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C’est Jussiê un au revoir
C'est désormais une certitude. Près de dix ans après son arrivée à Bordeaux, Jussiê va quitter la Gironde libre. Dans une indifférence quasi générale qui met un peu mal à l'aise, à l'heure des mercenaires rois.
En mai 2011, Éric Bédouet offrait à Ulrich Ramé une standing ovation bien méritée, en le remplaçant par Cédric Carrasso face à Montpellier, pour sa dernière à Bordeaux en tant que joueur. Un traitement auquel n’a pas eu droit Jussiê Ferreira Vieira. Le 11 mai dernier à l’occasion de la réception sans enjeu du Paris Saint-Germain, ce même Ulrich Ramé décidait que le Brésilien serait son 19e homme, celui qu’on invite à regarder la rencontre depuis les tribunes. Après neuf saisons et demie passées aux Girondins, il était décidé que l’attaquant aux 45 buts en 251 matchs pour les Girondins quitterait Bordeaux sans applaudissements. Un ultime coup dur, pour le joueur de 32 ans dont la carrière bordelaise fut tout sauf un long fleuve tranquille.
Passion kiné
Au cours de ces presque dix saisons passées en Gironde, Jussiê n’aura passé qu’une seule fois le cap des 20 titularisations en Ligue 1. C’était en 2010-2011. Une irrégularité qu’un des joueurs les plus talentueux de notre championnat doit essentiellement à des blessures à répétition. En novembre 2010, pensant être débarrassé de ses pépins de santé, il en plaisantait même, en déclarant sur le site officiel des Girondins avoir « été passionné par la kinésithérapie, à l’époque où(il)étai(t)souvent blessé » . Malheureusement, son corps le trahira à nouveau à de nombreuses reprises. Et celui qui déclarera plus tard « jouer essentiellement en pensant à ne pas(s)e blesser » multipliera les séjours à l’infirmerie, entre rechutes et blessures sérieuses. Dont celle, la plus grave, intervenue en juillet 2014. Lors d’une banale opposition à l’entraînement, ses ligaments croisés du genou droit craquent. Et le contraignent à vivre une saison blanche.
En plus de ses problèmes physiques, Jussiê, que Jean-Louis Triaud a trop souvent essayé de faire passer pour une « recrue » auprès des supporters, c’est-à-dire à chaque retour de blessure du Brésilien, a également dû faire face à une autre difficulté : celle de se fixer à un poste. Attaquant de pointe ou de soutien, ailier, meneur de jeu ou relayeur, l’ancien Lensois aura été baladé à tous les postes de l’attaque par ses entraîneurs successifs. Indispensable à l’équipe lorsque son corps l’y autorisait, grâce à ses qualités techniques hors normes et son sens inné du but, il aura souvent été ce membre de la famille à qui on prépare une assiette sans jamais vraiment savoir s’il sera là pour le dîner. Et s’il est là, il prendra place là où il en trouvera, sans jamais rechigner.
Un des derniers joueurs de club
Du plus ancien Brésilien de Ligue 1 juste derrière Hilton, si l’on efface cette infidélité de 6 mois en 2013, avec ce prêt aux Émirats arabes unis, les supporters bordelais se souviendront d’un homme qui aura été de tous les succès récents. Vainqueur de la Coupe de la Ligue en 2007 et 2009, champion de France en 2009 et vainqueur de la Coupe de France en 2013. Mais il y aura eu ces buts, surtout. Ceux inscrits face au meilleur ennemi marseillais, sa victime privilégiée, dont ce doublé d’avril 2012. Et puis ce festival réussi face aux Lyonnais dans les arrêts de jeu, en avril 2011. Au vrai, ils sont très peu aujourd’hui en Ligue 1 à posséder le sens du but du Brésilien naturalisé français. Et ceux qui restent sont en voie de disparition.
À l’heure où la plupart des attaquants du championnat de France tremblent au moment de se présenter face au gardien, Jussiê a toujours la solution. Le crochet n’est jamais superflu, la frappe toujours sèche, le poteau toujours frôlé du bon côté. De Jussiê, le Haillan se souviendra également d’un « joueur de club » , comme on les appelait à une époque de plus en plus lointaine, quand la fidélité au maillot signifiait encore quelque chose. Et cela méritait assurément une sortie un peu plus digne. Mais ne comptez par sur Jussiê pour s’en plaindre.
Par Mathias Edwards