- Angleterre
- Premier League
- Manchester United
- Ryan Giggs
C’est quoi ce concept d’entraîneur-joueur ?
Ryan Giggs nommé entraîneur-joueur de Manchester United par David Moyes ? Un premier test sur le banc pour la légende du club mancunien avant, très probablement, d’en devenir le manager général. À moins que l’expérience ne tourne au fiasco, ce qui ne serait pas une première. La double casquette d’entraîneur-joueur est en effet rarement une sinécure.
Le 13 mai dernier, Gennaro Gattuso est viré de son poste d’entraîneur du FC Sion. Arrivé en début de saison en tant que joueur, l’Italien avait été nommé entraîneur-joueur en février en remplacement de Víctor Muñoz. L’expérience a tourné court : en onze matchs, l’ancien guerrier de l’AC Milan n’a pris que dix points avec le club suisse. Dehors. Qu’il se console, l’Italien n’est pas le seul à s’être planté dans ce rôle mi-crampons mi-touillette. Nicolas Anelka, par exemple, n’a même pas tenu deux mois. Intronisé le 12 avril 2012 par les dirigeants du Shanghai Shenhua, il reprend sa simple fonction de joueur dès le 30 mai après six matchs et seulement deux victoires. Un passage furtif qui lui a suffi à innover en se titularisant plusieurs fois au poste de milieu défensif. Bref, pas terrible pour quelqu’un qui souhaitait « relever le plus grand défi de (s)a carrière » . Edgar Davids, lui, est toujours en poste. Mais son bilan à la tête du Barnet FC, qu’il a rejoint en 2012, est pathétique. Presque drôle même. 23es sur 24 équipes avec 21 défaites, les Bees viennent de descendre en Conference National, l’équivalent de la cinquième division anglaise. Les lunettes du Hollandais ne font visiblement plus effet. Avant eux, d’autres ont vécu une expérience délicate à ce double poste. En 1977, Jean-Michel Larqué est nommé entraîneur du PSG à seulement 29 ans. Mais face aux difficultés des Parisiens dans le jeu, il décide de rechausser les crampons. Un retour quelconque qui ne permettra pas au club de la capitale de faire mieux que onzième, sans le moindre titre. À la fin de la saison, Larqué est poussé vers la sortie et redevient un joueur comme un autre. De son côté, Jean-Guy Wallemme a connu un début de carrière d’entraîneur bien difficile. Nommé entraîneur-joueur de Saint-Étienne en janvier 2001, il ne peut éviter la relégation du club stéphanois et laisse sa place à Alain Michel à peine six mois après son arrivée.
Un problème de lucidité et de crédibilité ?
C’est quoi le problème, alors ? Qu’est-ce qui fait qu’un mec comme Ruud Gullit, malgré une Coupe d’Angleterre en 1997 et une quatrième place en Premier League l’année suivante, a été aussi critiqué lors de son passage à Chelsea entre 96 et 98 ? Au-delà de ses performances médiocres sur le terrain, la « Tulipe Noire » a également été décriée pour ses choix tactiques. Est-ce impossible d’avoir le recul nécessaire quand on est à la fois sur le terrain et sur le banc ? « On ne peut pas se concentrer sur deux choses à la fois, il y a une forme de perte de lucidité tant d’un point de vue technique que tactique » , explique Régis Brouard qui est fondamentalement contre ce double poste, même s’il comprend qu’on puisse l’utiliser pour des raisons financières. Entre 1984 et 1986, Raymond Domenech était entraîneur-joueur à Mulhouse en deuxième division avant d’en devenir exclusivement l’entraîneur jusqu’en 1988. Sans parler d’échec retentissant, le bilan du futur sélectionneur de l’équipe de France est tout de même médiocre, puisqu’il ne parvient pas à faire remonter le FCM en D1 malgré une place de barragiste trois ans de suite. « Il y a un rapport qui s’installe dans le vestiaire, l’entraîneur-joueur est beaucoup plus regardé, jugé et critiqué par les autres. C’est un problème de crédibilité » , poursuit l’actuel entraîneur de Clermont qui avait refusé de continuer à jouer lors de sa première année de coach à Rodez.
Les contre-exemples Vialli et Roux
Pourtant, dans certains cas, assez rares il est vrai, la tentative de l’entraîneur-joueur a été un succès. C’est par exemple le cas de Gianluca Vialli. L’ancien international italien avait justement succédé à Gullit à la tête de Chelsea, tout en continuant à jouer pendant quelques mois. En deux ans, Vialli offre une Coupe de la Ligue, une Supercoupe d’Europe et une Coupe d’Europe des vainqueurs de coupes aux Blues. « Pour que ça marche, il faut qu’il ait un statut par rapport aux autres, pour qu’il soit respecté ou accepté » , estime Brouard pour qui ça ne peut pas fonctionner dans la durée. Alors est-ce plus facile de réussir à occuper ces deux postes simultanément à un niveau amateur ? Entraîneur-joueur d’Auxerre à partir de 1961 à seulement 22 ans, Guy Roux a réussi à faire monter le club de l’Yonne en troisième division en 1970 avant de se consacrer entièrement au métier de coach. « C’est plus facile en travaillant avec un groupe jeune qui aura plus de tolérance. Avec les mecs d’expérience qui connaissent le haut niveau, c’est plus compliqué » , analyse Brouard. De quoi inquiéter Ryan Giggs ? Pas vraiment, puisqu’il n’est qu’un des adjoints de David Moyes. En cas de difficulté, ce n’est certainement pas lui qui sautera en premier.
Par Quentin Moynet