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« C’est à Lorient que j’ai passé mes meilleures années »
Après deux saisons au Qatar, l’ex-grand espoir français Jérémie Aliadière, trente-trois ans, est de retour à Lorient. Entretien avec l’ancien protégé d’Arsène Wenger dont les blessures à répétition et certains choix de carrière posent question dans le milieu.
Tu as passé l’été à attendre une offre concrète. Peux-tu nous raconter les détails de ton retour à Lorient ?Cela faisait déjà quelque temps que j’étais en contact avec Lorient. C’était ma priorité. Après être parti du Qatar, si je rentrais en France, je voulais vraiment revenir à Lorient. Je ne voulais pas aller autre part. C’est pour ça que j’ai refusé quelques offres en France qui ne m’intéressaient pas. Il a fallu être patient. J’étais en contact avec le président. Lui était pour. Il y avait déjà du monde en place. Il a fallu attendre le bon timing pour me faire venir. La suspension de Benjamin Jeannot a joué en ma faveur. Je suis arrivé le dimanche 18 septembre, dans la soirée. Le lundi matin, je suis allé au camp d’entraînement. J’ai eu une super conversation avec le coach Sylvain Ripoll. À part les joueurs qui ont beaucoup changé, je connais tout le monde au niveau du staff.
Avec ton retour conjugué à ceux d’Arnold Mvuemba et Michaël Ciani, Lorient n’est-il pas en mode ex ?Ils étaient aussi en fin de contrat, dans la même situation que moi. Ils voulaient revenir dans un club où ils ont passé de bonnes années et où l’environnement est bon pour se consacrer au foot. Arnold, après être parti de Lyon où il n’a pas beaucoup joué, voulait revenir dans un club où il se sent bien. Le fait qu’on revienne tous les trois en même temps, c’est du hasard.
Fin juin, tu confiais vouloir rester au Qatar. Puis courant août, tu déclares ta flamme à Lorient. Le Moustoir te manquait tant que cela ?
En fait, je voulais rester au Qatar, car on était installés là-bas. Ma femme et mes enfants étaient là-bas. On était bien. Mon contrat se terminait. Quand tu es en fin de contrat, même si tu as envie de rester, ce n’est pas toi qui décides. Je n’ai pas eu d’offres. On s’est dit que c’était terminé et qu’il fallait retrouver une stabilité pour mes enfants. On a décidé de rentrer à Londres pour qu’ils retrouvent un équilibre, une scolarité et l’école où ils étaient avant. On a dû faire un choix. Lorient me manquait. Je me disais pourquoi pas finir ma carrière là-bas. J’ai toujours été en contact avec le président.
En effet, on te dit proche du président Loïc Fery…On ne se parle pas au téléphone toutes les semaines. Mais c’est vrai que j’ai suivi Lorient toute la saison. J’envoyais des messages d’encouragement. Je regardais tous les matchs.
La devise du FC Lorient est « le foot autrement » . N’est-ce pas aux antipodes du foot qatari ? Ou te places-tu par rapport à cela ? Tu vas dans un club et un endroit pour différentes raisons. Quand je suis venu à Lorient il y a cinq ans, c’était pour me relancer. J’ai vécu trois années dans un environnement familial après avoir connu une année sans jouer. J’ai retrouvé plein de bonnes sensations. Et après, forcément, on arrive à un stade où, passé la trentaine, tu es plus proche de la fin que du début. Pour le Qatar à Umm Salal, j’ai accepté une offre qui n’était pas refusable, on va dire. Je voulais tenter l’expérience et pouvoir me mettre financièrement à l’abri. Ayant vécu cette expérience et bien gagné ma vie, je suis désormais dans un autre état d’esprit. Je suis proche de la fin. C’est à Lorient que j’ai passé mes meilleures années footballistiques.
Outre le gros salaire, que retiens-tu de ton expérience au Qatar ?J’ai fait deux clubs, Umm Salal et Muaither SC. Je m’y suis plu. Ce que j’ai aimé, c’est la vie, la sécurité. Pour la famille, les enfants, c’est le top. Au niveau football, ce n’est pas pareil. Ce n’est pas l’Europe bien sûr. C’est une expérience. Il faut y aller ouvert d’esprit, sans vouloir comparer avec la France ou l’Angleterre, sinon tu n’y arrives pas. C’est une mentalité ouverte. Ils essaient d’accueillir les gens, de développer le pays le plus possible, de se moderniser le plus possible. Beaucoup d’Européens viennent et apportent leur expérience. Et bien sûr, tout le pays parle du PSG. Ils sont à fond. Le pays entier suit les matchs du PSG en Ligue des champions.
