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« C’est une question de principes »

Propos recueillis par Mathieu Faure
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Figure du Parc des Princes, Christophe Uldry attaque en justice le PSG pour l’utilisation de son slogan « Ici c’est Paris ».

À bientôt 40 ans, il en a passé plus de 20 à Auteuil, au cœur du Virage. Christophe, c’est « Boat People » , car il pouvait dormir n’importe où en déplacements. Boat n’est pas n’importe qui, c’est le capo des Supras Auteuil. Un mec qui passait ses matchs torse nu, dos à la pelouse, pour haranguer une foule de fidèles. Comme 13 000 mecs, il a été mis hors du Parc des Princes avec le plan Leproux. Mais l’homme n’a pas oublié le PSG, son club. Alors, quand il s’est résolu à attaquer en justice le PSG pour l’utilisation du slogan « Ici c’est Paris » , Christophe savait dans quoi il s’embarquait. Depuis 2008, la marque est déposée par les Supras à l’INPI (Information sur la propriété industrielle en France). Sauf que le PSG l’utilise aussi et, en 2015, le club a demandé à l’ancienne association, dissoute en 2010, de lui remettre la propriété du slogan pour déchéance d’utilisation. De leur côté, les anciens pensionnaires du virage Auteuil accusent le PSG de contrefaçon. Ambiance scandale, danse de vandale.


Pourquoi cette histoire du slogan « Ici c’est Paris » sort aujourd’hui ? En décembre, on a commencé à échanger par courriers interposés avec le PSG, mais toujours avec le cabinet d’avocats du club, jamais directement avec un dirigeant.

En premier lieu, le PSG est venu avec une proposition de rachat à 2000 euros sous peine de procès en déchéance de marque. On a refusé.

En premier lieu, le PSG est venu avec une proposition de rachat à 2000 euros sous peine de procès en déchéance de marque. On a refusé. Ils sont revenus avec une autre offre, nouveau refus, car l’argent, on s’en fout. Ce n’est pas le problème, c’est une question de principe. On ne demande pas d’oseille, au mieux une licence d’utilisation gratuite, mais on n’est absolument pas dans une logique financière. Le club nous a assignés début décembre, on a donc répondu fin décembre avec notre assignation en contrefaçon. Ce sont deux dossiers distincts actuellement. On a proposé une sorte de médiation au PSG. J’ai même envie de parler de statu quo, c’est-à-dire qu’ils peuvent continuer à utiliser la marque, car on n’a jamais rien demandé et on ne demandera jamais rien, juste que tout le monde puisse l’utiliser, pas seulement le club. Le PSG n’a pas besoin de se l’approprier de manière exclusive.

Qu’est-ce qu’ils vous reprochent, eux ?De ne pas utiliser la marque. Mais je ne vois pas comment on pourrait aller vendre du matos « Ici c’est Paris » au Parc des Princes, à moins qu’ils nous fassent une place (rires). Donc, comme on n’utilise pas la marque, ils veulent la récupérer de manière exclusive.

D’ailleurs, pourquoi les Supras avaient déposé la marque à l’INPI en 2008 ?Fin des années 90, l’un des leaders du groupe se retrouve esseulé dans le Virage. À ce moment, le groupe est au plus mal, dans le creux de la vague. Et un mec à Auteuil dépose à l’INPI la marque « virage Auteuil » et s’ensuit une forme de chantage informel auprès du leader Supras. En gros, on lui demande de filer un pourcentage sur chaque matos vendu au Parc. Refus. Mais il n’a pas oublié cette histoire. Donc quand il a réussi à récupérer le droit d’exploitation de plusieurs marques tombées en déchéance, dont « virage Auteuil » en 2008, il s’est empressé d’aller à l’INPI pour déposer plusieurs marques, dont le « Ici c’est Paris » qui était déjà un marqueur fort. Le but, c’était vraiment de se protéger de gens malintentionnés voulant faire du business dessus. C’était de la précaution. Mais on ne se doutait pas que le mec qui viendrait faire du business dessus s’appellerait le PSG.

Il se passe quoi en 2010 avec la dissolution de l’association par les pouvoirs publics ?C’est simple, quand tu es dissous, tu dois refiler tous tes droits et ton patrimoine à une association qui a le même objet que toi. C’est ce qu’on avait fait avec l’association « Défense des droits des supporters » . La marque « Ici c’est Paris » fait donc partie de ce patrimoine. Depuis, le PSG utilise cette marque sans l’avoir déposée. Ils l’ont fait à l’échelle européenne en 2014. Mais en France, ils ne l’ont jamais fait avant septembre 2015 où ils ont déposé leur demande à l’INPI. Je vais te dire le fond de ma pensée, je pense qu’ils ne se sont jamais posé la question de savoir si la marque avait été déposée. Mais au niveau français, on est titulaire de la marque, donc tout ce qu’ils ont fait jusqu’à aujourd’hui, c’est de la contrefaçon. Et le « Ici c’est Paris » , c’est leur vecteur principal de communication en ce moment. Le club avait commencé avec « Dream Bigger » , « Paris est magique » , mais ils sont vite passés à autre chose.

