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C’est quoi ce tournoi de futsal en Inde ?
Une ligue de futsal avec Ronaldinho, Giggs, Scholes et chapeautée par Luís Figo. Le tout, en Inde pour aider au développement du foot. L’affiche fait rêver. Mais derrière les paillettes et le cash, il y a un sacré désordre.
Tout a commencé par un tweet. Celui de Luís Figo, le 7 mars dernier : « À Londres avec mes partenaires indiens » , avait écrit le Ballon d’or 2000. Pas grand-monde n’avait compris, d’autant que les deux entrepreneurs posant à ses côtés sont d’illustres inconnus en Inde. Un mois plus tard, le Portugais débarquait à Mumbai pour une conférence de presse pompeuse et lançait la Premier Futsal (PF), un tournoi de futsal annoncé pour mi-juillet, avec la promesse de rassembler les grandes stars de la discipline. Là encore, pas mal de doutes sur le projet. Finalement, on y est. Aujourd’hui, Luís Figo, en tant que président de la PF, lance la compétition, prévue jusqu’au 24 juillet. À quoi ressemble ce mini-tournoi bâti en quelques mois ?
Avec le compositeur de Slumdog Millionnaire
Beaucoup de paillettes bien sûr. Comme promis, des stars du futsal, comme le Brésilien Falcão, sont là. Et aussi des ex-gloires du foot : Ronaldinho, Ryan Giggs, Paul Scholes, Michel Salgado et Hernán Crespo. Ils sont répartis dans six franchises toutes neuves, détenues par des groupes d’investisseurs ou des acteurs de Bollywood. La compétition est très courte (9 jours) pour plaire aux diffuseurs. En Inde, la recette est déjà appliquée au cricket avec l’IPL, et bien sûr au football grâce à l’Indian Super League (ISL), tournoi privé de deux mois qui a permis au public indien de découvrir Anelka, Del Piero ou Apoula Edel. « Grâce à ces noms, on sent de la ferveur autour de cette ligue de futsal. Et c’est ce qui avait marché avec l’ISL. Des gens qui n’allaient pas habituellement au stade ont commencé à s’intéresser » , analyse Marcus Mergulhao, journaliste pour le Times of India.
Les paillettes, c’est aussi une promotion kitsch assurée par une gloire du cricket, Virat Kohli, et le compositeur A.R. Rahman, connu en Europe pour la musique de Slumdog Millionnaire. En ajoutant pas mal de pub et une retransmission en HD, la Premier Futsal a le droit à une belle exposition. Les promoteurs de la compétition voient même plus loin et plus grand : chaque franchise est supposée dépenser environ 1 million d’euros chaque année pour se développer. Une somme considérable pour un sport tout jeune. Car si le football avait une base et une histoire avant d’être boosté par l’arrivée de l’ISL, le futsal est totalement méconnu. « C’est un concept tout neuf. En Inde, on a bien des terrains de foot réduits, il y a de plus en plus de « terrains five » près des centres commerciaux. Mais on ne joue pas avec les règles du futsal ou avec des ballons spécifiques » , explique Rahul Bali, rédacteur en chef de l’édition indienne de goal.com. Il y a bien quelques clubs, mais rien de très solide. Ce qui explique en partie la composition des équipes : sur les douze joueurs de chaque franchise, seuls cinq sont indiens. Pas top lorsqu’on veut assurer « le développement de ce sport » , comme l’annonçait Figo lors de sa conférence de presse inaugurale.
Plateau réduit à 6 équipes
Surtout, la Premier Futsal pâtit du conflit entre l’Association mondiale de futsal (AMF) et la FIFA, qui se disputent le contrôle de ce sport depuis des années. Figo et ses potes investisseurs se sont appuyés sur l’AMF. Et se sont donc pris une volée de la part de la Fédération indienne, liée à la FIFA. « C’est une compétition non autorisée. J’ai d’ailleurs entendu qu’il y avait pas mal de problèmes et que certains joueurs comme Deco n’avaient pas reçu leur argent (d’abord partant, l’ex-joueur de Porto a déclaré forfait pour blessure, ndlr) » , a lancé Kushal Das, secrétaire général de la fédé indienne, qui a menacé de suspension les joueurs indiens participant à cette ligue.
La guerre entre les deux entités a affaibli la Premier Futsal. Derrière les grands noms, l’organisation a été chaotique. Au départ, huit équipes étaient prévues et devaient jouer dans tout le pays. Il n’y a plus que six franchises qui s’affrontent seulement à Chennai et Goa. Le calendrier final n’a été révélé que mardi, et les équipes n’ont même pas de noms distincts : elles s’appellent pour le moment Kolkata 5s, Goa 5s, Chennai 5s, etc. Bref, un fonctionnement un peu à l’arrache, le symbole étant l’annonce de l’arrivée de Ronaldinho et Scholes cinq jours seulement avant le début de la compétition. « Ils n’ont pas réussi à attirer de gros sponsors, notamment à cause de ce conflit. Et on attend de voir les pubs pendant les matchs, mais ça ne devrait pas crever les plafonds » , poursuit Rahul Bali.
Jackpot pour Ronnie
Il est surtout permis de douter qu’une compétition aussi courte puisse permettre un développement du futsal et par extension du foot, tant les manques sont structurels. Lors du lancement en avril, Figo avait sorti les violons en louant les bienfaits du futsal qu’il avait pratiqué au Portugal étant gamin. Les plus attentifs auront retenu un autre passage. « L’Inde a une immense population et un immense marché. » Le refrain habituel. Les fans indiens vont certes se délecter de la présence de Giggs ou Scholes, mais peuvent toujours attendre un vrai plan pour sortir leur pays du quasi-néant footballistique. Et ce n’est pas Ronaldinho qui va se plaindre de cette vision à court terme arrosée de cash. L’ex-joueur du PSG toucherait, selon les sources, entre 250 000 et 450 000 dollars pour neuf jours de Premier Futsal. Todo bem.
Par Guillaume Vénétitay