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C’est quoi ce grand bazar en Tunisie ?
La Fédération tunisienne de football (FTF) a décidé de suspendre le CS Chebba pour la saison 2020-2021, laquelle doit commencer le 7 novembre. Inacceptable pour les habitants et les supporters de la ville côtière. Depuis, Chebba vit au rythme des manifestations et des protestations.
On ne sait pas comment les supporters de Saint-Étienne, Lorient, Dijon, Montpellier ou de n’importe quel club de Ligue 1 ou Ligue 2 réagiraient si la Ligue de football professionnel (LFP) ou la Fédération française de football (FFF) prononçaient leur exclusion des compétitions qu’elles organisent. Pas très bien, sans doute. Comme ceux du Croissant sportif de Chebba, en Tunisie, mobilisés depuis dimanche pour protester contre la décision de la Fédération tunisienne de football (FTF). La veille, l’instance avait frappé un grand coup, en annonçant que le club entraîné par le Français Bertrand Marchand était exclu du championnat de Ligue 1, supposé commencer le 7 novembre prochain, et de la Coupe nationale.
Grève, manifs et pneus brûlés
Les motifs avancés par la FTF se basent uniquement sur des arguments administratifs. Le CS Chebba n’aurait pas remis dans les délais légaux tous les documents demandés par la fédération afin de pouvoir prendre part aux compétitions qu’elle organise en vertu des articles 25, 29 et 31 de son règlement général, malgré de multiples relances écrites. Plusieurs fois sanctionné financièrement, le CSC n’aurait pas réglé rubis sur l’ongle les différentes amendes infligées par l’instance. Il aurait proposé à celle-ci de déduire le montant des pénalités des droits TV lui revenant. Une suggestion balayée par la FTF.
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Depuis dimanche, donc, la ville de Chebba, située au sud-est de la Tunisie, vit au rythme des contestations des supporters du club en particulier et d’une majorité des habitants en général, alors qu’ils ne sont pas tous des amateurs de football. L’entrée de la ville a été bloquée avec des pneus en feu, de nombreux commerces et administrations sont restés fermés notamment lundi, et les fans du CS Chebba défilent quotidiennement au centre-ville. La tension n’est pas vraiment retombée, alors que le Premier ministre tunisien, Hichem Mechichi, a déclaré « comprendre la colère des supporters », tout en les invitant à contester légalement les décisions prises par la fédération, présidée par Wadi Jary. Parallèlement, un comité de soutien au CSC a été créé par des habitants de la ville, lesquels ont demandé au président de la République Kaïs Saied d’intervenir.
La Fédération accusée de régler ses comptes avec le président de Chebba
Car à Chebba, les arguments de la FTF n’arrivent pas à convaincre. Les protestataires sont convaincus que les raisons de cette suspension sont ailleurs. Le président du CSS, Taoufik Mkacher, un homme d’affaires protéiforme (automobile, aquaculture, immobilier…) est en conflit ouvert avec Wadi El Jari, le président de la fédération, à qui il reproche une gestion autoritaire du football tunisien et un manque de transparence avéré dans son mode de gestion. La page Facebook du CS Chebba a plusieurs fois publié des commentaires parfois virulents sur le dirigeant. Le 13 octobre dernier, la Commission nationale de discipline et de fair-play de la fédé avait retiré six points au CSS sur le classement de la saison 2019-2020. Mkacher et Mohamed Ben Brahem avaient écopé d’une suspension de deux ans de toute activité liée au football, et le club d’une prune de 12 400 € en réponse aux propos jugés offensants vis-à-vis de la FTF et de certains de ses officiels.
El Jari, réputé pour sa capacité d’acceptation de la critique toute relative, ne semble vouloir faire aucun cadeau à Mkacher. On lui prête également l’intention de se porter candidat à l’élection pour la présidence de la Confédération africaine de football (CAF) prévue en mars prochain. « El Jary dirige la fédération seul, ou du moins avec quelques personnes très proches. Il n’écoute quasiment personne, et est très autoritaire. Il donne l’impression de régler ses comptes avec Mkacher, car il n’aime pas être remis en cause », rigole le dirigeant d’un club de Ligue 1. Le dialogue entre le CS Chebba et la Fédération tunisienne de football semble aujourd’hui totalement rompu. Selon certaines sources, le club envisage de porter l’affaire devant le Tribunal arbitral du sport (TAS) à Lausanne.
« Comme si le club était radié »
Attentif à l’évolution de la situation, Bertrand Marchand, l’entraîneur du CSC, continue de travailler avec son staff technique et les joueurs. « On s’entraîne, mais nous sommes au cœur d’un conflit qui nous dépasse. On est sur une bonne saison, avec le maintien obtenu et une demi-finale de Coupe de Tunisie. Je sentais bien que depuis plusieurs mois, les relations entre notre président et celui de la fédération se crispaient. Mais de là à nous interdire de participer au championnat… C’est comme si le club était radié… À Chebba, il y a des manifestations quotidiennes, les gens espèrent que le gouvernement va intervenir. On verra bien… »
Plusieurs clubs tunisiens ont apporté leur soutien au CS Chebba, trouvant la décision de la FTF « injuste ». L’un d’eux, l’Étoile sportive du Sahel, a été menacé par l’instance de ne pas se voir accorder sa licence pour participer à la Coupe de la confédération africaine de football, faute d’avoir réglé tous ses litiges financiers. Un hasard, sans doute…
Par Alexis Billebault