Une médiation autour d’une table est-elle impossible ?Si, c’est notre souhait. Ce slogan appartient à tout le monde, pas uniquement au PSG. C’est un chant issu des supporters à la base. Nous, on est prêts à ce que le club l’utilise, cela ne nous pose aucun problème, mais ça ne leur appartient pas. C’est plus la manière de faire qui nous a gênés. Que le club veuille la marque pour l’exploiter, ok.

Notre premier courrier, je le trouve très gentil. On voulait un arrangement, ne pas les froisser. Et finalement, ça n’a pas marché.

On comprend, sauf que ça fait déjà plusieurs années que c’est le cas. Et comme ils sont en contrefaçon de nos droits, on a voulu se mettre autour d’une table. On était d’accord pour oublier la contrefaçon et la déchéance de marque, on était aussi ok sur le fait qu’ils puissent continuer à utiliser le « Ici c’est Paris » comme c’est le cas actuellement. En gros, personne ne demandait rien à personne. On avait complètement ouvert la porte et quand on a reçu leur première proposition, on n’a pas voulu y aller avec nos grands sabots dès le départ, pour ne pas crisper le club. Notre premier courrier, je le trouve très gentil. On voulait un arrangement, ne pas les froisser. Et finalement, ça n’a pas marché.

Pourquoi le club s’est-il braqué ?Je pense que leur but, à moyen terme, c’est de virer toutes les marques de streetwear qui sortent du matos « Ici c’est Paris » de manière indépendante. Ils veulent contrôler la marque PSG. Ils l’avaient déjà fait sur Internet avec les sites internet qui utilisaient « PSG » : PSGMag, AllPSG, ils avaient chassé tout ça en brandissant la menace de procès. Et comme on n’est pas dans cette logique de leur céder…

Vous en êtes où, actuellement, avec le club ?Toujours aucun contact direct avec le club. Il y a deux procédures en cours. La nôtre qui concerne la contrefaçon. La leur en déchéance d’utilisation. Vont-elles être jointes dans une seule et même procédure ? Je ne sais pas. Il y a des instances devant le TGI qui devraient avoir lieu prochainement. Notre motivation n’est pas l’argent. D’ailleurs, si on en touche, on le redistribuera à des associations caritatives. Et si on voulait vraiment du pognon, on aurait assigné le PSG en contrefaçon depuis longtemps. On le fait aujourd’hui, car ils sont venus vers nous avec leur procédure. C’est notre riposte quelque part. Un contre-feu.

Quelle issue envisagez-vous ?On espère que sous la pression médiatique, le PSG revienne à la raison. Qu’on puisse se voir autour d’une table, au calme. Après, un processus judiciaire, on ne le souhaite pas, pour des raisons financières par exemple. Un avocat, une procédure, ça coûte de l’argent. On a mobilisé tout le noyau du groupe, tout le monde participe, c’est dur, mais on ne lâchera pas l’affaire. On ira au bout, la machine s’est mise en route, on a réveillé tout le monde. Du point de vue du droit traditionnel, honnêtement, on n’a pas trop l’espoir d’une issue favorable. Mais ce qui est intéressant, ce sont les questions que cela soulève. Car il y a un précédent par exemple avec « Je suis Charlie » . L’INPI avait refusé que la marque soit déposée, car ça appartenait au patrimoine commun des Français. Ça peut servir de jurisprudence à notre échelle. Quand tu dis « Ici c’est Paris » , tu sais que ça fait référence au PSG directement. C’est inscrit dans l’imaginaire des gens. Ça appartient à tout le monde.

Aimeriez-vous avoir plus de soutien médiatique ?Oui, je pense à quelqu’un comme Alain Cayzac, qui en « off » a une certaine vision de la direction actuelle, mais ne le dit jamais ouvertement. J’ai envie qu’à un moment, des gens comme lui, des anciens dirigeants, des anciens joueurs, des supporters connus mettent les pieds dans le plat pour pousser le club à prendre une décision. Parce que les dirigeants actuels sont en pleine hésitation sur le sujet des supporters, et ça pourrait les décider. Les aider. Si cette affaire du slogan peut faire avancer les choses…

Justement, c’est quoi « Ici c’est Paris » ? C’est un chant à la base, il date de 2001 et c’est devenu un marqueur très puissant dans l’environnement du club.

Ce chant n’a d’intérêt commercial pour le club que parce qu’il a une histoire, c’est la nôtre, celle des ultras.

Ce chant n’a d’intérêt commercial pour le club que parce qu’il a une histoire. Et cette histoire c’est la nôtre, celle des ultras. Sans ça, ce slogan n’a aucun intérêt. Quand tu dis « Ici c’est Paris » , ça fait directement référence au Parc, aux grosses ambiances. Donc le club est en train de nous faire les poches après nous avoir mis dehors. Récemment, ils ont sorti avec Nike un tee-shirt « Ensemble nous sommes invincibles » , qui était aussi un chant ultras. C’est sur ça qu’on va essayer de faire la bascule et de mobiliser les gens, notamment les ultras de France. Un message, une banderole dans certains stades pourraient nous aider dans notre combat.