Qui as-tu retrouvé sur place ? La première année, des joueurs comme Nenê et Lisandro. Puis Yannick Sagbo est venu aussi, on a joué ensemble pendant six mois.
Beaucoup d’observateurs n’ont pas compris ton choix de partir au Qatar alors que tu étais en pleine bourre avec Lorient. La France découvrait en 2011 le Jérémie Aliadière tant espéré… Tu ne regrettes rien ?
Je ne regrette pas du tout. Les gens parlent sans savoir. D’accord, tu es en pleine bourre. Mais si j’étais aussi bon qu’on le disait, d’autres clubs en France seraient venus me chercher. Ils ne l’ont jamais fait. L’OM m’a fait un coup que je n’ai pas apprécié. J’étais à deux doigts de signer. Tout s’est passé au mercato d’hiver, en janvier 2014. J’étais à l’aéroport et à la dernière minute, les dirigeants de l’OM m’ont dit de ne pas monter dans l’avion, que tout n’était pas réglé. Puis finalement, rien ne s’est fait. La saison où je marque 19 buts, l’OL aussi parle, mais rien ne se fait. Tu es en pleine bourre au niveau de Lorient. Est-ce que ça veut dire que tu peux aller plus haut ? Apparemment, les gens ne le pensaient pas. Si j’avais eu vingt-cinq ans, je ne serais jamais allé au Qatar. Mais à trente et un ans, mon espoir d’aller dans un plus grand club qui joue la Coupe d’Europe était peut-être terminé. Après, tu commences à penser différemment.
Tu as signé un contrat d’un an. Quels sont tes objectifs ?C’est un challenge. J’ai envie de prouver que je peux encore être performant à trente-trois ans. Mais je ne me fixe pas d’objectifs personnels. C’est tout pour le club. C’est un début de saison difficile (Lorient est dernier après six journées, ndlr). J’ai envie de revoir le club dans le haut du classement. Lors de ma dernière saison ici, on a fini 8e. Nous en sommes capables. Je vais tout donner pour le club. C’est le coach qui décidera de comment il veut m’utiliser.
Penses-tu finir ta carrière à Lorient ?C’est possible. Tout dépendra de comment va se passer la saison. Est-ce que je vais pouvoir retrouver mon niveau physique ? Je verrai ensuite si c’est ma dernière année ou si je continue. J’ai commencé l’entraînement. Je suis un programme individuel. Il va falloir un peu de temps pour revenir. Il ne faut pas forcer trop, ne pas se blesser. Il y a une trêve internationale qui arrive, donc cela tombe bien. Cela va me permettre de bien bosser, peut-être de faire un match amical. Et ensuite me fixer sur la compétition en Ligue 1. J’ai envie de jouer le plus longtemps possible, du moment que mon corps me le permet. Ce n’est pas le même niveau au Qatar qu’en Europe, on ne va pas se le cacher. Honnêtement, quand je regardais les matchs de championnat, il y avait une partie de moi qui avait envie de revivre ça, de rejouer dans des stades pleins, de ressentir un engouement autour d’une saison et de matchs importants. Une autre partie de moi privilégie la vie de famille, ma femme, mes enfants. Le haut niveau me manquait et j’avoue que j’avais envie de revivre ça au moins pendant un an.
Es-tu toujours en contact avec Arsène Wenger, l’homme qui t’a lancé à l’époque à Arsenal ?Arsène restera toujours un deuxième père. Il m’a pris quand j’avais seize ans. Il s’est occupé de moi pendant de nombreuses années. On se parle encore au téléphone. On s’est revu quand je suis revenu à Arsenal il y a cinq ans pour m’entraîner. Puis cet été, j’ai utilisé les services d’un préparateur physique d’Arsenal avec qui j’étais en contact. J’ai également eu Arsène par rapport à ça.
Quel est ton meilleur souvenir chez les Gunners ? Gagner la Premier League avec Arsenal en 2004 en étant invincible. C’était extraordinaire. Jouer avec Bergkamp, Henry, c’est fantastique. Il n’y a pas mieux.
Propos recueillis par Florian Dacheux