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C’est quoi le problème des Espagnols au PSG ?

Par Tom Binet
6 minutes
C’est quoi le problème des Espagnols au PSG ?

Portés par les arrivées de Fabian Ruiz et Carlos Soler – en plus du retour de Pablo Sarabia –, les Espagnols ont vu leur poids grossir au sein de l'effectif du PSG l'été dernier. Pourtant, et même si certains auront de nouveau du temps de jeu ce mercredi face à Angers au regard des absences, rares sont les satisfactions venues de l'autre côté des Pyrénées ces dernières saisons.

Ils sont six, dans toutes les lignes de l’effectif parisien, et représentent désormais la principale nationalité étrangère au sein du club. Arrivés depuis plusieurs saisons ou seulement l’été dernier, Sergio Rico, Fabián Ruiz, Sergio Ramos, Juan Bernat, Carlos Soler et Pablo Sarabia connaissent des fortunes diverses dans la capitale. Mais un constat général s’impose : la venue d’aucun de ces joueurs ne constitue, pour l’heure, une pleine réussite pour les champions de France – à l’exception peut-être de Bernat, avant sa grave blessure. Ces dernières saisons, Jesé, Ander Herrera ou Yuri Berchiche ont également tenté de laisser leur empreinte au pied de la tour Eiffel, sans grand succès. Dans son histoire, le PSG n’a accueilli que douze joueurs espagnols, et ce n’est pas non plus le trio du début du XXIe siècle Enrique de Lucas-Mikel Arteta-Cristobal qui a laissé le plus de souvenirs au public du Parc des Princes. Identité de jeu trop différente ? Adaptation à la vie parisienne ? Championnat trop peu référencé ? Une seule chose est sûre : à l’inverse des nombreux Sud-Américains ayant jalonné l’histoire du club, les Espagnols peinent toujours à s’y faire une place.

Le fait d’avoir beaucoup d’Espagnols, ça va un peu dans leur logique de football. Ce qui va faire la différence dans les moments importants, c’est le talent, la qualité individuelle… C’est vrai que l’Espagnol a un peu ça.

Le tiki taka exporté dans l’Hexagone ?

La volonté récente des dirigeants parisiens de recruter des joueurs venus directement ou formés en Liga est loin d’être anodine. Un révélateur du souhait affiché par le club de la capitale de s’appuyer sur une forte possession. « Le fait d’avoir beaucoup d’Espagnols, même pas en France, mais au PSG, ça va un peu dans leur logique de football, souligne Julien Escudé, révélé à Rennes avant d’aller briller sous le maillot de Séville. Ce qui va faire la différence dans les moments importants, c’est le talent, la qualité individuelle, technique, la passe en une touche de balle… C’est vrai que l’Espagnol a un peu ça. » Un pari réfléchi afin de donner une certaine identité au vestiaire. « Le PSG, c’est une équipe latino, sud-américaine, espagnole et un peu française. Ce sont des joueurs de possession, de déplacement, de technique, poursuit l’ancien international tricolore. Ils ont ça naturellement. »

Un cadre de jeu pourtant loin d’être facile à appliquer de ce côté des Pyrénées, face à des adversaires plus rugueux ou disciplinés qu’en Liga. Lui aussi passé par les deux championnats, notamment au PSG et à Valence, Mohamed Sissoko y voit l’une des explications possibles pour les difficultés de Pablo Sarabia, Carlos Soler et consorts. « La manière de travailler en Espagne est complètement différente. En Ligue 1, les joueurs sont costauds, il y a beaucoup de courses à haute intensité. Le joueur espagnol aime bien le tiki taka, jouer dans les petits espaces. Mais malgré tout, les joueurs espagnols peuvent s’adapter à tous types de championnats avec leurs qualités. » Escudé abonde : « On connaît le football espagnol, qui est beaucoup plus tourné vers le jeu de passes, le jeu en mouvement. J’ai des souvenirs dans la formation française où on travaille beaucoup plus les aspects de jeu sans ballon. En Espagne, tous les entraînements sont faits avec ballon, orientés vers la possession de balle. »

Si on parle de Soler, à Valence il était l’homme fort. Tout le monde jouait pour lui, il était vice-capitaine, formé au club. Là, le contexte est complètement différent.

