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C’était Bruno Martini
Bruno Martini s’en est allé ce mardi des suites d’un arrêt cardiaque. Il avait 58 ans. Trop tôt évidemment. Mais l’héritage laissé derrière lui restera immense. En Bourgogne, dans le Sud et à l’international.
Il y a des nouvelles qui ne font jamais plaisir à entendre. Celle d’il y a huit jours qui nous apprenait que Bruno Martini avait été victime d’un arrêt cardiaque dans sa voiture, sur le parking du centre d’entraînement du MHSC, en fait partie. Puis l’attente, l’incertitude, le doute avant, malheureusement, le dénouement redouté par tous : Bruno Martini n’est plus. À travers cette nouvelle, ce sont avant tout deux villes qui sont en berne : Auxerre et Montpellier. Comme le rappel d’une époque où il n’y avait pas besoin de multiplier les destinations pour faire une belle carrière.
Nevers forget
Celle de Bruno Martini commence à Nevers. C’est dans la préfecture nivernaise qu’il use ses premiers gants et admire un certain Patrick Jullion, dernier rempart de l’équipe locale qui évolue en CFA et deviendra sa première idole. Au rayon des modèles, il y aura par la suite Ivan Ćurković, mais ce n’est pas pour autant que le jeune Bruno posera ses valises à Saint-Étienne. En 1980 et alors que l’AJ Auxerre vient de monter en première division, la finale de Coupe de France perdue face au FC Nantes l’année précédente a rapporté un million de francs aux Bourguignons qui choisissent de l’investir dans la construction d’un centre de formation flambant neuf. Depuis, on ne compte plus les pépites qui en sont sorties, dont Bruno Martini, donc, qui fait partie de la toute première génération des poulains icaunais.
Mais difficile de s’imposer comme titulaire quand on est encore un gamin dont la route est barrée par Joël Bats. C’est donc en prêt à Nancy que Martini engrange de l’expérience pendant deux ans et lui permet « de se lancer », selon ses termes. Deux saisons pleines plus tard, le pari est gagné. On est en 1985, Joël Bats part au PSG, le poulain devenu pur-sang le remplace logiquement et c’est l’explosion : en quatorze saisons, il défend la cage auxerroise à 386 reprises (seul Fabien Cool a fait mieux depuis, avec 467 apparitions) et est présent dans (presque) tous les grands moments ajaïstes de la fin du siècle : les mauvais, avec l’élimination en Coupe de l’UEFA aux tirs au but par le Borussia Dortmund, mais aussi les bons, avec la première Coupe de France du club remportée en 1994, sept ans après la défunte Coupe des Alpes (lors de laquelle Éric Cantona lui assène un coup de boule, car il ne voulait pas obéir aux ordres de Guy Roux et déblayer la neige qui recouvrait le terrain avant un match face à Neuchâtel).
Bleu et banc
Surtout, ses performances répétées en première division lui ouvrent la porte des Bleus. D’abord les Espoirs, aux côtés notamment d’Éric Cantona et de Laurent Blanc, avec qui il remporte l’Euro 1988 (et obtient au passage la note maximale de 10 attribuée par L’Équipe pour ses performances en finale), puis les A. Trente et une capes, deux Euros et un trophée de gardien européen de l’année 1991 plus tard, sa destinée internationale continue après sa retraite sportive, puisque c’est lui qui encadre les portiers de Roger Lemerre à l’Euro 2000, un poste qu’il occupera jusqu’en 2010, développant au passage une véritable formation d’entraîneur des gardiens en tant que DTN. Comme au bon souvenir d’Ivan Ćurković, l’idole de jeunesse « qui avait amené ça d’Europe de l’Est à Saint-Étienne dans les années 1970.[…]C’était indispensable, car le seul empirisme, qui régnait en maître dans la plupart des clubs, ne pouvait suffire ».
Parfois, le destin se joue à pas grand-chose. Remplacé par Lionel Charbonnier dans les bois bourguignons en 1995, Martini s’envole vers le Sud, à Montpellier et manque donc le doublé historique de 1996. Il a l’âge du Christ, on croit que les Pailladins ont tiré le gros lot en signant un portier d’expérience pour une dernière pige-plaisir. C’est mal connaître Bruno qui restera finalement quatre saisons et, avec avec 130 matchs disputés, reste aujourd’hui encore le gardien le plus capé de l’histoire du MHSC, dont il intègre le staff aux côtés de Rolland Courbis, avant d’assurer brièvement l’intérim à la tête de l’équipe première en 2016, en duo avec Pascal Baills. Peu prolixe, féru d’échecs, il est difficile de ressortir une longue liste de ses interviews. Il laisse l’image d’un homme talentueux, passionné, ambitieux et engagé. Surtout, un homme qui aura marqué l’histoire de deux clubs historiques du championnat de France. Et ça, c’est déjà un héritage extraordinaire.
Par Julien Duez