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C’est quoi ce traquenard dans lequel le Sierra Leone a mis le Bénin ?
Le match entre la Sierra Leone et le Bénin, décisif pour la qualification pour la CAN 2022 au Cameroun, était programmé mardi à 18 heures GMT. Mais une histoire de tests Covid présentés par les Sierra-Léonais et jugée bidon par les Béninois a empêché la tenue de la rencontre. Les Écureuils dénoncent une magouille, la FIFA a été alertée, la CAF a reporté le match à juin et ouvert une enquête. Bienvenue à Freetown !
« C’est une honte ! Des manœuvres inadmissibles, visant comme par hasard cinq de nos titulaires, déclarés positifs à la Covid-19, quelques heures avant le match. Sans la moindre preuve, d’ailleurs ! Nous n’allons pas en rester là. Mais quelle image l’Afrique donne-t-elle encore ? » À deux doigts du pétage de plombs, Mathurin de Chacus, le président de la Fédération béninoise de football (FBF) tentait mardi soir de retrouver son calme, au milieu d’une agitation que l’on perçoit à l’autre bout du fil. Le dirigeant, qui en a pourtant vu d’autres en Afrique, a déjà alerté la FIFA, dont il fait partie en tant que membre du conseil, pour expliquer dans le détail la situation que vit la délégation béninoise.
Actuellement, nous sommes bloqués dans le bus car la Sierra Leone dit que nous avons 5 cas Covid, ce qui est faux. Dans les 5 cas, certains on déjà eu la Covid et donc ils ont des anticorps. Nous avons aussi été testés au Bénin avant de voyager et tout le monde était négatif.
— Cedric Hountondji (@c_hountondji) March 30, 2021
Cinq joueurs positifs, mais aucun document officiel
La Sierra Leone et le Bénin devaient donc s’affronter mardi à Freetown, pour la sixième et dernière journée des éliminatoires de la CAN 2022 au Cameroun, dans un groupe L où le Nigeria avait déjà assuré sa qualification. Les deux pays, qui ne se sont rencontrés que trois fois dans leur histoire, entretiennent des relations qualifiées de « normales » par un bon connaisseur du continent africain. Un match nul suffit aux Écureuils pour accompagner les Super Eagles au Cameroun, alors que la Lone Star doit impérativement s’imposer pour rejouer une phase finale, vingt-six ans après sa dernière apparition à ce niveau. Mais les problèmes ont commencé quelques heures avant le coup d’envoi, alors que le séjour des Béninois s’était déroulé à peu près normalement, depuis leur arrivée à Freetown dimanche. « On a quitté notre hôtel mardi en début d’après-midi. Le bus a été stoppé deux fois, sans raison, pendant plusieurs minutes. Et en arrivant au stade, on voit des officiels arriver et dire que cinq de nos joueurs sont positifs à la Covid-19. Ils ne montrent aucun document officiel, juste une feuille blanche avec les noms des joueurs inscrits dessus. Et ils exigent qu’ils soient mis à l’isolement », raconte Tidjani Anaane, le milieu de terrain de Menemenspor (Turquie/Ligue 2).
Les cinq joueurs en question sont le gardien Saturnin Allagbé (Dijon), les défenseurs Khaled Adenon (Avranches) et Yohan Roche (Rodez), et les attaquants Steve Mounié (Brest) et Jodel Dossou (Clermont Foot). « Deux d’entre eux (Dossou et Mounié, NDLR) ont eu la Covid-19 il y a quelques semaines et ont donc développé des anticorps », explique Steev Hondjo, qui gère l’image de la sélection béninoise. « Il nous semble évident que les Sierra-Léonais ont manœuvré pour empêcher ces cinq joueurs de participer au match. Nous avons effectué des tests à Cotonou samedi, soit soixante-douze heures avant le match. Les résultats étaient négatifs, et l’ensemble de la délégation (77 personnes) a voyagé dans un avion privé. Quand nous sommes arrivés à l’aéroport de Freetown, on ne nous a d’ailleurs rien demandé, ce qui m’a étonné », poursuit Hondjo.
Dussuyer : « C’est trop gros »
La veille du match, tous les Béninois subissent un nouveau test, à leur hôtel. Mais Tidjani Anaane est surpris par la méthode utilisée par des préleveurs sierra-léonais : « J’ai fait pas mal de tests, mais celui-ci m’a semblé bizarre. On m’a mis un écouvillon dans le nez, mais très rapidement, sans vraiment aller en profondeur. » Les résultats auraient dû être communiqués mardi matin. Ils ne le seront qu’en début d’après-midi, aux portes du National Stadium de Freetown. « Nous avons passé près de quatre heures trente dans le bus, sans pouvoir aller aux toilettes. On devait uriner dans des récipients en plastique… Quand nous sommes rentrés à notre hôtel, nous avons attendu de longs moments avant de pouvoir manger, poursuit le milieu de terrain des Écureuils, qui a pu discuter avec les arbitres tunisiens désignés pour diriger le match. J’en connaissais certains, puisque j’ai joué en Tunisie. Ils étaient également très étonnés par cette histoire de tests. »
Mardi soir, la Confédération africaine de football (CAF) a acté le report du match au mois de juin, et annoncé l’ouverture d’une enquête. « C’est trop gros, il s’agit clairement d’une tricherie. Cinq joueurs figurant comme par hasard sur la feuille de match, et positifs… Manque de bol, les Sierra-Léonais ont désigné deux joueurs qui ont eu le virus récemment, et qui ne peuvent donc pas être de nouveau contaminés, termine Michel Dussuyer, le sélectionneur du Bénin. Ils vont nous emmerder jusqu’au bout. À l’heure où je vous parle (11 h 30 en France), nous sommes bloqués à l’hôtel, dans l’attente de l’escorte pour nous accompagner à l’aéroport. J’espère que la CAF va mener sérieusement une enquête. » Comme si c’était le genre de l’instance de fuir ses responsabilités…
Par Alexis Billebault