Escudé : « Peut-être que s’ils avaient été très bons en Liga, ils auraient signé au Barça ou au Real »

Indépendamment de la problématique du style de jeu mis en place, se pose également la question du statut des joueurs concernés. Aucun des six n’est un titulaire indiscutable, et la plupart débarquent de clubs de calibres inférieurs. « Ils n’arrivent pas du Barça ou du Real Madrid, peut-être que s’ils avaient été très bons dans leur championnat, ils auraient signé dans ces clubs-là », décrypte Escudé. Le temps de jeu et la confiance s’en ressentent alors forcément. « C’est la difficulté d’entrer dans ces équipes-là, il y a tellement de concurrence que tu vas faire un match en quinze jours, poursuit l’ancien défenseur. Il faut faire tout de suite la différence pour s’imposer. La première année, c’est plus difficile pour des joueurs comme ça. Mais peut-être que la deuxième peut être la bonne. »

L’espoir est donc toujours permis de voir Carlos Soler performer au même niveau qu’à Valence et l’ancien Napolitain Fabián Ruiz poursuivre sa montée en puissance, lui qui a déjà l’expérience de devoir faire ses preuves loin de chez lui. « Si on parle de Soler, à Valence il était l’homme fort, et là, le contexte est complètement différent. Tout le monde jouait pour lui, il était vice-capitaine, formé au club », défend Sissoko, qui fait également le parallèle avec la situation de Sarabia lors de son prêt au Sporting, appelant lui aussi à une certaine patience pour juger tout ce beau monde. Le temps également de s’adapter aux particularités d’une équipe basée sur ses talents individuels. « Tu sais qu’à côté de toi, tu as les meilleurs joueurs du monde. Parfois, tu forces un peu la machine. On sait que le PSG joue beaucoup sur les individualités », développe encore Escudé.

Pour un Espagnol, réussir sa carrière, c’est réussir en Espagne.

L’Espagne ça vous gagne

Bien au-delà du cas particulier du Paris Saint-Germain, les joueurs espagnols devenus des stars à l’étranger ne sont pas légion. Un blocage culturel ? Escudé tente d’expliquer : « Nous Français, quand on commence à s’intéresser au foot, on regarde évidemment le championnat de France, mais aussi en dehors de nos frontières. Ce qui nous fait rêver, c’est regarder la Premier League, la Liga… En plus, on voit nos joueurs qui partent à l’étranger. On a cette culture du voyage. Un Espagnol voit des grands clubs tous les week-ends, il est nourri de ça. Pour lui, réussir sa carrière, c’est réussir en Espagne. » À l’instar des Anglais, peu enclins à quitter leur Premier League adorée, les Espagnols ne raffoleraient pas non plus des grandes escapades loin de leurs terres. « Dans le profil de carrière d’un Espagnol, il ne se dit pas « J’ai envie d’aller jouer en France. »Est-ce que ce sont des joueurs qui marquent de grands clubs, qui restent plus de dix ans et deviennent de grandes stars à l’étranger ? Je n’ai pas beaucoup d’exemples en tête. » Un constat pas pleinement partagé par Sissoko : « J’ai joué avec des Espagnols en Angleterre et ils ont su s’adapter, avoir du succès. C’est une question d’adaptation, et dans notre exemple, de s’intégrer à la vie parisienne. C’est tout un contexte, pas que du football, car ils sortent complètement de leur zone de confort. »

Et si l’ancien milieu parisien reste convaincu que ces derniers finiront par apporter leur pierre à l’édifice, c’est peut-être aussi parce que leur nombre peut faire leur force. « C’est ce qui peut aider leur intégration, avoir un Sergio Rico qui parle français par exemple est une bonne chose, surtout que ça fait plusieurs années qu’il est dans le vestiaire, argumente encore Escudé.À Séville avec Freddy Kanouté, le fait d’être deux à parler français était suffisant. Là, ils sont six-huit à parler espagnol entre eux, donc il faut arriver à trouver cette adaptation. » Et pourquoi pas rendre obsolète l’ère des Sud-Américains, véritables piliers du club de la capitale à différentes époques. « Pour moi, le joueur argentin arrive à bien s’intégrer en Europe avec cette qualité technique, ce physique, cette hargne… Il a ce jeu où il est poussé à tout donner pour son club parce qu’il a une culture football, et il a du ballon », constate enfin celui qui a également défendu les couleurs de l’Ajax et Beşiktaş. Dommage pour Paris que Messi soit désormais le dernier des Mohicans.

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Par Tom Binet

Tous propos recueillis par TB

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