondu : « Ça a intérêt à être bien » . J’ai fait un sujet sur ça, sur le perroquet que Rolland avait offert à sa mère. Le sujet passe à l’antenne, pas de nouvelle. Le lendemain, je prépare les buts anglais pour l’EDD, Charles arrive, prend ses journaux et me dit : « Très bien le sujet hier » . J’ai dit : « Merci, Charles » . Et c’était reparti. On avait un vrai patron. Quelqu’un qui nous aimait. Et on l’aimait en retour. Paul Elkaim : Thierry Gilardi, on l’appelait « bouillotte » , car il partait au quart de tour. Parfois, il se barrait parce qu’un gars avait fait une connerie. Il estimait que c’était impardonnable. À l’époque, il y avait une exigence de qualité, de ce qu’était Canal +, de ce que l’on devait offrir aux abonnés. Il y avait un pacte, on était sur place grâce à eux, il fallait qu’on soit le meilleur possible pour eux. Gilardi et Bietry, le terme est un peu fort, mais c’étaient des tyrans de l’info, de l’image, de la manière de faire. C’était dingue. Il y avait une exigence qu’ils s’imposaient à eux-mêmes et derrière, tu n’avais pas intérêt à faire une connerie car eux, ils étaient irréprochables. Jérôme Revon : C’était une très belle école du direct. Beaucoup des Mexicainss, après Jour de foot, ont réussi dans ce qu’ils aimaient. On était sans filet, ça forme des gens, des journalistes notamment, qui savent tout faire, sans prompteur, dans toutes les situations possibles. D’un point de vue personnel, ça m’a ouvert beaucoup de portes. Grâce à ça, j’ai fait Coucou c’est nous, le lancement de Fort Boyard, 7 sur 7puis les élections présidentielles. Charles Bietry : Ça me semble peu modeste de dire que Jour de foot était une école. En revanche, c’était un lieu de bonheur. Et généralement, si on est heureux, c’est qu’on travaille bien. La rigueur, c’était primordial. Celui qui n’en avait pas n’avait aucune chance de rendre un produit fini quelques minutes après le coup de sifflet final. Dans l’équipe, la rigueur était un critère d’embauche. À la chaîne, il n’y avait pas de place pour les fainéants. Peu importe le domaine. Celui qui choisissait les films, celui qui les achetait, à Nulle part ailleurs, chez les Nuls. Tous ces gens bossaient. Le principe fondamental de Canal, c’est que la télévision était gratuite. Nous, on demandait aux abonnés de payer pour regarder la télé. Vous n’allez pas payer quelque chose si vous pouvez l’avoir gratuitement à côté. C’était inscrit en lettres de feu à Canal. Sans un produit d’exception, l’abonné n’aurait pas payé. Il serait parti.

Philippe Bruet : Charles Biétry demandait, dans les avant-matchs, dans les après-matchs, de régaler l’abonné. Il fallait aller chercher l’info, faire la bonne interview. Il y avait une petite concurrence, forcément. Celui qui sortait le meilleur résumé, le meilleur entretien. C’était « Ah, t’as eu Juninho ? T’as eu Tapie ? » . On se challengeait. On se disait : « Biétry ne t’a rien dit ce matin ? C’est que t’as dû être bon ce week-end » . C’est comme ça que les gars comme Grégoire ont appris très vite. Grégoire Margotton : Pour moi, ça a été la meilleure école du monde. Arriver chez Canal en stage en 1992, c’était une bénédiction du ciel. Avant d’arriver chez Canal, je n’avais jamais pris l’avion, là, le samedi, on était je ne sais où en France et le lendemain, on était en Angleterre ou en Italie pour l’Équipe du dimanche ! Je ne veux pas jouer les anciens combattants, mais c’était plus qu’un âge d’or. On avait quasiment tous les droits de diffusion, il y avait de quoi occuper plusieurs antennes. On a pu faire plein, plein de choses. C’était aussi l’âge d’or de la qualité professionnelle des gens qui nous entouraient. On était au centre d’un bal de gens, entre 20 et 40 ans, donc plutôt jeunes, que tu retrouves encore aujourd’hui. Prends les réalisateurs : ceux qu’on avait à l’époque sont les top-réalisateurs actuels du sport français. Les chargés de prod sont devenus des patrons d’énormes boîtes de prod. Les journalistes sont soit toujours là, soit sont partis faire des choses de qualité ensuite. Quand tu regardes le casting de Jour de foot à la fin des années 90, du plus petit résumé à la présentation, je n’enlèverais personne. Paul Elkaim : La dernière fois, je suis retombé sur une feuille, avec les dix commentateurs d’une soirée de Jour de foot. Et tu te dis : c’est pas possible. Sur les images de la journée, en comptant les deux directs, t’avais : Gilardi, Guy, Margotton, Balbir, Josse, Genin, Sabattier, Berger. Ils étaient tous là. Il y avait parfois des tensions, évidemment, il y avait de forts caractères, mais imagine l’émulation. On était au centre d’un truc fou. Ce n’était pas un boulot. Ça n’a jamais été un boulot. C’est Thierry Gilardi qui disait ça : « Quand tu peux vivre de ta passion et que ta vie, c’est relater ce genre d’événement, ce n’est plus du boulot, c’est une chance » . On avait le sentiment d’avoir cette chance et on le vivait à 200 à l’heure.