Avec cette histoire, la déception envers la direction du PSG est-elle encore plus grande ?Non, je n’ai pas de rancœur. Mieux, ça me donne de l’espoir. Quand on en arrive à ce genre de démarches, tu espères être entendu. Peut-être qu’à un moment, ça va déboucher sur un changement d’attitude de la part des dirigeants. J’ai envie d’être optimiste. L’équipe sur le terrain, même si ce sont des stars, ne lâche rien. Ils sont à fond, sérieux, professionnels. Ce sont des grands joueurs. Mais quand tu regardes l’action des dirigeants en parallèle, ils n’ont pas les qualités de ces joueurs. J’espère que l’histoire retiendra plus les résultats de l’équipe que l’action de ses dirigeants. On parle de gens qui ont fiché illégalement ses supporters pour ensuite se faire réprimander par la CNIL. Le fichier illégal, le club ne l’enlève pas, est condamné, mais continue toujours de l’exploiter. Peu importent les remontrances et les obstacles juridiques, ils se sont toujours sentis au-dessus des lois. L’exploitation du slogan « Ici c’est Paris » alors qu’il ne leur appartient pas, c’est la même démarche.

Leur proposition à 2000 euros est le reflet de tout ça. J’ai envie de leur dire : où est-ce que vous avez été éduqués ? Un peu de politesse, d’éducation.

Sans parler de l’augmentation des abonnements, de la contrefaçon des fausses signatures des joueurs sur certains maillots vendus ensuite au prix fort aux supporters. Tout ça, c’est de l’arrogance. C’est à l’opposé des valeurs incarnées par l’équipe sur le terrain. Leur proposition à 2000 euros est le reflet de tout ça. J’ai envie de leur dire : où est-ce que vous avez été éduqués ? Un peu de politesse, d’éducation. Donc je me dis qu’à un moment, ils vont forcément s’apercevoir de leur bêtise et revenir à la raison. Je suis peut-être utopique, j’imagine un scénario où ils font amende honorable et on se remet autour d’une table pour discuter.

Quel rapport a-t-on avec un club contre lequel on est en procès, mais que l’on a aimé physiquement au stade pendant 20 ans ?Je regarde moins de matchs, mais je suis les résultats. La victoire à Marseille me rend très heureux (rires). C’est toujours mon club, ça reste mon club, je n’en ai pas d’autre. J’ai passé 20 ans de ma vie là-dedans. Mais on ne se sert pas de cette histoire pour revenir au Parc, nous, on est le passé. Il faut que le PSG, s’il veut reconstruire quelque chose, reparte avec des associations de supporters, avec des gens qui sont déjà au stade.

L’équipe actuelle avec le public d’avant, on serait imprenables. Même en Ligue des champions.

Après l’Euro 2016, je sais que le club va se pencher sérieusement sur ce dossier. Mais ça ne sera pas avec nous. On appartient au passé. Quand tu vois que les joueurs commencent à mettre la pression, ça veut dire quelque chose. Sans grand public, l’équipe ne pèsera pas grand-chose sur la scène européenne quand il faudra renverser des cadors. L’équipe actuelle avec le public d’avant, on serait imprenables. Même en Ligue des champions.

Déjà revenu au Parc des Princes depuis 2010 ?Jamais.

C’est définitif ?Non, si jamais un retour de l’ambiance arrive, pourquoi pas. Je n’y retourne pas, non pas pour une question de boycott ou autre, mais j’y allais aussi pour l’atmosphère, pour tout ça. Le plaisir était là. Sinon la télévision suffit. Actuellement, je n’y trouverais pas mon plaisir. Et puis voir les virages défigurés, tout ça, ça me ferait mal. Je dois t’avouer que j’appréhende ce moment. J’ai ma fille de six ans qui veut que je l’emmène. Elle m’en parle souvent. Au fond, elle ne se rend pas du tout compte de ce que je faisais avant. Mais quand elle m’a dit ça, je n’ai pas répondu, car j’ai peur de ce moment. Mais quoi qu’il arrive, je ne pense pas que je reviendrai. Les conditions ne seront jamais réunies pour que je puisse y être épanoui. On était aussi un contre-pouvoir, quelque part. Et ces gens-là ne fonctionnent pas avec un contre-pouvoir. Imagine la première rencontre, je vais leur parler directement de la baisse des abonnements en virage, ils vont me dire de dégager. Et puis c’est devenu un spectacle, avec des tour operator pour voir un match au Parc. Je ne vais pas apprendre à des Japonais à soutenir le PSG.

Joint par nos soins, le PSG laisse la justice faire son travail – comme le commissaire Bialès – et laisse le terrain judiciaire s’occuper de cette affaire plutôt que la phase médiatique.

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Propos recueillis par Mathieu Faure

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