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C’est quoi le problème avec Destro ?
Décisif et beau joueur, Mattia Destro a toutes les armes pour devenir le nouvel attaquant phare de sa génération. Seulement voilà, devant lui, il y a Totti, Balotelli et quelques autres arbres qui cachent la forêt.
Il claque des volées de 40 mètres, met des mandales à Davide Astori, des triplés à Cagliari, et peut aussi marquer treize buts en vingt matchs après s’être pété le genou gauche. Mais aussi prometteur et doué qu’il puisse paraître, Mattia Destro, 23 ans, ne semble pas être forcément dans les plans de son coach Rudi Garcia, ni de son sélectionneur Antonio Conte. Un statut de joker de luxe qui ne fait pas vraiment les affaires du natif d’Ascoli Piceno, qui déclarait à La Gazzetta le mois dernier : « L’entraîneur fait ses choix. Je ferai les miens à la fin de la saison. Certaines personnes parlent avec leur voix, moi je parle sur le terrain. Je cherche à marquer des buts, quand j’ai l’occasion de le faire. » Traduction : « Si tu veux pas me faire jouer davantage, je me tire ! » Amer, le jeune Italien a quelques raisons de l’être. Surtout quand on se penche trente secondes sur son ratio buts/minutes jouées avec la Roma (17 buts en 23 matchs de Serie A depuis son retour en mars, soit un toutes les 102 minutes environ) et sur la méforme relative de Francesco Totti à la pointe de l’attaque giallorossa. Mais les stats, Rudi Garcia s’en moque. À Rome, le patron de l’attaque a 38 ans, porte le numéro 10 depuis toujours, et n’a pas l’intention de se faire marcher dessus par un môme de 23 ans.
Tant qu’il y aura Totti…
On peut néanmoins reconnaître une certaine forme de malchance à Mattia Destro. Depuis son arrivée dans la capitale italienne en juillet 2012 et son départ de Sienne (où il avait d’ailleurs excellé avec 12 buts en 30 matchs à seulement 20 ans), le « bomber » n’a jamais pu disputer plus de 21 matchs de championnat sans se faire bouffer par les blessures ou les suspensions. Et quand, enfin, il retrouve le chemin des terrains, enfile les buts et se permet même quelques assists bien sentis, son entraîneur n’en fait toujours pas un titulaire indiscutable. Pénible, surtout quand le sélectionneur se met à faire de même. À quelques jours du match au sommet face aux Croates de Niko Kovač, Antonio Conte a rendu une première liste de 26 joueurs dans laquelle figuraient les noms de Mario Balotelli, Simone Zaza, Graziano Pellè, mais pas celui de Mattia. Un scandale pour certains, un choix incohérent pour d’autres. Alors, concrètement, peut-on parler d’un plan anti-Destro ?
Que les tifosi se rassurent, le numéro 22 romain connaîtra lui aussi son heure de gloire. La question étant de savoir quand. À voir Mario Balotelli revenir en sélection après un début de saison pathétique avec Liverpool, Giovinco maintenu malgré un temps de jeu lamentable avec la Juve (187 minutes jouées cette saison, zéro but) et un Zaza sans éclat mais également rappelé par Conte, le jeune Destro a toutes les raisons d’avoir les nerfs. Pour justifier les choix de Rudi Garcia, certains évoquent l’incapacité du joueur à s’adapter au système tactique de l’entraîneur, donc d’évoluer autre part qu’à la pointe du 4-3-3 romain. Ce à quoi il faut ajouter une autre explication, bien plus rationnelle. Si Garcia confirme Destro en pointe, cela signifierait mettre Totti sur la touche. Et mettre Totti dehors, c’est comme se tirer une balle dans le pied. Du haut de ses 38 balais, Il Capitano représente bien plus qu’un attaquant exemplaire pour le peuple giallorosso. Totti est l’âme de la Roma, le saint patron qui guide ses disciples. Alors forcément, tant qu’il aura les cannes, Rudi Garcia pourra difficilement faire sans lui. Quitte à vexer les plus jeunes, Destro en tête.
Décollage immédiat ?
Avec un talent pareil et des statistiques à faire pâlir Super Mario, Mattia Destro attire forcément les convoitises des grands clubs européens. Pisté cet été par le Milan de Pippo Inzaghi qui semblait prêt à aligner quinze millions pour la pépite italienne (l’offre a finalement été refusée par la Roma), Destro serait maintenant dans le viseur du vieil Arsène et de ses Gunners. En manque de temps de jeu à Rome où il est en concurrence perpétuelle avec Totti, Iturbe (la recrue frisson de l’été, elle aussi en manque de temps de jeu) et Ljajić, le brun aux yeux bleus pourrait même quitter la Ville Éternelle dès janvier afin de retrouver la place de titulaire qu’il cherche péniblement depuis deux ans.
Interrogé cette semaine par la radio officielle du club romain sur la possibilité d’un départ cet hiver, l’homme que Trapattoni voit comme « un grand attaquant au potentiel immense » s’est montré flatté de l’intérêt que lui porte Arsenal. « Les rumeurs du mercato ? Parfois, elle sont belles aussi. Ça fait toujours plaisir de voir de tels clubs s’intéresser à vous, ça signifie que je suis sur la bonne voie. Il me reste toutefois beaucoup de choses à améliorer et je pense que je dois encore travailler pour montrer ce dont je suis vraiment capable » , a-t-il affirmé. Première bonne nouvelle pour lui : à Londres, aucun joueur ne s’appelle ni Francesco, ni Mario.
Par Morgan Henry