« Le jour où j’arrive à Canal, le 1er septembre, je comprends que Philippe a été mis au courant de mon arrivée une heure avant. Il avait donné une interview une semaine auparavant dans laquelle il disait avoir hâte d’attaquer cette nouvelle saison, donc je me dis que la situation est compliquée. Je vais de suite le voir. Je comprends sa frustration et lui a l’intelligence de comprendre que ce n’était pas contre moi qu’il fallait la reporter. »

Été 1998. Après six saisons réussies, Jour de foot connaît un premier bouleversement quand Michel Denisot remplace Charles Biétry à la direction des sports de Canal+. Champion du monde sur TF1 en juillet, Hervé Mathoux se voit proposer la présentation de l’émission. Il se souvient d’un drôle de rendez-vous avec le nouveau boss. Et de tout le reste. Hervé Mathoux : J’ai reçu un appel surprise de Michel Denisot en plein milieu de la Coupe du monde. Il m’a donné rendez-vous au bar de l’hôtel Raphaël – j’y repense à chaque fois que je passe devant. L’ambiance était un peu « chapeau mou et grand journal » (rires), il était un peu caché. Il m’a dit : « Je voudrais que tu nous rejoignes et j’aimerais que tu prennes Jour de foot » . Avec le recul, je vois ça un peu comme un entraîneur qui veut marquer son arrivée par une décision forte. À cette époque, Jour de foot est l’émission emblématique de la chaîne, mais j’hésitais vraiment. Je sortais d’une Coupe du monde sur TF1 avec tout ce qu’elle a eu d’enthousiasmant… À l’époque, il n’y avait pas 36 chaînes. Ce qui a fait pencher la balance, c’est l’envie que Canal m’a montré. Que ce soit Michel Denisot ou Pierre Lescure, j’ai eu le fameux : « J’ai senti que le club me voulait » . J’avais besoin de sortir du syndrome du joueur formé au club chez TF1. Là-bas, peu importe les échelons que j’aurais pu gravir, je restais l’ancien stagiaire. L’émission, je la connaissais déjà en tant que spectateur. Quant à Philippe Bruet, je le connaissais d’avant Canal car on avait un peu traité les JO de 92 ensemble chez TF1. Je dis donc à Michel Denisot : « Est-ce que Philippe est au courant ? » . Il me répond : « Oui, oui. Enfin non. Quand tu m’auras donné ton accord, je lui en parlerai » . Le jour où j’arrive à Canal, le 1er septembre, je comprends que Philippe a été mis au courant de mon arrivée une heure avant. Il avait donné une interview une semaine auparavant dans laquelle il disait avoir hâte d’attaquer cette nouvelle saison, donc je me dis que la situation est compliquée. Je vais de suite le voir. Je comprends sa frustration et lui a l’intelligence de comprendre que ce n’était pas contre moi qu’il fallait la reporter. Donc tout s’est bien passé.

