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C’est quoi le problème avec les gardiennes ?
Depuis le début du Mondial canadien, de nombreuses gardiennes se sont illustrées de la pire des manières. Entre des dégagements pétés et des interventions manquées, les critiques s'en donnent à cœur joie. Plutôt que de tirer sur l'ambulance, tâchons de comprendre l'origine de ce problème.
Samedi 13 juin, Canada, stade Moncton. On joue le temps additionnel de la rencontre opposant la Colombie à la France. Les Bleues sont menées un à zéro et il ne reste que deux petites minutes pour égaliser. Sur un long ballon, Sarah Bouhhadi récupère le cuir en dehors de sa surface de réparation. Pressée par une joueuse, elle exécute un sombrero pour l’éliminer avant de dégager le ballon dans les pieds d’une Sud-Américaine. Huit secondes plus tard, les Colombiennes inscrivent le second but, s’assurant ainsi la victoire (2-0). Certes, le match était quasiment terminé, mais l’erreur de la Française reste grossière. Des loupés comme celui-ci, la Coupe du monde 2015 nous en a déjà offert quelques-uns. De l’impuissance de la gardienne ivoirienne contre l’Allemagne (10-0), aux mains savonneuses des portières du Nigeria et de la Suède (3-3), les allergiques au foot féminin ont trouvé une raison supplémentaire de ne pas regarder les filles en action.
« J’ai commencé le spécifique à 15 ans »
Au-delà de ces quelques cas isolés, le constat s’impose, s’élargissant à l’ensemble du football féminin : le niveau des gardiennes est faible. Cela est encore plus évident quand on s’amuse à le comparer à celui des joueuses de champ, dont la progression a été incroyable ces dernières saisons. Mais comment expliquer ce phénomène ? « Le football féminin se structure de manière progressive, mais il est difficile de mettre en place un travail spécifique sur les gardiennes » , explique Aurélien Plet, entraîneur des gardiennes de Juvisy. Le développement privilégie très logiquement la grande majorité que représentent les joueuses de champ. »
Alizée Nadal, jeune gardienne de l’ASJ Soyaux (D1), confirme ce constat : « On a un vrai retard dans le domaine de la formation. Je joue au football depuis l’âge de quatre ans, et j’ai commencé à avoir des entraînements spécifiques à 15 ans. » Avec un apprentissage si tardif, les conséquences sont prévisibles : positionnement aléatoire, interventions imprécises, jeu au pied défaillant. Autant de problèmes auxquels sont confrontées les gardiennes en raison d’une formation insuffisante et parfois même inexistante. Et la solution ne viendra que d’une amélioration dans ce domaine.
Des efforts (enfin) fournis
Le faible niveau des gardiennes est avant tout d’ordre technique et non pas physique comme l’avancent certaines mauvaises langues. En effet, en raison de la taille moyenne des gardiennes, à savoir un mètre 75, l’idée de réduire la taille des cages a été avancée. Mais les principales intéressées ne sont absolument pas convaincues par cette proposition. « Je ne pense pas que ce soit une bonne idée. Les dimensions sont idéales, même pour les féminines » , soutient Amandine Guérin, elle aussi gardienne à Soyaux. Même son de cloche chez sa coéquipière Alizée Nadal. « Les cages ne sont pas si grandes, mais comme nous sommes des filles, les gens sont persuadés que le problème vient de là. » Les clichés ont la peau dure.
De son côté, Aurélien Plet estime que « d’ici deux à trois ans, le retard des gardiennes sera comblé. » En France au moins. Depuis quelques années maintenant, les meilleurs clubs de l’élite française ont accentué leurs efforts dans la formation des joueuses. De Paris à Lyon, sans oublier Juvisy et Montpellier, les gardiennes bénéficient désormais d’entraînements spécifiques de plus en plus tôt. « On le voit actuellement avec les gardiennes de 17, 18 ans dont le niveau est excellent. Il y a eu un vrai progrès dans la mise en place de structures » , insiste le technicien de Juvisy. Les résultats devraient donc bientôt être visibles. La prochaine génération de gardiennes va devoir prouver que la professionnalisation du football féminin a eu un impact positif sur son niveau. On attend avec impatience de découvrir les futurs Ayumi Kaihori, Sandra Sepulveda et Hope Solo. Les photos coquines en moins. Quoique…
Par Lhadi Messaouden et Hadrien Mathoux