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Cesc que un club

Par Antoine Donnarieix
5 minutes
Cesc que un club

Actuel milieu relayeur au sein du Chelsea d’Antonio Conte, Cesc Fàbregas s’apprête à fouler le Camp Nou contre son Barça formateur. Champion du monde et d’Europe, l’ex-Blaugrana n’a jamais soulevé la Ligue des champions dans sa carrière. La faute à son niveau de jeu, un peu, et à la malchance, beaucoup.

La longue mèche est travaillée, le sweat Puma et le canapé gris de son appartement londonien semblent eux aussi bien agencés. En vrai, tout semble aller comme sur des roulettes pour Cesc Fàbregas, titulaire à Chelsea depuis le début de saison. Pour le quotidien Marca, l’international espagnol évoque son prochain retour au Camp Nou, après un départ du club en 2014. « Je suis impatient. Ce sera un match compliqué, difficile… 90 minutes au Camp Nou, c’est long. Mais nous travaillons bien et nous allons faire le maximum pour obtenir la qualification. » Problème plus personnel, Cesc a des statistiques catastrophiques face au Barça. En trois confrontations à élimination directe face aux Culés, le Catalan n’est pour l’instant jamais parvenu à passer l’obstacle blaugrana. Pire encore : malgré son statut de champion du monde et d’Europe avec la Roja, la coupe aux grandes oreilles le fuit depuis le début de sa carrière, comme une malédiction. Pourquoi ? Vaste question.

Le choc des cultures

Formé à la Masia, Cesc est un enfant d’Arenys de Mar, petite commune située dans la province de Barcelone. Historien spécialiste du FC Barcelone, Angél Iturriaga explique l’adoration que Cesc témoigne au Barça. « Pour les joueurs de la Masia, le rêve absolu est de jouer en équipe première. Cela concerne toutes les époques : celle de Guardiola, celle de Xavi et Puyol, celle de Messi, Piqué et Fàbregas. Le mot « masia » se traduit par « maison de campagne » en français. C’est l’endroit où les enfants grandissent et voient du plus près possible comment ressembler aux adultes qui travaillent. » Ce rêve, Cesc va devoir y renoncer de façon brutale quand Arsenal se décide à l’engager dans ses rangs, en 2003. À 16 ans, il vit son premier grand choc émotionnel en tant que footballeur. « Il y a une grande difficulté à partir loin de ses repères et sa famille quand on est jeune joueur, décrit Sophie Huguet, psychologue du sport. Bien souvent, ils signent car ils ont une opportunité, mais ne mesurent pas les enjeux psychologiques d’un transfert. Passer d’un grand club à un autre, même pour poursuivre sa formation, représente un enjeu important. »

En Angleterre, Cesc apprend le concept du fighting-spirit, fort éloigné des phases de possession collective travaillées à la Masia. Trois années suffisent à le hisser en finale de Ligue des champions, aux côtés de Sol Campbell, Gilberto Silva et Thierry Henry. L’adversaire des Gunners ? Le Barça. Le résultat ? Une défaite 2-1, malgré un combat de 75 minutes en infériorité numérique. « Ce n’est pas facile de jouer ce genre de match à 19 ans, mais il avait sûrement les qualités pour jouer, explique Huguet. Il doit aussi se familiariser avec le contexte du très haut niveau, l’attente du club et du public pour progresser. » Iturriaga se rappelle quant à lui ce deuxième sacre attendu par le Barça depuis 1992. « Je me souviens du match, et c’est vrai que Cesc n’avait pas eu le rendement escompté. De mon point de vue, cela était dû à la pression dans un match décisif. » Mais si la défaite fait partie des éléments que le sportif doit dompter, Cesc n’est pas au bout de ses tracas.

« La forte pression desservait Cesc au Barça »

Henry parti au Barça, Arsenal se cherche une nouvelle dynamique avec sa colonne vertébrale : Fàbregas, déjà bien mature pour son âge, mais aussi Robin van Persie ou le frisson russe Andrei Archavine. Ensemble, les Londoniens vont affronter deux fois de suite le Barça en quarts de finale de C1, en 2009-2010 puis 2010-2011. Et à deux reprises, ils se font éjecter, à chaque fois dans un match retour cauchemardesque (4-0, puis 4-1).

Deux nouveaux échecs qui vont inciter Fàbregas à quitter Arsenal pour le Barça, double vainqueur de la Ligue des champions sous Pep Guardiola, à l’été 2011. Dans sa quintessence, le collectif barcelonais est alors basé sur de solides acquis. « Cesc est arrivé au Barça pour densifier l’effectif, décrit Iturriaga. Au milieu, il y avait Busquets, Xavi et Iniesta. De fait, dans un 4-3-3, sa position sur le terrain était très complexe à trouver. Passé un temps, Guardiola avait tenté de le placer faux numéro neuf dans un 3-4-3. Il mettait des buts et donnait des passes décisives, mais son rendement personnel n’était pas suffisant dans les très grands matchs. La forte pression le desservait au Barça. Imaginez-vous devoir concurrencer le meilleur milieu de terrain au monde… C’était impossible. » Pour sa première saison professionnelle sous le maillot du Barça, Cesc voit l’équipe éliminée en demi-finale de C1 par un Chelsea étouffé tout le match, mais battant dans l’âme (1-0, 2-2).

Manque de qualité ? De confiance ? Malchance ? Chat noir ? Beaucoup de raisons peuvent être attribuées à cette guigne qui touche Fàbregas en C1. Pour Iturriaga, l’explication est rationnelle : « Si Cesc n’est pas parvenu à remporter la C1, ce n’est pas sa faute. Guardiola commençait à sentir la fatigue arriver, puis la maladie de Tito Vilanova est arrivée, avec son remplacement par Roura et enfin Tata Martino. Ce n’était tout simplement pas la meilleure période du Barça. » Vincent Gouttebarge, chef médical de la FIFPro, prend le relais. « C’est juste une coïncidence, de la malchance. Concernant les performances, il est difficile de passer d’une saison à une autre… Je ne vois pas d’analyses scientifico-médicales à ce niveau-là. »

« La rationalité est très importante »

En revanche, l’homme est beaucoup plus explicite sur les étapes que doit suivre Cesc pour réaliser un bon match au Camp Nou ce mardi soir. « Quand le sportif se crée l’image d’un bourreau, que ce soit en sport individuel ou collectif, la rationalité est très importante, évoque Gouttebarge. La solution, c’est être positif, avoir une pensée saine et se concentrer sur le présent. Entrer sur le terrain et se sentir déjà battu, c’est le pire scénario possible. Par exemple, souvenez-vous des clashs entre Federer et Nadal sur terre battue. Plus les années passaient, plus Nadal prenait un énorme ascendant psychologique sur son adversaire. C’est le même cas de figure. » Le point positif pour Cesc, c’est que Federer est parvenu une fois à remporter Roland-Garros, en 2009… sans éliminer Rafa.

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Par Antoine Donnarieix

Tous propos recueillis par AD, sauf ceux de Fàbregas issus de Marca

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