« Je voulais créer plus de dialogue. Mon rêve, c’était que s’il y avait une erreur d’arbitrage, dans la foulée du match, on ait les joueurs incriminés et l’arbitre. Je sais qu’à un moment donné je me suis dit : ça y est, on a réussi . Je voulais aussi qu’on essaye d’intégrer une dimension supporters. J’ai le souvenir d’avoir été suivi car l’envie d’évoluer était collective. »

Ce dont je ne me rendais peut-être pas compte, c’était à quelle point j’avais quitté ma zone de confort. Dans l’imaginaire des gens, passer de TF1 à Canal, c’était passer d’une grosse machine à quelque chose de plus intime. Dans les faits, c’était l’inverse. Chez TF1, aux sports, on était vingt à tout casser. Là, j’arrivais dans une usine à gaz, avec 100 journalistes dont beaucoup rêvaient de faire l’émission et ne comprenaient pas forcément qu’on confie ça à quelqu’un de « la boîte à cons » . C’était quand même l’époque où les Guignols parlaient beaucoup de TF1 comme de « la boîte à cons » . Ça a été dur car je n’étais pas franchement attendu avec des roses. Je sentais un peu des ondes de défiance. Quand je faisais un lapsus, que je mettais un nom à la place d’un autre, les gens pouvaient se dire « Ouais, lui il croit que Platini jouait à l’Inter » . Pour Jour de foot, je suis venu en observation le dernier week-end d’août. Je commençais en septembre. C’est la journée où Marseille remonte le 0-4 contre Montpellier. J’observe, je regarde et ça me conforte dans ce que j’avais envie d’apporter. Je trouvais l’émission trop figée, qu’il n’y avait pas assez de direct avec les acteurs. Je voulais créer plus de dialogue. Mon rêve, c’était que s’il y avait une erreur d’arbitrage, dans la foulée du match, on ait les joueurs incriminés et l’arbitre. Je sais qu’à un moment donné je me suis dit : « ça y est, on a réussi » . Je voulais aussi qu’on essaye d’intégrer une dimension supporters. J’ai le souvenir d’avoir été suivi car l’envie d’évoluer était collective. Je ne suis pas en train de dire qu’on a révolutionné l’émission, hein. C’était par petite touche. J’appelais chaque Mexicain trois fois par match. Je demandais ce qu’il avait fait, ce qu’il avait prévu de faire, je lui demandais s’il avait bien vu telle ou telle action. J’étais hyper interventionniste. Je n’étais pas intéressé par l’idée de présenter une émission sans mettre les mains dans le cambouis. Peut-être que parfois, ça s’est fait au détriment de la présentation mais je crois qu’on a fait bouger l’émission dans le sens de la réactivité. Le choix de mettre Jour de foot dans la foulée des matchs, c’était une philosophie de footeux. Une expérience de foot qui n’était pas portée vers l’audience mais une performance de passionné de foot et de sports. Ça n’avait rien à voir avec la philosophie de Canal + en clair aujourd’hui ou surtout de TF1, où tu as les audiences dans l’heure et où tu les épluches quart d’heure par quart d’heure. Sur mes cinq ans de Jour de foot, je n’ai jamais eu l’ombre d’une audience.

« Tout ça, ça nous appartient. Au fond, la bande de Platini, ils se retrouvent car ils ont vécu leur truc. La bande de Zidane, ils se retrouvent, car ils ont connu leur aventure. La bande de Griezmann, ils se retrouveront dans dix ans, ils auront vécu leur truc. Jour de foot, c’est cet esprit là. »

