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C’est quoi cette idée de se priver de Ribéry et Benzema ?
Mardi dernier, l'équipe de France a fait belle impression en écrasant la Norvège au Stade de France (4-0), sans ses deux stars, Franck Ribéry et Karim Benzema. D'où la question soulevée depuis : et si les Bleus étaient plus forts sans eux ?
L’équilibre d’un groupe de potes ne tient parfois qu’à un fil. Par définition, celui-ci est composé d’une somme d’individualités qui jouent tous un rôle dans le maintien de l’entente générale. Par exemple, le mouton noir, plus communément appelée victime, permet à la bande de disposer d’un exutoire en son sein et de s’unir autour des moqueries qu’il encaisse sans broncher. À côté, les suiveurs constituent la majorité des effectifs et, comme leur nom l’indique, prennent part aux rassemblements sans en assumer l’organisation. Car cette tâche est en effet dévolue à un petit cheptel, celui des meneurs. Intronisés grâce à leur charisme, ces derniers prennent en charge les décisions et guident le reste du troupeau. En équipe de France, ce statut a été arrogé d’office à Karim Benzema et Franck Ribéry. Du haut de leurs clubs, performances et palmarès, les deux larrons seront les fers de lance des Bleus au Brésil. Enfin, normalement. Car lors de la dernière soirée organisée au Stade de France, tous les deux étaient absents, n’empêchant pas le reste des ouailles de s’éclater sur le dance-floor de Saint-Denis. Depuis, quelques voix s’élèvent : et si, délestée de ses deux meneurs, la bande à DD jouait mieux au ballon ? Les 4 buts inscrits et le spectacle proposé face à la Norvège ont en tout cas donné à manger aux détracteurs de ce duo de leaders.
La fin des complexes
Ménagés pour des raisons différentes, Ribéry (dos) et Benzema (finale de Ligue des champions) ont donc vu s’installer à leur place le jeune Antoine Griezmann et l’ambassadeur français du slip kangourou, Olivier Giroud. Le premier très actif, le second double buteur, l’équipe de France n’a pas trop eu à pâtir de l’absence de ses ogres du football mondial. Mieux, elle a semblé libérée dans ses combinaisons. Une corrélation ? Sans doute. En leur présence, l’attaquant du Real et le Kaiser semblent catalyser les attentions. À chaque difficulté collective, l’équipe s’en remet à ses deux craks, cherchant Benzema en décrochage ou Ribéry sur son côté en attente d’un exploit. Mais moins adroits sous la liquette nationale qu’en club, les deux hommes jouent leur partition en Bleu sans obtenir de résultats fameux. Un problème, symbolisé il y a quelque temps par la longue période de disette de KB9 devant les bois. Pourtant dotés d’un talent supérieur au reste de l’effectif, les deux compères semblent tout simplement prendre un peu trop de place pour que leurs partenaires s’épanouissent. Décomplexé face à la Norvège, le 11 titulaire s’est donc permis plus d’échanges et n’a pas eu à se demander où se trouvaient ses gâchettes de moins en moins létales. Au printemps à Madrid, le Real avait pu observer le même phénomène lorsque Cristiano Ronaldo avait déserté pour blessure, certains socios assurant que la Maison Blanche était meilleure sans son enfileur de perles portugais. Un constat vite démonté par l’intéressé. Tout comme les résultats du PSG en fin de saison sans Zlatan Ibrahimović.
Le poids des leaders
Tirer sur l’ambulance serait d’ailleurs trop facile. Car au lieu de se féliciter de la bonne entrée des futurs remplaçants au Brésil, les observateurs préfèrent encore et toujours chercher les maillons faibles d’une équipe qu’ils se plaisent à détester. Le lascar Nasri évacué sur civière en moins de 140 caractères, Ribéry et Benzema ont pris place sur ce spot peu enviable. Loin de son statut de minot de 2006, le milieu traîne à ses basques une réputation de blagueur lourdaud et n’a pas réussi à se laver entièrement des éclaboussures d’une affaire Zahia restée dans les mémoires collectives. De son côté, Benzema n’en finit plus d’être tancé pour sa nonchalance. De là à faire de Griezmann et Giroud des titulaires en puissance, il y a un boulevard qu’il ne faut pas franchir, et ce, pour des raisons de pragmatisme pur. D’une part, l’opposition plus que faiblarde offerte par une Norvège, si elle a permis de tester les forces en présence, n’a pas donné lieu à un combat de tous les instants. Face à Alexander Tettey, nul doute que Benzema et Ribéry auraient fait aussi bien. Rappelons tout de même qu’ils étaient titulaires lors du match retour héroïque face à l’Ukraine. D’autre part, à l’approche d’une grande compétition où les matchs risquent d’être moins ouverts que les amicaux, l’expérience des deux hommes comptera. Capables de faire la différence sur un geste ou une accélération, Ribéry comme Benzema disposent de qualités supérieures, sans doute amenées à s’exprimer d’autant mieux dans les rencontres à enjeux. Alors s’enorgueillir de la fraîcheur de Griezmann et de l’implication de Giroud, d’accord. Mais mettre au banc deux joueurs parmi les meilleurs mondiaux, ayant accumulé les trophées au cours des deux dernières années, non. Car même s’ils énervent ceux qui les suivent, les leaders sont faits pour mener. Pas l’inverse.
Par Raphael Gaftarnik