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C’est quoi ce bordel à Anderlecht ?
Alors que le conseil d'administration de la Pro League a recommandé l’annulation de la saison, Anderlecht fait la gueule. Normal, car en plus d’enterrer leurs infimes espoirs d’Europe, cette décision n'aiderait pas les Mauves à sortir du bourbier financier et structurel dans lequel le président Marc Coucke est empêtré.
Si la décision est confirmée le 15 avril lors de l’Assemblée générale de la Pro League, sous réserve du bon vouloir de l’UEFA qui est montée au créneau ce vendredi, Anderlecht resterait huitième. Le Sporting enregistrerait alors son pire classement depuis 1938, sans jamais savoir si l’ultime journée de la première phase aurait permis d’accrocher les play-offs 1. Il est vrai qu’il aurait fallu un sacré alignement des planètes, mais les Mauves y croyaient. Au lieu de ça, ils vivront une seconde saison de suite sans Europe, ce qui n’est plus arrivé depuis soixante ans. Pire, la pandémie de Covid-19 met à mal l’équilibre financier du club détenu par Marc Coucke. Comme s’il avait besoin de ça, le PDG d’Omega Pharma doit faire face à deux autres problèmes de taille : un vestiaire divisé par la déclaration de solidarité, et une licence 2019-2020 remise en cause par son éternel conflit d’intérêt avec Ostende. Explications.
Les Mauves et élèves
Anderlecht n’a pas attendu que le coronavirus paralyse le foot belge pour être dans le pétrin. Il y a d’abord eu le rachat du club en 2018, puis une ribambelle de révolutions de palais. La dernière en date a été entamée fin 2019, puis officialisée mi-février quand Coucke a nommé Peter Verbeke comme directeur sportif à la place de Michael Verschueren, relégué au second plan depuis plusieurs mois. Dans la foulée, nouveau chamboulement au Parc Astrid quand Karel Van Eetvelt devient officiellement le nouveau CEO du RSCA à la place de Jo Van Biesbroeck. Mais trois jours plus tard, la Première ministre Sophie Wilmès annonce la suspension de toutes les compétitions sportives sur le sol belge. Un véritable coup d’arrêt pour les Mauves, qui avaient amorcé une folle remontée au classement, notamment grâce à trois succès d’affilée dont deux déculottées infligées à Eupen (6-1) et Zulte-Waregem (7-0). Pas le temps pour les regrets, car l’arrêt du championnat menace les finances du club, déjà peu reluisantes puisque Anderlecht a enregistré une perte de 25,8 millions d’euros sur l’année 2019, soit la plus importante parmi tous les clubs du Plat Pays.
Alors le 23 mars, Coucke et Van Eeetvelt mettent la quasi-totalité des salariés du club au chômage technique. Une décision incontournable pour le nouveau CEO d’Anderlecht, interrogé par la RTBF dans la foulée : « Je suis content d’avoir trouvé une grande solidarité. La solution va nous aider pour passer d’une bonne manière cette période vraiment difficile. » La mise au chômage technique des salariés du club est même accompagnée par une nouvelle vague de licenciements, qui permet de faire des économies à long terme tout en se débarrassant de ceux dont l’influence était déjà en chute libre au sein du club. À commencer par Pär Zetterberg, passé d’adjoint à entraîneur des attaquants lors de l’arrivée de Vincent Kompany. Deux jours plus tard, c’est au tour de Pieter Eecloo, chef de la cellule scouting, de faire ses cartons à Neerpede. Deux noms qui viennent s’ajouter à une liste déjà longue comme le bras depuis l’arrivée de Coucke il y a deux ans. Et forcément, ces licenciements ont déjà coûté bonbon à Anderlecht.
Galères et Kompany
Mais le 23 mars, pour éviter de continuer à perdre plus d’un million d’euros par mois, la direction décide de passer à la vitesse supérieure en réclamant aux joueurs de lâcher un mois de salaire. À l’instar du Barça, Anderlecht est un des premiers clubs européens à songer à cette alternative. Mais une fois l’effet d’annonce passé, l’affaire a pris une tournure invraisemblable. Un accord avait pourtant été obtenu par Kompany après médiation. Mais alors qu’il était initialement question de l’abandon du salaire pour le mois d’avril, de nouvelles conditions ont fait leur apparition au dernier moment. Conditions qui n’ont pas été du goût de tous, certains joueurs ayant finalement refusé de signer. Kompany a alors proposé de payer pour ceux qui seraient dans l’incapacité de faire l’effort, mettant la pression avec le club sur ceux qui seraient « non solidaires ». Pas suffisant pour l’instant, mais le club continuerait de contacter individuellement les récalcitrants pour que cette déclaration de solidarité soit unanime. Ce vendredi, Kompany aurait même proposé à ses coéquipiers de répartir leurs efforts financiers, et de ne pas les limiter au mois d’avril.
Comme si ça ne suffisait pas, Waasland-Beveren, Virton et Ostende remettent en cause la licence octroyée à Anderlecht pour la saison prochaine. Pour rappel, depuis juin 2015, afin de pouvoir évoluer au niveau pro et en Europe, les clubs belges doivent fournir des garanties financières pour se voir attribuer une licence par l’Union belge de football (URBSFA). Mais d’après le règlement, la licence ne peut pas être octroyée à « un club dont une ou plusieurs personnalités juridiques est également une personnalité juridique liée à un autre club professionnel ». Ce qui est le cas de Coucke, car ce dernier a toujours une créance de 6,2 millions d’euros envers Ostende, dont il a été le propriétaire entre 2013 et 2017. Le propriétaire d’Anderlecht exige même que cette dette soit remboursée aussitôt après la revente, ce qui bloque l’opération et met plus que jamais en péril le club ostendais, déjà au bord de la faillite. Mais trop occupé ces derniers jours à faire du lobby pour que la dernière journée de championnat soit jouée, Coucke ne semble pas inquiet. En revanche, mécontent d’être raillé et critiqué pour son incompétence à diriger Anderlecht, il semble prêt à tout pour sauver sa peau. Quitte même à faire tomber les autres avec lui.
Par Maxime Renaudet