Si Jour de foot devait être une boîte, ce serait plus une boîte à souvenirs qu’une « boîte à cons » . Et ce n’est pas sans un sourire aux lèvres que la bande de Canal exhume quelques souvenirs de jeunesse. Paul Elkaim : Il arrivait qu’on se mette des caisses le samedi soir, j’avoue. On était jeunes, on arrivait dans une ville de province, on était reçus avec les égards qui étaient dûs à Canal à l’époque, avec le patron du resto ou de la boite qui t’invitait. Les soirées finissaient tard, dans des états compliqués, mais le dimanche, on était reparti sur l’EDD jusqu’à minuit et il n’y avait pas de souci. Aujourd’hui, ça serait plus compliqué (rires). Philippe Genin : Il y a eu un souvenir immortalisé. C’était à Bordeaux, j’étais avec Pascal Feindouno avec qui je m’entendais super bien. Il passe dans le paddock après le match. Il me voit, il reste avec moi et on fait le live ensemble. On mimait, on dansait, c’était top. Mais Paul a raison : il y a, en effet, eu des retours très, très compliqués. On a fait certaines choses qui étaient au-delà de ce qu’il fallait mais on a toujours assumé. Ça soudait. On était capable de dire : « Je viens de terminer, je rentre, on se retrouve en boite » ? Avec Christophe Josse, en rentrant de match à Saint-Etienne, il arrivait qu’on aille en boîte de nuit sur les Champs à Paris. On était contents d’avoir bien bossé, on sortait. Une vraie bande de copains. Je me souviens une fois, j’étais au Havre, j’avais rendez-vous à Paris, mais il fallait que je rentre déposer les cassettes à la rédac. Je rentre dans la rédac, ça sent le cigare. J’ai du mettre 1h10, pour rentrer, il n’y avait pas de radar à l’époque, hein. Et c’était Pierre Lescure qui se fumait un cigare devant Jour de foot. Et là, il tombe sur Le Havre, il me regarde, il regarde sa montre. Il me demande « ça va ? » . Je lui réponds : « ça va Pierre, merci » . Et puis on a regardé Jour de foot ensemble. C’est beaucoup de confiance. Au boulot, on était là. Grégoire Margotton : Le souvenir, c’est d’avoir pu voyager et faire tous les stades de France. Les joueurs adoraient nous voir. Ils savaient que c’était l’émission la plus importante. Ils aimaient Jour de foot. C’était un vrai rendez-vous. Il y avait cette relation avec les clubs et avec les joueurs. Il n’y avait pas un joueur qui disait : « Non, non, je ne veux pas faire le résumé avec Jour de foot » . Parce qu’il y avait aussi cette version, avec le petit écran. On disait : « Alors Grégoire, vous êtes à Lyon, avec Pascal Olmeta. On va vivre le résumé de cette rencontre avec le gardien de l’OL » . Nathalie Iannetta : Les plus beaux Jour de foot, c’étaient les Jour de foot post multiplex. T’es partout à la fois, t’as les champions, le journaliste dans la piscine, t’as ceux qui pleurent. T’es sans filet, t’as fait un conducteur, tu ne sais pas si le capitaine de l’OL champion de France va être prêt. C’est une espèce de freestyle incroyable qui demande beaucoup de concentration, d’ouverture d’esprit et de légèreté. J’adorais ceux-là. Jérôme Revon : Par nostalgie, je dirais que mon plus beau souvenir, c’est Thierry Gilardi. C’étaient des moments forts. Bons ou mauvais. On pouvait s’engueuler très fort ou rire encore plus fort. Il y a eu un paquet de moments géniaux.

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Hervé Mathoux : J’ai des centaines de madeleines de Proust. Le truc, qui à chaque fois était un moment fort, et ils l’ont un peu ressorti cette année, c’est le générique de David Hallyday. Il a été composé spécialement pour l’émission et c’est vrai que j’avais une habitude, quand je rendais l’antenne et que je quittais le plateau, je venais en régie et je me mettais derrière la script. C’était le moment où il y avait tous les buts (il chante). Et j’étais derrière et je suivais avec elle le rendu antenne à la régie finale en revoyant les images des buts et j’avais toujours les frissons. Donc cette musique là, elle me fout encore les frissons, ça c’est sûr. Philippe Genin : J’ai aussi un souvenir dingue avec Guy Roux. Je lui avais fait une farce. On était au resto avec lui après un match et Guy, il ne paye jamais, hein. J’ai fait noter la table de dix sur la chambre de Guy. Le lendemain matin, à la réception, on s’est tous barrés et ça couinait. Il nous a appelé : « Qui a fait mettre tout le repas sur ma chambre ? Je comprends pas » . Il n’a pas payé, au bout du compte. Philippe Bruet : Je me souviens à Gerland, pour une émission très tardive, on avait un gros match, on finissait à minuit, j’avais fait le direct depuis la cahute de l’électricité de Gerland, pour montrer que Thierry Gilardi éteignait les lumières du stade. L’électricien en chef avait éteint dans la foulée. Les gros souvenirs que j’ai, ce sont les directs dans les vestiaires. Des moments chauds. Des souvenirs d’équilibriste, de convivialité, de complicité. Soit avec les gens de Canal, soit avec les gens sur place Ce qui me fait plaisir et sans prétention, c’est quand je rencontre des gens qui parlent de cette époque qui les a fait vibrer. Alors évidemment, mes enfants, à 23 ans, ils ne savent pas ce que c’est, il faut leur montrer une photo. Mais les gens qui ont la cinquantaine et qui avait 20 ans à cette époque, eux ils se rappellent. La petite fierté qu’on peut avoir, c’est d’avoir fait une émission qui était aimée des abonnés. C’est comme les gens qui ont fait Nulle part ailleurs. On peut, à juste titre, leur dire : « Ah, vous avez participé à ça, bravo » . Paul Elkaim : Quand tu passais ton déjeuner à Marseille, avec une bouteille de rosé et Michel Hidalgo qui te raconte l’équipe de France des années 80… J’étais gamin, ce n’était même pas enrichissant, c’était exceptionnel.Philippe Genin : Il y a deux ans je crois, Nathalie Iannetta a proposé qu’on se retrouve tous, entre anciens de Canal. On s’est fait une putain de soirée. Certains, je ne les avais pas vu depuis presque 10 ans. Et là, bam, le truc revient tout seul, naturellement. Je ne vais pas te mentir, ce n’est pas dit que je le fasse avec les gens avec qui je travaille aujourd’hui. Je vais le faire avec Alex Ruiz, parce qu’on est proche et qu’on a connu quelque chose. Tout ça, ça nous appartient. Au fond, la bande de Platini, ils se retrouvent car ils ont vécu leur truc. La bande de Zidane, ils se retrouvent, car ils ont connu leur aventure. La bande de Griezmann, ils se retrouveront dans dix ans, ils auront vécu leur truc. Jour de foot, c’est cet esprit là.

« Peu à peu, on a été moins dans l’urgence, moins dans le stress. Au fur et à mesure que les horaires sont devenus fixes, c’est devenu plus simple et moins stressants. C’est pour ça que les débuts étaient formidables. L’adrénaline s’est essoufflée. On a positionné un rendez-vous fixe, c’était très bien pour l’abonné. Au début, on enchaînait derrière le film. Il n’y avait pas d’heures précises. Là, c’était plus simple. »

Au fil des années, l’émergence d’internet puis des réseaux sociaux a, doucement mais sûrement, mis à mal ce qui faisait le sel de Jour de foot. Si la volonté de s’adresser aux passionnés, dont certains étaient toujours au rendez-vous, demeurait intacte, le produit, comme l’époque, n’était plus le même. Nathalie Iannetta : Pour moi, il y a eu trois générations de Jour de foot. Il y a la première, qui a été fondatrice. Là, c’est Charles qui donne Jour de foot à Thierry. Thierry puis Philippe Bruet, c’est ce que j’appellerais la génération des fondateurs. Ensuite, on aurait la génération des successeurs. Hervé, Grégoire, Vincent, un peu moi et Stéphane Guy. Et enfin, la génération nouvelle qui, malheureusement, présentait un produit qui selon moi n’existait plus. Jérôme Revon : Peu à peu, on a été moins dans l’urgence, moins dans le stress. Au fur et à mesure que les horaires sont devenus fixes, c’est devenu plus simple et moins stressants. C’est pour ça que les débuts étaient formidables. L’adrénaline s’est essoufflée. On a positionné un rendez-vous fixe, c’était très bien pour l’abonné. Au début, on enchaînait derrière le film. Il n’y avait pas d’heures précises. Là, c’était plus simple. Mais maintenant avec les réseaux sociaux, les gens ont leurs résultats. On va le voir la saison prochaine avec les portables, vous aurez votre but 30 secondes après. Quand les réseaux sociaux sont arrivés, petit à petit l’intérêt était moins fort. En réalisation, on joue le suspense car il y avait quand même des abonnés qui ne regardaient pas les résultats pour pouvoir apprécier l’émission.Paul Elkaim : Je suis resté chez Canal et il y avait pas mal de gens qui étaient partis et qui étaient nostalgiques du fait que tout évoluait. Je disais aux gens d’arrêter de se plaindre. Ouais, ce n’est plus pareil, tout évolue. On a eu la chance d’être là quand il fallait, au moment où il fallait. On était au centre d’un réacteur incroyable, une chaîne où tout était possible. Où quand t’avais une idée, on te disait : « bah vas-y, fais le » . Où quand tu disais : « ouais, mais j’ai besoin de… » , on te répondait : « Bah machin il va t’aider » . On était au milieu de ce truc là, on a pu en profiter, on a vécu ça, il faut juste savourer le fait de l’avoir connu et ne pas dire : « c’était mieux avant » . De toute façon, tellement de choses ont changé dans le traitement de l’info et des médias qu’il ne faut pas se plaindre. On peut juste dire : « On y était. Ça reste » . Philippe Bruet : À la fois un peu de nostalgie, de se dire que c’était un sacré exercice. Les gens attendaient. Vraiment. Aujourd’hui, ce n’est pas pareil. On ressentait l’envie de la famille des abonnés de Canal qui se disait : « Servez-moi mon Jour de foot » . C’est la vie, il y aura d’autres façons de faire de la télé dans les années à venir. Vive Jour de foot. Le sentiment qu’on peut avoir aussi, c’est de voir que l’émission perdure à travers les figures comme Grégoire. C’étaient vraiment des gars biens. Il y avait de la concurrence, il y a eu des carrières, on ne se claquait pas la bise tous les matins, mais il y avait une vraie équipe. Et ça, je suis sûr que ça a fait le sel de cette émission. Un peu comme L’Équipe du dimanche. Les abonnés qui payaient sentaient que c’était du vrai. Des gens qui aimaient leur métier et qui aimaient faire plaisir. Hervé Mathoux : Les gens sont toujours nostalgiques. Quand ils parlent de Téléfoot des années 80, ils disent : « Quand même que c’était autre chose » . Il m’arrive de regarder des images d’archives et la vérité, c’est que moi aussi, je suis nostalgique. Mais je me dis aussi : « olala, mais si tu remettais ça… » . En vrai, on est nostalgiques de notre enfance. Les avant-matchs de Canal, dans les années 80, je te remets ça aujourd’hui, ils diraient probablement au secours, alors que ce sont des souvenirs géniaux. On est toujours nostalgiques. Les choses changent. Les gens sont nostalgiques de Jour de foot. Ils sont nostalgiques de l’Équipe du dimanche. Peut-être qu’un jour, ils seront nostalgiques du CFC. C’est toujours ça. On s’adapte. L’évolution de Jour de foot, c’est comme l’Équipe du dimanche. Tu ne pouvais pas faire la même émission quand tu étais la première fenêtre de diffusion d’images de foot étranger le dimanche soir, que dix ans après, quand tous les matchs anglais ou italiens avaient déjà été diffusés sur Canal. Effectivement, Jour de foot, il y a un moment donné où d’une, les matchs principaux ont changé de case et ont été déplacés vers d’autres cases, et de deux, il y a eu la question du : « Est-ce qu’on fait le suspense du résultat » . À mon époque, on ne s’est jamais posé la question. Aujourd’hui, c’est ça : « Est-ce que les gens ont suivi les matchs par ailleurs ? Via les réseaux sociaux ? » . Il faut prendre en compte l’environnement médiatique, d’accès aux images et compagnie. C’est pour ça que fatalement, les émissions changent. Pour boucler la boucle, à la rentrée 2021, le samedi soir redevient une case forte du foot français. Le gros match se jouera à 21h et avec une émission Canal Football Club mais qui de fait, sera une sorte de Jour de foot sur les trois matchs qui auront été joués jusqu’ici.

Grégoire Margotton : Jour de foot, ça a été une époque intermédiaire très importante entre les débuts de la télé, que j’appelle Téléfoot, la matrice de tout le reste, 77, l’émission qui parle de foot pour la première fois à la télé et qui répond à une demande du public. Jour de foot, ça a été les 20 ans entre ça et l’arrivée du net, de ce qui a amené l’immédiateté dans la consommation du foot. C’était une grande, grande émission. J’étais très ému d’apprendre que ça se terminait. Elle n’était peut-être plus dans son temps, mais elle aura accompagné la vie des fans de foot de façon magnifique pendant au moins trois décennies.

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Tous propos recueillis par Swann Borsellino

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